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Théorie de l’état de transition

En 1935, Henry Eyring, Meredith Gwynne Evans et Michaël Polanyi proposent une théorie de la réaction chimique, fondée sur des résultats de thermodynamique statistique. Cette théorie est connue sous les noms de théorie de l’état de transition, théorie du complexe activé ou encore théorie d’Eyring.

1. ASPECTS FONDAMENTAUX ET APPLIQUÉS DE LA CINÉTIQUE CHIMIQUE

1.3.1 Principe

On étudie le processus élémentaire : A+ B−−−k→ P en phase gaz, à partir duquel on imagine un scénario en deux étapes :

A+ B−−−k−−1

k−1

(AB) k

−−−→ P (I.13)

Un équilibre fictif s’établit entre les réactifs et une espèce appelée complexe activé, notée ici (AB). Le complexe activé est une espèce fictive où les atomes possèdent le même arrangement que l’état de transition.

On peut écrire la constante de cet équilibre en phase gaz :

K p(AB)p

pApB (I.14)

En passant dans l’échelle des concentrationsf, plutôt que celle des pressions partielles : K p RT [(AB)] [A][B] (I.15)

Le complexe activé donne les produits par réaction unimoléculaire :

(AB) k

−−−→ P (I.16)

La constante de vitesse de cette réaction unimoléculaire est k  κν (exprimée en s−1), où ν est la fréquence de vibration imaginaire le long de la coordonnée réactionnellegetκ est le facteur de transmission.h

La vitesse de la réaction correspond à la vitesse de décomposition du complexe activé pour mener au produit P :

v d[P]  κν[(AB)

] κν · K

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE

1.3.2 Hypothèses fondamentales

La théorie de l’état de transition s’appuie sur 4 hypothèses :

• Un équilibre selon une statistique de Maxwell-Boltzmann est établi à tout instant entre les réactifs et le complexe activé.

• Tout produit formé ne peut redonner un réactif : hypothèse de non-recroisement à la barrière.

• Le passage de la barrière s’effectue selon une unique coordonnée, qui possède une fréquence de vibration imaginaireν.

• Le passage de la barrière se fait de manière classique : pas d’effet tunnel. 1.3.3 Grandeurs d’activation

La constante d’activation de la réaction globale s’écrit : k  κνK

.

À l’aide d’outils de la thermodynamique statistique, on peut exprimer Kà partir de l’enthalpie libre standard d’activation ∆Gde la réaction associée.

Un calcul de thermodynamique statistique permet de montrer que :

K kBT hν e

−∆G

RT (I.18)

En notant respectivement ∆Set ∆Hl’entropie standard d’activation et l’enthal-pie standard d’activation, on a :

G ∆ H− T∆S ⇒ k  RT p kBT h e −∆H RT e S R (I.19)

La vitesse de réaction est alors :i

v  κRT p kBT h e H RT e ‡S R [A][B] (I.20)

Dans cette théorie, la barrière à franchir est une barrière d’enthalpie libre ∆G (et non une barrière d’énergie potentielle). Il y a donc :

iDans le cas d’une réaction en solution, on obtient : v κ1 c◦ kBT h e −∆H RT e S R [A][B]. 18

1. ASPECTS FONDAMENTAUX ET APPLIQUÉS DE LA CINÉTIQUE CHIMIQUE

• une contribution enthalpique (∆

H), correspondant aux énergies de liaison ;

• une contribution entropique (−T∆

S), correspondant à une organisation spa-tiale et statistique favorable.

1.3.4 Diagramme énergétique

Dans cette théorie, on adopte un point de vue thermodynamique, mettant en jeu des grandeurs thermodynamiques macroscopiques. Il n’est donc pas possible de tracer une évolution continue de l’énergie au niveau microscopique. On préfère plutôt utiliser des diagrammes d’enthalpie libre molaire G

m.

Connaissant l’enthalpie libre molaire standard des réactifs, produits, du complexe activé et des éventuels intermédiaires réactionnels, on représente dans un diagramme gradué uniquement en ordonnée les différents niveaux énergétiques des espèces impliquées.

Généralement, on représente pour plus de clarté les espèces à des abscisses correspondant à leur position dans le mécanisme réactionnel. Cette position n’a en revanche pas de signification physique.

Gm

Réactifs

État de transition

G

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE

1.3.5 Comparaison avec la loi d’Arrhénius

Énergie d’activation

Au sens d’Arrhénius, l’énergie d’activation intervient dans : d ln k

dT  Ea

RT2 (I.21)

En utilisant l’expression de k trouvée dans la théorie de l’état de transition, on a :j

Ea  ∆

H+ 2RT (I.22)

Comme à 298 K, RT ≈ 2,5 kJ mol−1, on peut raisonnablement assimiler Ea à ∆H(de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines de kJ mol−1).

Facteur préexponentiel

Avec la théorie de l’état de transition, on trouve :

A κkBT h e

S

R (I.23)

On notera que A dépend de la température. Néanmoins, on le considèrera souvent constant sur un intervalle de température « faible ».

Le terme entropique ∆S est à l’origine de la contrainte géométrique lors de l’approche des réactifs et de la solvatation. Plus l’état de transition est contraint stériquement, plus ∆Sest négatif et par conséquent A faible.

1.3.6 Limites

La théorie de l’état de transition a apporté une approche nouvelle de la modélisation des réactions chimiques, qui prend pour la première fois en compte des effets sta-tistiques de l’environnement des espèces réactives. Cette approche macroscopique de la dynamique réactionnelle a permis de quantifier les effets dus à l’organisation moléculaire (orientation des molécules, solvatation, agitation moléculaire, . . .).

Toutefois, la théorie de l’état de transition a été développée initialement pour des réactions en phase gaz et la transposition pour des réactions en solution rend difficile l’estimation du coefficient de transmission κ. La prise en compte des coefficients d’activité dans l’expression de la constante du pseudo-équilibre entre les réactifs et le complexe activé peut également être difficile.

Dans le chapitre II, traitant de l’addition oxydante du palladium(0) sur des iodoarènes, on utilisera les résultats de la théorie de l’état de transition en phase gaz.

jDans le cas d’une réaction en phase condensée, on obtient : Ea ∆‡

H+ RT.

2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES ET NUMÉRIQUES

2 Techniques expérimentales et numériques

Les techniques utilisées dans cette thèse afin d’élucider les mécanismes réactionnels reposent sur des principes physiques variés.

Comme discuté précédemment, l’établissement de mécanismes réactionnels né-cessite dans un premier temps la caractérisation des espèces formées. À cette fin, les techniques classiques de caractérisation (spectroscopies RMN et IR, spectrométrie de masse, voltammétrie cyclique, ...) sont utilisées.

Le deuxième aspect des études mécanistiques conduit à l’obtention de données cinétiques. Pour ce faire, des suivis cinétiques sont réalisés (acquisition de l’évolution de concentrations au cours du temps). Pour obtenir une information sur la concentration, il est nécessaire de connaître la loi de réponse de la technique utilisée.

Certaines des techniques présentées ici permettent d’analyser in situ le milieu réactionnel sans le détruire. Il s’agit principalement des techniques spectroscopiques et dans une moindre mesure de certaines techniques électrochimiques. Ces techniques peuvent par conséquent être résolues en temps et ainsi rendre relativement facile la réalisation d’un suivi cinétique.

D’autres techniques (comme les chromatographies) conduisent à une destruction de l’échantillon analysé. Ainsi, la réalisation d’un suivi cinétique grâce à ces techniques nécessite la préparation d’échantillons « manuellement » tout au long de la réaction puis leur analyse.

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE