• Aucun résultat trouvé

Fondement et définitions 2.5.1

Selon Read (2013), il n’est pas toujours possible d’associer une distribution statistique à un phénomène naturel. Les paramètres d’ingénierie, tel que la résistance en compression uniaxiale obtenue sur des spécimens de roc intact, sont considérés comme des phénomènes naturels. Au lieu d’associer une distribution statistique aux résultats obtenus en laboratoire, Read (2013) suggère de bâtir une distribution de probabilité à partir des résultats obtenus. La méthode bayésienne modifiée permet d’assigner une probabilité à chacune des valeurs obtenues en laboratoire d’un paramètre géomécanique. Cette probabilité est la valeur espérée de fiabilité (E[R]). La valeur espérée de fiabilité (E[R]) est définie selon Read (2013) comme la probabilité que la valeur d’un paramètre géomécanique choisi soit inférieure ou égale à la valeur actuelle du paramètre.

13 Un exemple est utilisé afin d’expliquer la méthode bayésienne modifiée. Les données présentées proviennent des résultats d’essais de résistance en compression uniaxiale pour le type de roche AA (Read, 2013). Au total, 24 spécimens de roc intact ont été testés. Les résultats obtenus sont présentés au Tableau 2.2. Cet échantillon a une moyenne x̅ = 93,75 MPa, un écart-type s = 64,74 MPa et un coefficient de variation CV = 69 %. Le projet minier duquel provient cet échantillon est à l’étape de la faisabilité.

D’abord, les résultats des essais de résistance en compression uniaxiale obtenus en laboratoire sont triés en ordre croissant (Tableau 2.2). Ces valeurs représentent les valeurs possibles que peut prendre la résistance en compression uniaxiale réelle de la roche. Ensuite, la valeur la plus faible de la distribution est associée à 0 échec et n succès. Dans l’exemple présenté, la valeur la plus faible est de 17 MPa, cette valeur présente 0 échec et 24 succès (Tableau 2.2). Si 17 MPa est choisi pour représenter la valeur réelle de résistance en compression uniaxiale de la roche, en fonction de la distribution obtenue en laboratoire (Tableau 2.2), il n’y a aucune chance que la valeur réelle de la roche soit inférieure à la valeur choisie (0 échec). Suivant ce raisonnement, le nombre d’échecs est attribué en ordre croissant de la valeur la plus faible à la valeur la plus élevée de résistance en compression. Le nombre de succès est attribué de manière décroissante. Ensuite, pour chacune des valeurs obtenues en laboratoire, la valeur espérée de la fiabilité (E[R]) est donnée par l’équation suivante (Harr, 1996):

E[R] = (S + 1)

(S + F + 1) (2.9)

Où S est le nombre de succès et F est le nombre d’échecs pour un nombre d’essais connu. La valeur espérée de fiabilité associée à la valeur choisie de résistance en compression uniaxiale est ensuite directement comparée avec les niveaux de connaissance cible (NCC) présentés au Tableau 2.1. Par exemple, selon les résultats obtenus, il y aurait une probabilité de 88% que la valeur réelle de résistance en compression uniaxiale de la roche soit supérieure ou égale à 37 MPa.

Ainsi, le NCC associé à une valeur de résistance en compression uniaxiale de 37 MPa est de 88%. Afin de déterminer le niveau géotechnique associé au NCC obtenu, la valeur espérée de fiabilité obtenue (E[R] = 88%) est comparée aux niveaux de connaissance cibles proposés par Read et Stacey (2009) et Read (2013) (section 2.3.3). Puisque la méthode est utilisée dans le cadre d’essais en laboratoire effectués sur le roc intact, les NCC sont ceux liés au massif rocheux.

14

Tableau 2.2: Feuille de calcul de la valeur espérée de la fiabilité (E[R]) des résultats d’essais de résistance en compression uniaxiale pour le type de roche AA (Read, 2013).

Valeur triée Occurrence Nombre d'échecs cumulatif Nombre de succès S+1 S+F+2 N=24 0 E[R] 17 1 0 24 25 26 0.96 23 1 1 23 24 26 0.92 37 1 2 22 23 26 0.88 43 1 3 21 22 26 0.85 46 1 4 20 21 26 0.81 46 1 5 19 20 26 0.77 48 1 6 18 19 26 0.73 51 1 7 17 18 26 0.69 52 1 8 16 17 26 0.65 56 1 9 15 16 26 0.62 56 1 10 14 15 26 0.58 59 1 11 13 14 26 0.54 59 1 12 12 13 26 0.50 67 1 13 11 12 26 0.46 86 1 14 10 11 26 0.42 98 1 15 9 10 26 0.38 111 1 16 8 9 26 0.35 148 1 17 7 8 26 0.31 169 1 18 6 7 26 0.27 172 1 19 5 6 26 0.23 178 1 20 4 5 26 0.19 182 1 21 3 4 26 0.15 216 1 22 2 3 26 0.12 230 1 23 1 2 26 0.08

Évaluation de la moyenne de l’échantillon pour représenter la valeur effective de résistance en compression uniaxiale de la roche

Afin de s’assurer que la valeur de résistance en compression uniaxiale choisie, par exemple la moyenne (93,75 MPa), soit représentative de la valeur réelle de la roche, Read (2013) suggère deux étapes. Premièrement, il propose l'étude de l’écart-type et du coefficient de variation de l’échantillon. Pour cet échantillon, le coefficient de variation (CV = 69 %) est élevé, car il est supérieur à 30%. L’écart-type (64,74 MPa) est aussi qualifié d’élevé. Cependant, il n’y a pas de guide quantitatif unique afin de savoir quand considérer qu’un écart-type est faible ou élevé. Read (2013) conclut que la valeur moyenne ( x̅ = 93,75 MPa) n’est pas appropriée pour la conception à l’étape de la faisabilité du projet.

15 La deuxième étape est d’examiner la valeur espérée de la fiabilité (E[R]) associée à la valeur de résistance en compression uniaxiale choisie. Dans cet exemple, la valeur de résistance en compression égale ou supérieure à la valeur moyenne (x̅ = 93,75 MPa) est 98 MPa. La valeur espérée de fiabilité (E[R]) associée à une résistance en compression uniaxiale de 98 MPa est de 0.38 ou 38%. Ainsi, le niveau de connaissance cible (NCC) obtenu pour une valeur de résistance en compression uniaxiale de 98 MPa est de 38%. Un NCC pour le massif rocheux de 38% se situe en dessous de la plage de valeurs associée à un projet minier à l’étape de la faisabilité (60% < NCC < 75%).

À la suite de ces deux étapes permettant de s’assurer que la valeur de résistance en compression uniaxiale de la moyenne (93,75 MPa) est représentative de la valeur réelle de la roche, Read (2013) conclut que la valeur moyenne n’est pas un bon choix et que l’échantillon (n = 24) est trop petit. Notons qu’il n’y a pas d’informations supplémentaires permettant de comprendre comment Read (2013) a tiré ces conclusions.

Quantification de la variabilité des résultats

Tel que présenté à la section 2.4, le coefficient de variation (CV) ou l’écart-type peut être utilisé afin d’évaluer la variabilité des résultats géotechniques. Cependant, la substitution de l’écart-type de la population par celui de l’échantillon est une approximation acceptable seulement lorsque le nombre de spécimens est supérieur à 40 (Montgomery et Runger, 2011). De plus, l’utilisation du CV afin de la quantifier la variabilité des résultats n’est pas très robuste tel que discuté à la section 2.4.

De plus, la variabilité des résultats n’est pas prise en compte directement dans la détermination des valeurs espérées de fiabilité des données E[R]. À l’intérieur du même échantillon, plus la valeur choisie afin de représenter la valeur réelle de résistance de la roche est grande, plus la valeur espérée de fiabilité (E[R]) associée est petite. Cette méthode considère seulement l’ordre des résultats dans la distribution par l’entremise des succès et des échecs afin de déterminer la valeur espérée de fiabilité (E[R]). De plus, l’utilisation de la méthode bayésienne modifiée n’utilise pas la notion d’incertitudes et d’erreurs relatives (section 2.3.1).

Bonification de la campagne d’essai géomécanique

À la suite des deux étapes permettant de s’assurer que la valeur de résistance en compression uniaxiale de la moyenne (93,75 MPa) est représentative de la valeur réelle de la roche, Read (2013) indique que l’échantillon (n = 24) est trop petit. Cette conclusion peut être tirée à la suite de l’observation de l’écart-type et du coefficient de variation ou de la valeur espérée de fiabilité (E[R]). Cependant, il n’y a pas de guide quantitatif afin de savoir quand considérer un écart-type faible ou élevé. Selon Read(2013), pour cet échantillon, le coefficient de variation (CV = 69 %) et l’écart-type (64,74 MPa) sont tous deux élevés.

16

L’utilisation de la valeur espérée de fiabilité E[R] afin de déterminer si le nombre de spécimens testés est suffisant est remise en question dans ce mémoire. En effet, la valeur espérée de fiabilité E[R] d’une valeur de résistance en compression choisie n’augmentera pas nécessairement en augmentant le nombre d’échantillon. Si des essais supplémentaires sont effectués et qu’un nombre égal de valeurs faibles et de valeurs élevées sont ajoutées à la distribution, la valeur choisie de résistance en compression se retrouvera au même endroit dans la distribution. La valeur espérée de fiabilité (E[R]) de la valeur de résistance en compression choisie sera près de la valeur initiale, peu importe le nombre de spécimens testé. Ainsi, la valeur espérée (E[R]) ne peut être utilisée comme critère de nombre minimal d’échantillons, car il serait possible d’effectuer un nombre infini d’essais sans pour autant obtenir une augmentation de la valeur espérée de fiabilité (E[R]).

Ainsi, il est suggéré dans ce mémoire que Read (2013) conclut que l’échantillon présenté au Tableau 2.2 est trop petit (n = 24) sur la base de l’écart-type et du coefficient de variation. Cependant, la substitution de l’écart-type de la population par celui de l’échantillon est une approximation acceptable seulement lorsque le nombre de spécimens est plus grand que 40 (Montgomery et Runger, 2011). De plus, l’utilisation du CV afin de s’assurer de bien caractériser le roc intact est remise en question à la section 2.4.

Niveaux de connaissance cible et niveaux géotechniques

Selon Read (2013), la valeur espérée de fiabilité (E[R]) obtenue pour une valeur de résistance en compression choisie est comparée directement aux niveaux de connaissance cibles (section 2.3.3). Par exemple, selon l’exemple présenté au Tableau 2.2, si la valeur de résistance en compression uniaxiale choisie pour représenter la valeur réelle de roche est de 98 MPa, la valeur espérée de fiabilité obtenue est de 38%. Le NCC obtenu pour une valeur de résistance en compression uniaxiale de 98 MPa est de 38%. Un NCC pour le massif rocheux de 38% se situe dans la plage de valeurs associée à un projet minier à l’étape conceptuelle (30% < NCC < 40%), soit un niveau géotechnique 1 (section 2.3.3). De l’information supplémentaire doit donc être acquise afin d’atteindre la plage de valeurs associée à un projet minier à l’étape de la faisabilité (60% < NCC < 75%), soit un niveau géotechnique 3. Cependant, tel que discuté précédemment, dans le cas des essais en laboratoire, la valeur espérée de fiabilité (E[R]) et le niveau de connaissance cible (NCC) associés à un échantillon n’augmenteront pas nécessairement au fur et à mesure que des spécimens supplémentaires sont testés.

Selon Read (2013), afin de respecter les niveaux de connaissance cibles sur le massif rocheux (section 2.3.3) pour un projet minier à l’étape de la faisabilité (60% < NCC < 75%), le choix de la valeur de résistance en compression peut être modifié. Par exemple, il est possible de choisir une valeur de résistance en compression uniaxiale de 52 MPa pour représenter la valeur effective de résistance en compression uniaxiale de la roche. Dans ce

17 cas, suffisamment d’essais ont été effectués, car la valeur espérée de la fiabilité associée est de 65% (E[R] = 0,65). En effet, un NCC de 65% est situé à l’intérieur de la plage de valeurs du NCC sur le massif rocheux pour un projet minier à l’étape de la faisabilité (60% < NCC < 75%). Ainsi, selon la méthodologie présentée par Read (2013), il est possible de choisir une valeur de résistance en compression uniaxiale qui respecte les niveaux de connaissance ciblés pour une étape en particulier d’un projet minier sans tenir compte de la variabilité des résultats et du nombre de spécimens testés.

De plus, il est considéré dans ce mémoire que l’ajout de spécimens testés ne changera pas la nature de la distribution de l’échantillon. Selon la méthode bayésienne modifiée, cela pourrait suggérer qu’afin de rencontrer les NCC ciblés, une valeur effective sensiblement plus élevée de compression uniaxiale soit utilisée au début du projet qu’à la fin du projet. Ceci n’est pas acceptable d’un point de vue économique et opérationnel.

Théorie du faible échantillonnage