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Revue de recherches sur les pratiques de stagiaires et d’enseignants expérimentés des

Il est nécessaire que nous nous intéressions aux recherches tant sur les pratiques des stagiaires que sur les pratiques des enseignants expérimentés. En effet, trois raisons nous amènent à évoquer les pratiques d’enseignants expérimentés de mathématiques. Premièrement, les enseignants débutants recherchent des pratiques mises en œuvre par les enseignants expérimentés, car elles les rassurent et sont supposées efficaces (Butlen, Masselot, & Pézard, 2003). Deuxièmement, les futurs enseignants ont de leurs vécus antérieurs comme élèves des conceptions qui se sont formées au contact d'enseignants marquants (Chouinard, 1999). Troisièmement, certains enseignants, en tant que personnes-ressources, accompagnent les stagiaires, par exemple, dans leurs planifications de leçons.

1.1.4.1 Pratiques de stagiaires sur l’enseignement des mathématiques

Les recherches sur les pratiques des stagiaires montrent, entre autres, les choix des stagiaires dans les tâches mathématiques, dans leurs interventions en classe et dans la gestion de la classe. L’analyse de pratiques de classe de futurs enseignants de mathématiques des Lycées et Collèges [système français] (Robert, Roditi, & Grugeon, 2007) montre que le projet mathématique d’une séance de cours peut être « soit majoré au détriment des élèves, ou que ce soit la prise en compte des élèves qui est majorée, au détriment du suivi du projet mathématique » (p. 66). Butlen et al. (2003) montrent qu’une grande majorité de stagiaires qu’ils ont observés ont des pratiques qui « se caractérisent par une baisse des exigences et une mise en actes de scénarios risquant de priver les élèves d’apprentissages collectifs » (p. 50). Ces stagiaires semblent être obnubilés par les réactions des élèves et le désir de constater que tous les élèves suivent (Robert et al., 2007).

Selon Chouinard (1999), la préoccupation principale de certains enseignants débutants est « de favoriser l'apprentissage, mais en se centrant plutôt sur les contenus à enseigner que sur les besoins et les capacités des élèves » (p. 500). Des stagiaires n’opèreraient pas de changement en profondeur dans les tâches mathématiques qu’ils tirent des manuels. Si bien que pour beaucoup d’élèves, faire des mathématiques serait, comme « effectuer une suite de (petites) tâches simples, isolées les unes des autres, où il suffit d'appliquer correctement une propriété indiquée par l'enseignant (ou à deviner facilement) » (Robert et al., 2007; p. 68). D’autre part, selon ces auteurs, certaines notions mathématiques semblent devenues naturelles pour des stagiaires qui n’y voient

plus de difficultés. Ils constatent que les stagiaires n’arrivent pas à élaborer de manière explicite les contenus à exposer et à préciser par exemple les anticipations sur le déroulement de la séance comme sur les difficultés des élèves et les temps accordés aux tâches. Ces stagiaires semblent méconnaître les mathématiques pour les élèves.

En ce qui concerne les interventions des stagiaires en classe, Bacon (2009) révèle que ces interventions sollicitent un travail procédural plutôt qu’un travail conceptuel. Ne sachant pas comment développer de nouveaux modes de communication dans la classe (H. Oliveira & Hannula, 2008), les stagiaires semblent rechercher la mémorisation des procédures dans leur pratique (Ambrose, 2004). Selon cet auteur, la plupart des futurs enseignants continueraient à penser que l'enseignement consiste à expliquer les choses, même s’ils parlent de l'importance à donner du temps de réflexion aux élèves. Ils pensent que donner une procédure [règle] en la commentant est suffisant pour la faire apprendre à tous les élèves (Robert et al., 2007). Selon Bacon (2009), les conceptions des stagiaires sur les contenus mathématiques auraient une incidence sur leurs interventions en classe. Les contenus mathématiques, la culture de l’établissement scolaire fréquenté et la gestion des activités avec un groupe-classe dans le temps imparti joueraient également sur les interventions des stagiaires en classe (Bacon, 2009).

Quant à la gestion de la classe, elle demeure un défi à relever par les enseignants débutants, même s’ils présentent un enthousiasme et un esprit d’initiative dans leur pratique de classe (Chouinard, 1999). Selon Bacon (2009), des stagiaires privilégient la gestion de la classe pour garantir une bonne évaluation du stage au détriment de l’apprentissage des élèves. En outre, ils mettraient en avant les pratiques empruntées à leurs enseignantes associées ou les pratiques qu’ils ont intégrées de leur expérience préprofessionnelle; une expérience qui a alors une portée reproductive plutôt qu’éducative. Or, les stages sont des moments pour mettre à l’épreuve les connaissances des futurs enseignants en milieu réel (Kiélem & Barro, 2007).

Enfin, Bacon (2009) reconnaît que l’évaluation du stage pourrait influencer les pratiques des stagiaires, un facteur pouvant jouer sur les pratiques de classe des stagiaires au Burkina Faso. En effet, à l’ordre primaire comme à l’ordre post-primaire, les stagiaires sont soumis vers la fin de l'année scolaire à un examen, soit certificatif, soit de passage.

Des pratiques dérivées des pratiques des enseignants titulaires de classe pourraient être mises en avant par le stagiaire au Burkina Faso, car, par exemple, le stagiaire de l’ordre primaire est suivi par un maître titulaire de classe et par le directeur d’école dans la préparation quotidienne de ses cours. C’est ainsi qu’il reçoit des critiques et des conseils nécessaires pour améliorer ses pratiques de classe. Une connaissance de résultats de recherche sur les pratiques d’enseignants expérimentés pourrait nous aider à comprendre les pratiques des stagiaires.

1.1.4.2 Pratiques d’enseignants expérimentés de mathématiques

Les recherches sur les pratiques des enseignants ont pu identifier, entre autres, des formes de présentation des contenus d’enseignement. Une forme de présentation consiste en une présentation directe des savoirs par l’enseignant. Selon Robert et al. (2007), une pratique largement partagée par les enseignants consiste à orienter les activités des élèves de façon univoque vers les savoirs visés par un guidage permanent des élèves, et ils donnent peu de temps de travail autonome. Les élèves sont dans ces cas, rarement confrontés, et s'il y a confrontation, elle est de courte durée. Cette situation réduirait, au niveau des élèves, « leurs questionnements sur ce qu'il faut utiliser et leurs essais autonomes de mises en relation de connaissances variées » (Robert et al., 2007; p. 64). Les élèves font fonctionner les outils dans les tâches mathématiques les uns après les autres, suite à un découpage fortement induit par l'enseignant lors de la leçon. Ces tâches semblent être menées au détriment de la conceptualisation des connaissances (Robert et al., 2007). Lorsqu’un enseignant cherche à rapprocher la notion à l’étude des « notions du sens commun, ou de réalités extérieures que les élèves sont censés connaître, voire de réalités extraites de leur univers affectif » (p. 21), il produirait une saisie approximative de la notion par les élèves (Kahn & Rey, 2008).

Novotná et Hošpesoná (2009), dans leur étude de pratiques de classe, révèlent qu’un enseignant présente souvent la théorie avant la résolution du problème. Cet enseignant « enracine la notion nouvelle dans la théorie que ses élèves devraient connaitre déjà » (p. 315), afin de créer un réseau consolidé de connaissances et de savoirs. Il utilise l’effet Topaze18 et réagit immédiatement à la

situation dans la classe. Dans son style d’enseignement, il pose des questions « Pourquoi? » dans toutes les activités (Novotná & Hošpesoná, 2009). L’effet Topaze réduit la responsabilité des élèves pour un accomplissement réussi des problèmes à résoudre. En s’attribuant « une part très importante de l’activité mathématique de la classe, exposant à la fois le savoir et les méthodes, et où

les élèves les appliquent pour réaliser des tâches très décomposées » (p. 15), il apporte lui-même les bonnes réponses aux problèmes qu’il pose lors de sa pratique (Roditi, 2009). Selon cet auteur, cette conception de l’enseignement pourrait être une expression d’une régulation du temps d’enseignement.

Une autre forme de présentation d’un contenu d’enseignement consiste à ne pas présenter le texte du savoir, mais de mettre une activité dans laquelle les élèves sont « amenés à utiliser, à approcher, voire à construire certaines notions du savoir » (Kahn & Rey, 2008; p. 22). Dans son style d’enseignement, il pose des questions « Comment? » dans toutes les activités. Selon Novotná et Hošpesoná (2009), un enseignant, participant à leur étude, n’utilise pas l’effet Topaze lorsqu’il privilégie la découverte des faits et des algorithmes par les élèves lors de la résolution des problèmes.

Un autre aspect différenciateur des pratiques des enseignants réside dans les choix qu’ils font afin d’influencer l’acquisition des connaissances de leurs élèves, ou leur réussite à certaines tâches mathématiques (Chesnais & Horoks, 2009). Selon elles, le mode de travail (travail collectif, travail individuel en classe, absence ou peu de phases d’institutionnalisation ou de prise en compte des erreurs des élèves dans la correction) est un facteur déterminant les effets différenciateurs des pratiques d’enseignement. La gestion des erreurs en classe détermine aussi des modes d’intervention des enseignants. Le choix d’intervention en classe est orienté par la nature des interprétations que l’enseignant fait à l’égard des erreurs de ses élèves (DeBlois, 2006).

En étudiant des phases de correction d’exercices sur le calcul littéral au collège, Coppé et Mouhayar (2009) constatent que les enseignants participants connaissent les erreurs classiques des élèves, surtout celles relatives aux tâches de réduction d’une expression littérale. Toutefois, dans leur analyse des erreurs, certains enseignants participants « se limitent à l’identification des opérations dans la démarche de résolution de l’élève, d’autres comparent seulement la technique utilisée par l’élève à celle qu’il a enseignée; d’autres essayent de spécifier la ou les source(s) d’erreur » (p. 283). De plus, les enseignants observés interprètent les erreurs lors des séances de cours sans interroger l’élève qui l’a commise. Or, l’interprétation faite par un enseignant peut ne pas correspondre à la pensée de l’élève (Coppé & Mouhayar, 2009).

En conclusion, des transformations des pratiques « se produisent à l'intérieur du style d'enseignement “prévu” des enseignants, par exemple, leurs croyances et leurs choix en matière de contenus et de gestion de la classe » (Perrin-Glorian, DeBlois, & Robert, 2008)(p. 53). Les conceptions des enseignants des mathématiques, de l’enseignement et de l’apprentissage pourraient-elles modeler les pratiques des stagiaires dans leur classe?