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Différents sens de la fraction

1.3 Cadre d’investigation

1.3.1 Différents sens de la fraction

La théorie des champs conceptuels de Vergnaud (1981) nous sensibilise à l’étude des particularités des tâches mathématiques dans lesquelles il est possible de retrouver les fractions. L’apprentissage des fractions fait l’objet d’une attention particulière des chercheurs ces dernières années (Pantazi- Pitta, Gray, & Christou, 2004) parce que les fractions exigent des connaissances conceptuelles profondes et aussi, parce que beaucoup d'élèves sortent de l'école élémentaire avec une connaissance insuffisante (Ross & Bruce, 2009).

Plusieurs travaux de chercheurs en didactique des mathématiques (Adjiage, 2007; M. J. Behr, Lesh, Post, & Silver, 1983; Blouin, 1993; Charalambous & Pitta-Pantazi, 2007; DeBlois, 2011; Fridman- Bittencourt, 2008; Mercier & DeBlois, 2004; Ross & Bruce, 2009), que nous rapportons dans cette sous-section, permettent de repérer une variété d’interprétation de la fraction selon leur contexte : une « partie-tout », une « partie-ensemble », un « rapport », une « proportion », un « quotient », un « résultat d’une division », un « nombre », un « opérateur » ou une « mesure ». Ces différents contextes d’utilisation de la fraction pourraient familiariser les élèves avec cette notion pour les amener à considérer la fraction comme un nombre. Les opérations sur l’addition peuvent alors avoir un sens. La figure ci-dessous schématise les niveaux de développement des sens de la fraction pour une meilleure réussite dans la résolution de problèmes sur les fractions.

Figure 3: Modèle théorique reliant les cinq sens des fractions aux différentes opérations des fractions et de résolution de problèmes (M. J. Behr et al., 1983; Charalambous & Pitta-Pantazi, 2007, p. 296).

L’étude de Behr, Lesh, Post et Silver (1983 ; 1992) montre que la compréhension du sens « partie- tout » de la fraction est souvent le point d’entrée dans l’étude de la fraction. La fraction « partie-

tout », représentée par

b a

(a et b étant des entiers naturels, avec b ≠ 0), présente un tout partagé en ‘b’ parties égales et on a réuni en ‘a’ parties (Blouin, 1993). Ainsi, on utilise souvent des figures géométriques à partager en parties égales. Ce sens est souvent en relation avec la fraction « mesure ». À ce moment, c’est l’existence d’une unité de mesure qui confère à la fraction le sens de « mesure » (M. J. Behr et al., 1983). Le sens « mesure » serait nécessaire pour le développement de la maîtrise des opérations sur l'addition des fractions (Charalambous & Pitta-Pantazi, 2007). Toutefois, les sens « partie d’un tout » et « mesure » conduisent souvent les élèves à considérer impossibles les fractions supérieures à l’unité, aussi appelées fractions impropres. Selon Hasegawa (2000), cela pourrait être dû aux modèles mentaux construits dans les premiers apprentissages de la

Partie-tout/Fractionnement

Rapport Opérateur Quotient Mesure

fraction. En effet, avec l’équipartition en jeu dans la relation partie d’un tout, l’élève percevrait dans un premier temps qu’une fraction serait toujours plus petite que l’unité.

Une interprétation de la fraction proche du sens de « partie-tout » est le sens « partie d’un ensemble ». Toutefois dans ce cas, un ensemble fini correspond à une grandeur discrète (Mercier & DeBlois, 2004). Par exemple, la phrase, « une classe de première année du secondaire compte 35 filles sur un total de 75 élèves », permet d’interpréter que les filles représentent

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de l’effectif de la classe. Ce contexte fait aussi intervenir la procédure d’équipartition mais pour une quantité discrète plutôt que continue.

Au Burkina Faso, dans le manuel scolaire de la classe du cours moyen première et deuxième années (MEBA/DGRIEF, 2010), la notion de fraction est formellement introduite à la page 81 à partir de fractionnement de figures géométriques (disque, carré, rectangle). Cette introduction semble prendre en compte le sens « partie-tout » d’une fraction. Toutefois, nous constatons les notations «

10 1 , 100 1 , 1000 1 » (p. 53) et « 2 1

kg » (p. 64). Au cas où un enseignant aborde ces notations avant que la fraction ne soit abordée, parce qu’il suit la progression du manuel scolaire, et un autre enseignant introduit la notion de fraction et à l’occasion aborde ces notations, un effet différentiateur pourrait émerger dans les apprentissages des élèves sur la fraction.

Pour M. J. Behr et coll. (1983), la fraction « rapport », la fraction « opérateur », la fraction « quotient » s’appuient sur d’autres procédures. Le sens « rapport » de la fraction est utilisé pour représenter la relation qui existe entre deux quantités (M. J. Behr et al., 1983). Il s’agit donc pour l’élève d’établir une comparaison, ce qui est nouveau. Blouin (1993) précise que le sens « partie-tout » se distingue du sens « rapport » par le fait que dans le premier cas, le numérateur et le dénominateur de la fraction désignent des objets appartenant à la même collection, alors que dans le sens « rapport », le numérateur et le dénominateur pourraient désigner des objets distincts. Ainsi dans la phrase, « Il y a 12 filles et 16 garçons dans la classe A, alors que l’on compte 15 filles et 20 garçons dans la classe B » (Blouin, 1993; p. 13), le rapport

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indique qu’il y a 3 filles pour 4 garçons dans la classe A et le même rapport dans la classe B, mais exprimé sous la forme

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compréhension des fractions équivalentes (Blouin, 1993). En outre, l’interprétation des fractions qui correspond à l’identification des secteurs en statistiques permettrait aussi la compréhension du sens « rapport » (Behr et coll., 1983). La fraction « rapport » permet également de comprendre la notion de « proportion » (Behr et coll., 1983; Blouin, 1993). En effet, selon Blouin (1993), la notion de proportion est une variante du sens « rapport ». On parlera de proportion lorsque le rapport est invariant quand les grandeurs varient (Adjiage, 2007). Ainsi, une recette de yaourt qui exige d’utiliser une tasse de lait en poudre pour quatre tasses d’eau présente un rapport

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. Ce rapport permet de prévoir la quantité d’eau nécessaire devant une nouvelle quantité de lait en poudre.

La fraction « opérateur » est considérée comme une fonction plutôt qu’une équipartition ou une comparaison comme dans les exemples précédents. Le nombre ne représente plus une quantité, mais une transformation (M. J. Behr et al., 1983). Cette interprétation se révèle utile pour le développement de la compréhension des opérations sur la multiplication des fractions (Charalambous & Pitta-Pantazi, 2007). Ce sens permet de réfléchir sur des problèmes de salaire horaire qui passent de 20 $ à 25 $, en appliquant la transformation «

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 ». La fraction « opérateur » permet aussi d’agrandir ou de réduire les dimensions d’une figure géométrique (Blouin, 1993). Vergnaud (1981) reconnait que l’introduction successive d’opérateurs multiplicatifs ne devrait pas concerner l’enseignement élémentaire.

Enfin, l’opération de division conduit à identifier la fraction « quotient » (M. J. Behr et al., 1983; Blouin, 1993). Ce contexte se rapporte au résultat de a divisé par b, résultat de l’équation linéaire

bx=a (b≠0) (Blouin, 1993). Ainsi, si 5x=2 alors x=

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. La fraction est alors un nombre. Le sens « nombre » permet d’ailleurs aux élèves de calculer (Rouche, 1998) et de situer la fraction sur la droite numérique (Adjiage & Pluvinage, 2000).