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La théorie des événements correspond à l’approche base de données

SECTION I : L’ECOLE AMERICAINE ET SES APPORTS

1.6. Les liens avec les approches informatiques

1.6.2. La théorie des événements correspond à l’approche base de données

La comptabilité des événements est, contrairement à la comptabilité de la valeur, intimement liée à l’informatique. Sa mise en place nécessite des moyens informatiques sophistiqués avec des performances techniques bien spécifiques : saisie unique et multidimensionnelle des données, séparation entre structure de stockage et structure d’interrogation, conservation des données à l’état brut dans une base de données commune, interrogations multicritères, capacité de stockage élevée, etc. Toutes ces spécificités techniques ne peuvent être satisfaites que par une base de données informatique. La théorie événementielle correspond donc en termes de modélisation informatique à l’approche base de données dite aussi approche par les données. Cette approche peut être représentée par la formule suivante (Augustin 1985) : « une structure de programme = plusieurs applications de gestion ». En effet, elle a consisté à « séparer les faits de leurs applications. Ceux-ci sont enregistrés sans but précis. L’essence de cette technique est la suivante : les données sont structurées en fonction du phénomène que l’on modélise et non du problème spécifique que l’on cherche à résoudre » (Augustin 1985 p 10). Cette approche d’informatisation s’appelle aussi l’informatisation par l’amont ou encore par la représentation comptable (Le Moigne 1973).

Notons que l’introduction des bases de données n’est pas sans effets sur les mécanismes comptables traditionnels, comme le souligne Augustin (1986 p 15) : « il semble peu satisfaisant de croire que l’introduction des bases de données, dont les conséquences organisationnelles sont importantes, n’entraînerait pas une modification de l’approche comptable. La base de données est plus qu’une technique de stockage de l’information et la comptabilité n’est qu’un sous-produit de cette base. Elle implique une nouvelle approche de la conception et de l’utilisation des systèmes d’information ». Dans ce sens Stepniewski et Bytniewski soulignent que « l’approche événementielle est plutôt une ingénierie nouvelle des systèmes comptables qu’un nouveau modèle » (Bytniewski et Stepniewski 1993 p 236).

Au total, les bases de données comportent trois avantages majeurs (Augustin 1983 pp 409-419) :

- « elles unifient la réalité. Dans le système informatique traditionnel, il existait un programme particulier par type d’application. La conséquence en était qu’une donnée était entrée autant de fois qu’elle était utilisée. Les bases de données saisissent l’information une fois, quitte à la restituer sous plusieurs formes ;

- elles distinguent données et programmes. Les données sont enregistrées en dehors de toute idée d’application. L’essence de la base de données est la suivante : les données sont structurées en fonction du phénomène que l’on modélise et non du problème spécifique que l’on cherche à résoudre ;

- les bases de données libèrent la possibilité d’un système d’interrogations non prévues

à l’avance. Les bases de données relationnelles sont désormais très proches de l’utilisateur. Lorsqu’une question se fait jour il est possible d’interroger la machine sans faire appel à un informaticien ».

Augustin finit par conclure que « les bases de données apparaissent comme une vision unifiée de l’entreprise pour des applications multiples ». Autrement dit, la production d’une « pluri-image de l’entreprise » à partir d’une « banque de données unique » est possible (Chevallier 1987).

Au final, il existe deux conceptions majeures de l’organisation du système comptable. La première est celle de la théorie de la valeur qui suppose que les besoins des utilisateurs de l’information comptable sont stables et homogènes. Le rôle de la comptabilité consiste donc à

produire des valeurs optimales et agrégées33 saisies selon deux dimensions (débit-crédit). Ces

valeurs sont organisées dans des états de synthèse (bilan, compte de résultats…), établis pour satisfaire les besoins de plusieurs utilisateurs à la fois (actionnaires, bailleurs de fonds, fisc…). La tenue de cette comptabilité, qui est aujourd’hui obligatoire dans la plupart des pays, se faisait manuellement puis mécaniquement à l’aide de moyens rudimentaires tels que la plume, la décalque, les cartes perforées, etc. Sous l’effet de la complexité de la gestion des entreprises et de l’évolution de la technologie de traitement de données, les activités comptables ont

progressivement été informatisées. Cette informatisation a eu lieu processus par processus (comptabilités clients, fournisseurs, paie…) à des périodes différentes avec des méthodologies différentes. Il en résulte dans chaque entreprise un mélange d’applications hétérogènes et juxtaposées, conçues conformément aux principes de la partie double (saisie bidimensionnelle de données : débit, crédit). L’informatique classique avait donc pour objectif d’informatiser des tâches comptables, répétitives et obligatoires pour faciliter et accélérer leur exécution sans toutefois altérée le principe de la partie double, principe fondateur de la théorie de la valeur : l’informatique classique a été seulement une « automatisation des procédures manuelles, permettant de traiter plus vite une plus grande quantité d’information ; l’informatique traitait alors des processus, c'est-à-dire des applications particulières ; le progrès était limité » (Lassègue 2002 p 63).

La deuxième conception est celle de la théorie des événements qui a été proposée par George Sorter à la fin des années 1960. Le rôle de la comptabilité consiste ici à produire des données désagrégées pour desservir des utilisateurs multiples dont les besoins sont variés et évolutifs. Chaque utilisateur peut en effet construire, à partir de données stockées à l’état brut, le(s) système(s) d’information correspondant à ses besoins. Cette théorie comptable normative, dont la mise en place est intimement liée à l’informatique, propose en vrai une méthode de traitement de données dont les principes sont les suivants : la saisie unique mais multidimensionnelle de données générées par les événements économiques (achats, production, ventes), le stockage de ces données à l’état brut dans une base de données commune qui soit accessible à tous les utilisateurs, la possibilité d’interrogation multidimensionnelle, par ces utilisateurs, de données stockées à l’état désagrégé. Plus concrètement, l’objectif de cette théorie informatico-comptable est double : (1) stocker toutes les données à l’état brut dans une base de données événementielles commune, ce qui permet l’intégration des sous-systèmes comptables, (2) extraire de cette base des états différenciés pour satisfaire des besoins variés et évolutifs émanant des utilisateurs multiples, ce qui implique la différenciation des sous-systèmes comptables.

Le tableau suivant synthétise ces deux approches d’organisation de la comptabilité. Le rôle assigné à la comptabilité conditionne la façon de concevoir le modèle comptable (valeur ou événement) qui à son tour conditionne l’approche d’informatisation des applications comptables. Notons ici que la théorie du système d’information développée par Jean-Louis Le Moigne est très proche de la théorie comptable. Le Moigne oppose la conception par l’amont à la conception par l’aval comme Sorter oppose la notion de valeur à la notion d’événement. Tableau 1 : Synthèse sur les théories de la valeur et des événements

Caractéristiques Théorie de la valeur Théorie de l’événement

Hypothèses Les besoins des décideurs sont connus et supposés stables (homogènes et stables)

Les besoins des décideurs sont variés et évolutifs (imprévisibles)

Rôle assigné à la comptabilité

Satisfaire des besoins spécifiés et stables 1 produire des valeurs optimales (agrégée)

Satisfaire des besoins différenciés et imprévisibles 1 communiquer des événements réels (neutres)

Solutions

proposées -Saisie événements (débit, crédit) et stockage bidimensionnelle des des données à l’état agrégé sous forme des valeurs normalisées (bilan, compte de résultat), ce qui permet la production des valeurs optimales (bilan et compte de résultat) pour tous les décideurs (système fermé) 1 erreur : confusion entre système d’information et système de décision.

-Saisie multidimensionnelle des événements (débit, crédit, quantité vendue, heures travaillées) et stockage des données à l’état brut dans une base de données commune, ce qui implique des restitutions différenciées (« sub-systems ») (système ouvert)

1Séparation entre structure de stockage et structure d’interrogation (séparation entre système d’information et système de décision) Approche par les besoins (la méthode

fonctionnelle) : partir des besoins des utilisateurs et développer des systèmes optimaux qui les satisfassent, c’est la définition du système d’information par l’aval « le système d’information cherchant qui satisfaire »

Approche par la représentation comptable (la méthode structurelle) : ignorer les besoins des utilisateurs et représenter la structure du réel de la façon la plus objective possible, c’est la définition du système d’information par l’amont : « le système d’information cherchant l’information »

Les approches d’informatisation

Approche par le processus : informatiser la comptabilité processus par processus d’une façon indépendante (fichiers achats, fichiers ventes, fichiers paie…)

Approche base de données : séparer la base des données de ses applications (base de données commune pour tous les utilisateurs : achats, ventes, production…)

2. LES TENTATIVES DE MODELISATION DE LA COMPTABILITE DES