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L’addition du nucléophile sur le complexeη3-allyl peut avoir lieu selon deux méca-nismes présentés Schéma III.9.

Nucléophile mou Nucléophile dur PdII L L + Nu Pd0 L L Nu PdII L L + Nu Pd0 L L Nu PdII L L Nu

Schéma III.9 – Modes d’addition nucléophile en fonction de la nature du nucléophile Nu.

• Les nucléophiles mous (typiquement les carbanions stabilisés) réalisent une substitution nucléophile directe sur l’un des atomes de carbone terminaux de l’allyle lié au palladium.

• Les nucléophiles durs (nucléophiles oxygénés par exemple) se lient d’abord au palladium, puis une élimination réductrice a lieu, conduisant à un complexe (η2 -alcène)-Pd0. Cela implique que le complexe de palladium puisse accepter un nouveau ligand dans sa sphère de coordination, ce qui peut devenir problématique pour les nucléophiles stériquement encombrés.

2.2.1 Régiosélectivité

Une première conséquence de cette différence mécanistique est la régiosélectivité de la réaction. Dans le cas d’un nucléophile mou, l’attaque directe se fait généralement du côté le moins encombré. Pour les nucléophiles durs, c’est en revanche la position la plus encombrée qui est souvent privilégiée, afin de limiter la gêne entre la phosphine (plus volumineuse que le nucléophile) et le substituant encombré de l’allyle.

Les propriétés électroniques du ligand peuvent également jouer un rôle important dans la régiosélectivité de la réaction. La substitution nucléophile étant facilitée par le caractèreπ-accepteur du ligand, la réactivité d’une position encombrée peut être exacerbée par un tel ligand.c

2. RÉACTION DE TSUJI-TROST

L’équipe de Moreno-Mañas s’est intéressée de façon plus approfondie aux effets électroniques sur des dérivés allyliques encombrés de façon similaire à chaque extrémité.9La réaction des 1,3-diarylallyles 30a et 30b avec l’anion de la 4-hydroxy-6-méthylpyrone 31 conduit à la formation de deux régioisomères 32a et 32b dans les proportions respectives 97 :3 (voir Schéma III.10).

OAc O2N OMe O2N OMe OAc Pd(dba)2 PPh3 Pd(dba)2 PPh3 + O ONa O + O ONa O O2N OMe + O O OH O2N OMe O OH O (Majoritaire) (Minoritaire) 30a 30b 31 31 32a 32b

Schéma III.10 – Étude de l’effet électronique sur la régiosélectivité de la réaction de Tsuji-Trost, réalisée par Moreno-Mañas et coll.9

Le choix du régioisomère 30a ou 30b n’a pas d’influence sur la régiosélectivité de la réaction, conduisant à la formation très majoritaire (97 %) du composé 32a. Ce produit est issu de la substitution sur la position la plus éloignée de l’aryle électroattracteur, ce qui peut être rationalisé par la formation d’un complexe (η2-alcène)-Pd0plus stable par rétrodonation que pour l’autre régioisomère.

CHAPITRE III. ÉTUDE MÉCANISTIQUE DE LA CYCLISATION

PALLADO-CATALYSÉE D’ADDUITS DE PASSERINI

Me OAc

Ph Pd(dppe)(NaCH(COη3-allyl),BF2Me)24 (1 %) Me Ph CO2Me MeO2C

90 %

Schéma III.11 – Réaction de Tsuji-Trost étudiée du point de vue de la régiosélectivité par Hayashi et coll.12e

La formation du complexeη3-allyle, avec le départ du groupe partant porté par le substrat allylique, procède avec une inversion de configuration (selon un mécanisme de type SN2).

De façon cohérente avec les mécanismes présentés Schéma III.9, les nucléophiles mous réalisent une substitution nucléophile directe sur le complexeη3-allyle. Cette substitution se fait avec une inversion de configuration, le nucléophile arrivant sur la face opposée au palladium. Le bilan de l’ensemble de la réaction de Tsuji-Trost est donc une rétention de configuration.

Pour les nucléophiles durs, qui se complexent au palladium, l’élimination réductrice conduisant au complexe (η2-alcène)-Pd0se fait avec rétention de configuration. On obtient pour l’ensemble de la réaction de Tsuji-Trost une inversion de configuration.

Ces règles générales de contrôle de la stéréosélectivité sont un atout assez important de la réaction de Tsuji-Trost en stratégie de synthèse, pour des structures possédant des motifs allyliques de stéréochimie définie.

2.2.3 Études cinétiques

Afin de comprendre plus fondamentalement les processus à l’œuvre, les groupes de Bäckvall13puis ceux de Moreno-Mañas14et de Jutand et Amatore,15ont étudié en détail la cinétique de formation et d’isomérisation de complexes (η3-allyl)-PdII.

En 1992, le groupe de Bäckvall13étudie l’isomérisation du composé 33a, dans des conditions stœchiométriques. Dans ce type de système, la réversibilité de la formation du complexe (η3-allyl)-PdIIest directement suivie par la perte de stéréochimie sur le carbone allylique.

Le mécanisme proposé fait intervenir l’isomérisation du complexe (η3-allyl)-PdII par l’intervention d’un deuxième complexe de palladium(0), qui perd au préalable une triphénylphosphine PPh3. L’étude cinétique réalisée montre que l’ajout de phosphine dans le milieu réactionnel ralentit la vitesse de cette isomérisation. La présence d’un

2. RÉACTION DE TSUJI-TROST CO2Me PdII L L + Pd0Ln

k

1

k

-1 CO2Me PdII L L + Pd0Ln L = PPh3 33a 33b

Schéma III.12 – Isomérisation étudiée par Granberg et Bäckvall.13

trop grand excès de phosphine limite donc la possibilité d’interaction des deux centres métalliques (sphères de coordination pleines).

Le groupe de Jutand et Amatore a déterminé les constantes d’équilibre associées aux différentes étapes ayant lieu lors de la formation du complexe (η3-allyl)-PdIIformé par réaction de Pd(dba)2en présence de PPh3et de phosphines bidentées comme le 1,4-bis-(diphénylphosphino)-butane (dppb, voir Schéma III.13).

Pd0(dba)2 + 1 dppb Pd0(dba)(dppb) - dba - dba + dba

K

0 Pd0(dppb) Pd0 OAc P P OAc

k

1

k

-1 P P = dppb Nu Nu AcO 34

CHAPITRE III. ÉTUDE MÉCANISTIQUE DE LA CYCLISATION

PALLADO-CATALYSÉE D’ADDUITS DE PASSERINI

La thermodynamique globale de l’équilibre III.1 a d’abord été étudiée. La constante Kest égale au produit K0K1K2 K0

k1 k−1

k2 k−2.

Pd0(dppb)(dba)+ CH2CH−CH2−OAc)−−− Pd(η−−−K* 3-C3H5)(dppb)++ AcO

+ dba (III.1)

Pour de tels systèmes, le déplacement de la dba par la phosphine n’est pas favorisé thermodynamiquement (K0 < 1), mais le complexe Pd0(dppb) formé est bien plus réactif que le complexe Pd(dba)(PPh3) (voir discussion chapitre II, Schéma II.8).

L’équilibre global a été étudié par conductimétrie, en comparant la conductivité d’une solution de Pd0(dppb)(dba) mis en présence de n équivalents d’acétate d’allyle et de n0équivalents de dba. Les résultats sont présentés Figure III.1.

Figure III.1 – Étude de la dépendance de la conductivité du système Pd0 (dppb)(dba)-AllOAc-dbaden la concentration relative des espèces. D’après Amatore et coll.15d

Le fait que la conductivité diminue lors des ajouts de dba est un signe de la réversibilité de la réaction. En effet, les études RMN indiquent que les seules espèces présentes sont les complexe Pd0(dppb)(dba) et Pd(η3-C3H5)(dppb). L’ajout de dba déplace donc tous les équilibres vers la formation de Pd0(dppb)(dba). La constante d’équilibre obtenue est K  1,8 10−2 M, que l’on peut comparer au K  3,5 10−5 M dans le cas de la triphénylphosphine. On notera donc que l’usage d’une phosphine bidentée favorise largement la formation du complexeη3-allyl.

Les constantes de vitesse k1et k2ont été déterminées par différentes techniques, permettant d’avoir accès à la vitesse de disparition de Pd0(dppb)(dba) (en équilibre rapide avec Pd0(dppb)) et à la vitesse d’apparition de 35. Les résultats sont présentés Figure III.2.

2. RÉACTION DE TSUJI-TROST

Figure III.2 – Suivi cinétiquee de la disparition de Pd0(dppb)(dba) (spectrophotométrie UV-visible),la formation de 35 (conductimétrie)• la formation intermédiaire de 34 (par différence entre les deux courbes précédentes). D’après Amatore et coll.15d

L’étude par conductimétrie permet d’avoir accès à la constante k2, étant donné que c’est seulement dans cette deuxième étape que des ions sont formés. L’utilisation du DMF permet d’obtenir des ions bien dissociés.f La constante de vitesse k1 est déterminée par une étude en spectrophotométrie UV-visible, le complexe Pd0(dppb) (dba) absorbant significativement plus que les autres espèces à la longueur d’onde de travail (425 nm).

La différence entre la vitesse de disparition de Pd0(dppb)(dba) et la vitesse d’ap-parition de 35 est la preuve de la formation d’au moins un intermédiaire réactionnel. Étant donné la faible durée de vie de l’espèce dans les conditions de l’étude (concen-tration significative pendant 1 à 2 minutes), la caractérisation de 34 est difficile. Sa concentration est ici déterminée par différence entre la concentration totale en espèces de palladium et celles des complexes Pd0(dppb)(dba) et 35.

Des études similaires14,15bont été réalisées sur les carbonates allyliques en colla-boration avec l’équipe de Moreno-Mañas. Le système modèle étudié est présenté Schéma III.14.

CHAPITRE III. ÉTUDE MÉCANISTIQUE DE LA CYCLISATION

PALLADO-CATALYSÉE D’ADDUITS DE PASSERINI

Me EtO2CO Pd0Ln Me PdII L L OCO2Et [Pd0Ln] Me PdII L L - Pd0Ln Me EtO2CO OCO2Et

rapide lent rapide

36a

37a 37b

36b

Schéma III.14 – Isomérisation d’un carbonate allylique étudiée par Moreno-Mañas, Amatore et Jutand.14,15b

l’isomérisation dans les conditions de l’étude. L’analyse par RMN du milieu indique que la concentration de l’ion carbonate EtOCO2 ne varie pas pendant au moins 1 h après l’établissement de l’équilibre entre 36a et 37a.

Le maintien de l’ion carbonate en solution, crucial pour cette réaction, sera étudié dans la section 5.2.2.

L’ensemble de ces études cinétiques permet de comprendre plusieurs caractéris-tiques de la réaction de Tsuji-Trost sur les carbonates allyliques :

• La formation du complexe (η3-allyl)-PdIIse fait via la complexation préalable du dérivé allylique sous forme d’un complexe (η2-alcène)-Pd0.

• Ces deux étapes sont réversibles.

• La décarboxylation de l’ion carbonate libéré lors de la formation du complexe (η3-allyl)-PdIIn’est pas si rapide. Dans les exemples étudiés, elle a lieu sur une échelle de temps plus importante que l’établissement des équilibres précédents.

Il faut noter que ces études cinétiques ont été réalisées avec des quantités de palladium stœchiométriques, les conclusions mécanistiques ne sont pas nécessairement transposables en l’état aux expériences catalytiques. Néanmoins, ces études permettent de rationaliser la racémisation observée dans certaines réactions de Tsuji-Trost.

3. RÉACTIONS DE PASSERINI ET POST-CONDENSATIONS

3 Réactions de Passerini et post-condensations