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L’automatisation de l’imputation comptable

SECTION II : LES CONTRIBUTIONS DE L’ECOLE FRANCAISE

1. LA THESE DE STEPNIEWSKI

1.4. L’automatisation de l’imputation comptable

L’apport de la thèse de Stepniewski à consister aussi à automatiser l’imputation comptable des

événements économiques grâce aux Systèmes Experts47. Cette technique permet

d’opérationnaliser le principe de « saisie unique et multicritère de données élémentaires» de

47 Jusqu’ici l’imputation comptable se fait manuellement avec au moins une double saisie des données : un expert en technique comptable impute la pièce comptable dans les comptes appropriés en indiquant les numéros des comptes à mouvementer sur la pièce concernée ou sur un brouillard d’imputation puis un teneur de compte moins

l’approche événementielle. Notons ici que l’imputation comptable est une tâche qui présente deux caractéristiques essentielles :

- la nécessité d’une expertise humaine : l’imputation comptable consiste à ventiler un

événement comptable dans certains comptes selon certaines dimensions. Le cadre de cette ventilation est déterminé à la fois par le Plan Comptable Général (débit-crédit) et les besoins spécifiques de gestion de l’entreprise (axes centre de responsabilité, zone géographique,

produit)48. Une telle tâche nécessite de bonnes connaissances en comptabilité générale et en

comptabilité analytique : « l’imputation demande obligatoirement des connaissances approfondies en comptabilité et doit donc être confiée à un personnel qualifié et expérimenté » (Stepniewski 1987 p 113). C’est « une expertise qui se réalise à l’entrée du système de comptabilité générale, indépendamment de la technique de traitement utilisée » (Stepniewski 1987 p 115).

- le caractère non-algorithmisable : Stepniewski constate que, contrairement à la phase

journalisation-balance de la chaîne comptable qui a été automatisée, l’informatique n’a rien changé à la phase de précomptabilisation. L’imputation, point stratégique du système, est

toujours réalisée de façon manuelle49. Cela est dû au fait que l’espace comptable compris entre

la journalisation et la balance est totalement structurée, modélisée par la théorie comptable et,

par conséquent, facile à programmer. A contrario, l’imputation comptable est une tâche qui

requiert une expertise humaine considérable et, par conséquent, son automatisation par la programmation classique est impossible. Ce qui explique que cette partie de la chaine comptable « résiste toujours à l’informatisation et que les essais effectués ont pratiquement tous échoué », souligne Stepniewski (1987 p 114). Il en résulte « qu’à l’heure actuelle, pratiquement tous les systèmes informatiques de comptabilité fonctionnent sur la base des documents comptables, imputés au préalable par des comptables ».

48 Le nombre et la nature de dimensions dépendent du contexte de l’entreprise (activité, stratégie, taille).

49Gensse (1989 p 405) disait que « les opérations du processus comptable sont presque toutes matérielles (reports, additions, centralisation, contrôles) : du journal aux états financiers, les étapes sont modélisées et donc faciles à programmer ; seule l’écriture comptable demande une décision et un choix. L’imputation consiste à ventiler un fait comptable dans plusieurs comptes et implique l’intervention d’un spécialiste connaissant ceux qu’il faut débiter et créditer ; son automatisation ne semble pas possible par une programmation de type algorithmique. L’approche est donc davantage heuristique ; le choix à effectuer exige de l’expérience et du savoir faire».

Figure 4 : Les spécificités de la chaine comptable

1.4.1. Le recours à l’intelligence artificielle

Les systèmes experts permettent d’automatiser (modéliser) des tâches répétitives et volumineuses, nécessitant une grande quantité de connaissances spécialisées dans un domaine bien déterminé. Ils sont composés de quatre éléments principaux :

-la base de connaissances regroupe les règles spécifiées par les experts du domaine, dans leur

langage naturel et non dans un langage algorithmique de programmation ; ces règles de connaissances doivent être stockées en vrac et indépendamment de la façon dont elles seront

utilisées50. En la matière, le formalisme le plus couramment utilisé est celui des règles de

production qui sont des expressions de la forme : « si condition alors conclusions » (ou Si P

alors Q).

- la base de faits contient toutes les caractéristiques du problème à résoudre. Elle sert aussi à

mémoriser les résultats intermédiaires grâce à la mémoire de travail qui conserve une trace des raisonnements effectués. Elle peut donc être utilisée pour expliquer l’origine des informations déduites au cours d’une session ou pour décrire le comportement du système.

50Les connaissances sont dites déclaratives c'est-à-dire que leur présentation formelle ne fait pas d’hypothèses sur

Etats financiers Plan des comptes Documents de base

Transcription Reports Agrégation et Reports Reports

Journal Im pu ta ti on Brouillard (ou cachet) Grand -livre Balance

Tâches exécutables sans expertise (programmables) Tâche nécessitant une expertise humaine

- le moteur d’inférence utilise les règles de la base de connaissances pour fournir une solution au problème spécifié par les données de la base de faits. Il fonctionne selon un cycle qui comporte trois phases, à savoir :

- la sélection des règles candidates de la base de connaissances (sous-ensemble de règles : R’) et des fais pertinents de la base de faits (sous-ensemble de faits : F’) ; - le choix parmi les règles candidates celles qui sont compatibles avec les faits (F’) pour

être ensuite déclenchées pour résoudre le problème posé ;

- la déduction qui consiste à exécuter la partie action de la règle choisie.

d- les interfaces permettent la communication homme-machine. Il doit en exister deux. La

première permet aux experts du domaine d’alimenter la base des connaissances (introduire les règles). La seconde permet le dialogue en langage naturel entre la machine et l’utilisateur au cours d’une session de travail.

Dans cette perspective, Stepniewski s’intéresse en particulier à un outil d’imputation classique qui est le brouillard. Celui-ci consiste à « inscrire sur un registre appelé brouillard, ou main courante, toutes les opérations au fur et à mesure qu’elles se présentent ». L’ensemble des données sera ensuite transcrit dans le journal avec tout le détail nécessaire. L’exemple suivant emprunté à Stepniewski (1987) explique les principes de ce mode d’imputation.

Tableau 2 : Exemple d’écritures passées au brouillard (Stepniewski 1987) d’ordre Date Enoncé 1 2 3 4 5 6 7 5.10 10.10 16.11 17.11 20.11 21.11 22.11

Achat à crédit de marchandises à Vincent, 300 F

Réglé abonnement annuel à une revue professionnelle, 120 F (chèque sur le Crédit Lyonnais)

Reçu une facture du papetier Sauret (classeurs, papiers), 890 F

Acheté au comptant, contre espèces, du fuel pour chauffage du magasin, 1 540 F Facture A 53 du fournisseur Caze, 2 239 F

Chèque n° 211, en règlement du fournisseur Dreux, 680 F Virement du client Roy en notre faveur, 700 F

Le langage utilisé pour décrire les opérations présente une régularité morphologique qui peut être exploitée dans une optique de système expert : « en première place dans la phrase figure un participe passé ou un nom qui précise la nature de l’opération, en deuxième place se situe

un complément direct indiquant sur quoi porte l’opération (l’objet), en troisième place figure le complément indirect désignant l’agent concerné par l’opération (le tiers) et en dernier lieu apparaît la valeur de l’opération » (Stepniewski 1987 p 135). Ces énoncés utilisent bien souvent le formalisme qui suit : R (Opération, Objet, Tiers, Valeur). Ce formalisme sera traduit en langage du système expert pour automatiser l’imputation comptable. Un cas d’imputation a été ensuite programmé à l’aide d’un langage dit SNARK.

Comme on le verra dans la section suivante l’imputation automatique des événements économiques a été opérationnalisée à travers le concept de « clé comptable unique » (Sourdeau et Sauzeau 1996, Grenier et Bonnebouche 2004).

2. LE PROLONGEMENT ET L’ENRICHISSEMENT DU CONCEPT