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2.3.1 Conductimétrie

Principe

La conductimétrie est une technique électroanalytique non spécifique et non des-tructive qui permet d’avoir accès à la conductivité d’une solution grâce à la mesure des propriétés électriques d’une petite tranche de solution comprise entre 2 (ou plus) électrodes d’une sonde, appelée cellule conductimétrique.

l S

Z

Schéma I.6 – Schéma simplifié d’une cellule conductimétrique. Deux électrodes de surface S et distantes de l sont reliées à un impédancemètre.

De l’impédance de la solution mesurée à une fréquence de l’ordre du kHz est récupérée la partie due à la conductance de solution. Cette conductance de solution est le produit de deux contributions :

• la constante de cellule, qui prend en compte les paramètres géométriques propres au capteur conductimétrique, proportionnelle au rapport S

l (voir Schéma I.6) ; • la conductivité de la solution, qui prend en compte la composition de la solution. Un étalonnage à l’aide d’une solution de concentration connuerpermet d’obtenir la conductivitéσ de la solution.

De façon analogue à la spectrophotométrie, la force de la conductimétrie réside dans l’existence d’une relation simple entre la concentration cides espèces ioniques i et la conductivitéσ :

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE

Utilisation et limites

La conductimétrie peut s’avérer utile pour réaliser le suivi cinétique de réactions dans lesquelles la concentration en ions évolue, ce qui est le cas de l’addition oxydante étudiée au chapitre II. La relation affine entre la conductivité et les concentrations en ions permet d’obtenir l’évolution des concentrations au cours du temps en fonction de la conductivité initiale, de la conductivité courante et de la conductivité aux temps infinis (qui peut être ajustée numériquement).t

La conductimétrie est une technique relativement bien résolue en temps (de l’ordre de quelques millisecondes), aussi ce sont les outils d’acquisition et le temps de mélange qui deviennent limitants pour obtenir suffisamment de données aux temps courts.

Étant donné qu’une seule grandeur – la conductivité σ – est enregistrée, la conductimétrie n’est pas une technique de caractérisation. Elle ne permet donc pas d’obtenir d’informations (au-delà du caractère ionique) sur les espèces en solution.

De plus, la conductimétrie est particulièrement sensible aux variations de tem-pérature, ce qui peut être problématique dans le cas de réactions fortement exo- ou endothermiques.

La nature du solvant peut également être une limite : les solvants peu dissociants conduisent à une conductivité très faible qui peut atteindre les limites de détection de l’appareil. Dans les expériences réalisées, une cellule conductimétrique ayant une faible distance l (voir Schéma I.6) et une grande surface S a été utilisée, de façon à augmenter la constante de cellule et par conséquent la sensibilité.

2.3.2 Voltampérométries

La catalyse organométallique fait intervenir un grand nombre de complexes de métaux de transition. Ces derniers sont souvent impliqués dans des couples d’oxydoréduction, qui peuvent être mis en évidence par des expériences d’électrochimie.

Principe

La voltampérométrie, ou voltammétrie, consiste à mesurer le courant circulant dans un système électrochimique en fonction du potentiel qui lui est appliqué.

Un montage classique utilisé pour de telles expériences est présenté Schéma I.7.

conductivité molaire à dilution infinie. Par simplification, on considèrera que la conductivité molaire varie peu sur l’échelle de concentration utilisée et que si gma dépend de façon affine en la concentration de chacune des espèces ioniques.

tPour ce type d’expérience, l’étalonnage de la cellule conductimétrique n’est donc pas nécessaire.

2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES ET NUMÉRIQUES E.T. e taté Potentiostat A G V Rétroaction Réf. E.T. C.E. E i

Schéma I.7 – Montage classique de voltammétrie. À gauche : dispositif expérimental. À droite : fonctionnement simplifié du potentiostat.

L’électrode de travail est un disque d’un matériau conducteur (or, platine, carbone vitreux, . . .) permettant le transfert d’électrons quel que soit le potentiel appliqué. L’état de surface de cette électrode est contrôlé par un polissage régulier sur des draps de polissage abrasifs de faible granulométrie (de l’ordre duµm).

L’électrode de référence, qui permet la mesure de la différence de potentiel avec l’électrode de travail, est classiquement une électrode de deuxième espèce comme l’électrode au calomel saturé (ECS, utilisée dans cette thèse) ou l’électrode Ag/AgCl. Afin d’éviter les interférences entre le milieu analysé et l’électrode de référence, cette dernière est placée dans une allonge remplie de la solution électrolytique et le contact électrique est assuré par un verre fritté.u

Une contre-électrode est utilisée pour fermer le circuit électrique et s’assurer qu’aucun courant ne circule dans l’électrode de référence, ce qui la polariserait (modification du potentiel) et pourrait la détériorer. La contre-électrode est de grande surface par rapport à l’électrode de travail (ce qui permet d’éviter au potentiostat d’avoir à délivrer une tension trop grande) et est composée d’un conducteur inerte (or ou platine généralement).

Les expériences de voltammétrie sont réalisées en solution, dans un solvant permettant la solubilisation d’espèces ioniques (eau, DMF, acétonitrile, . . .). Le solvant

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE

Schéma I.8 répertorie les domaines d’électroactivités de couples solvant/électrolyte support. H2O M eCN CP M eNO2 DM SO DM F NM P TM S NM A HM PT CH2Cl2 C2H4Cl2 DM E THF AcOH Ac2O CF3COOH HF HFSO3 (ENHaq) E/ENH aq(V) 0 1 2 3 – 4 – 3 – 2 – 1 – 3,15 – 3,2 (Bu4NBr) – 2,65 (LiClO4) – 3,5 (LiClO4) +1,9 (HClO4) +2,7 (Et4NClO4) +4,2 (Et4NBF4) +3,5 (KPF6) +3,0 (LiClO4) +1,3 (LiClO4) +1,3 (LiClO4) +2,9 (NaClO4) +2,7 (LiClO4) +3,1 (Et4NCIO4) +0,75 +0,85 +3,25 +3,15 +0,95 (R4NBF4) +3,2 (R4NBF4) +2,75 (Bu4NClO4) +1,95 (Bu4NClO4) +2,0 (Bu4NClO4) +1,75 ((hept)4NClO4) +0,7 (LiClO4) +1,75 (LiClO4) +2,4 (LiClO4) +3,4 (Et4NBF4) +1,7 (HClO4) +2,4 (Et4NClO4) +3,2 (Et4NBF4) – 3,4 (LiClO4) – 3,5 (LiClO4) – 3,55 (LiClO4) – 1,4 (LiClO4) – 3,65 (LiClO4) – 0,5 (LiClO4) +0,1 (Et4NClO4) – 2,1 (Bu4NClO4) – 0,4 (NaClO4) – 3,65 (Bu4NClO4) – 3,45 (Bu4NClO4) – 2,15 ((hept)4NClO4) – 2,7 (LiCO4) (Bu4NClO4)

H2SO418M dans H2O Solvants : F e c /F e c + 1,05 V p+/p2+

Schéma I.8 – Domaine d’électroactivité à l’électrode de platine dans quelques couples sol-vant/électrolyte support.vD’après Trémillon et Durand.4

Dans les expériences réalisées, l’espèce d’intérêt est introduite à une concentration de l’ordre de quelques mM. Le sel de fond est en revanche utilisé à une concentration bien supérieure (typiquement 0,3 M), ce qui permet de s’assurer d’une part que le milieu est suffisamment conducteur et d’autre part que c’est le sel de fond qui assure le passage du courant par migration (et non les espèces analysées).

vTempérature : 25C. Le couple ferrocénium/ferrocène est pris comme référence à 0,40 V pour tous les solvants, sauf les trois derniers pour lesquels le couple du pérylène est utilisé. CP : Carbonate de Propylène ; DMSO : Diméthylsulfoxyde ; DMF : N,N-Diméthylformamide ; NMP : N-Méthylpyrrolidinone ; TMS : Tétraméthylènesulfone (Sulfolane) ; NMA : N-Méthylacétamide ; HMPT : Hexaméthylphosphorotriamide ; DME : 1,2-Diméthoxyéthane ; THF : Tétrahydrofurane.

2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES ET NUMÉRIQUES

L’utilisation d’un milieu fortement conducteur est nécessaire pour éviter la défor-mation des voltammogrammes (courbes i − E) due à la chute ohmique (facteur Ri dû à la résistance R de la solution). Il est également possible de réaliser une compensation de chute ohmique à l’aide d’un module à résistance positive.

On distingue deux grandes classes de voltammétries :

• Les voltammétries stationnaires, pour lesquelles l’épaisseur de la couche de diffusion est fixée tout au long de l’expérience. Elles peuvent être réalisées au moyen d’une électrode tournante (dont la convection forcée renouvelle la solution à proximité de l’électrode) ou d’ultramicroélectrodes (pour lesquelles le régime diffusif hémisphé-rique permet un flux constant d’espèces à l’électrode). Ces techniques stationnaires conduisent à des voltammogrammes de type sigmoïdal. Afin de s’assurer que le régime demeure bien stationnaire, on utilise des vitesses de balayage de l’ordre de 10 mV s−1.

• Les voltammétries non-stationnaires, dont la voltammétrie cyclique est l’une des techniques les plus populaires, pour lesquelles l’épaisseur de la couche de diffusion varie dans le temps. Ces techniques permettent d’obtenir des informations sur les espèces générées à l’électrode au cours de l’expérience, car ces dernières restent en quantité importante à proximité de l’électrode.

Une expérience modèle de voltammétrie cyclique est présentée Figure I.6. Dans l’expérience présentée, une rampe cyclique de potentiel est appliquée au cours du temps, à une vitesse controlée v, appelée vitesse de balayage. L’intensité du courant circulant dans l’électrode de travail est alors mesurée au cours du temps. Comme le potentiel et le temps sont reliés de façon affine, on accède très simplement à la courbe i f (E), appelée voltammogramme.

0,2 0,4 0,6 0,8 C S ( V ) 10 20 A ) O1

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE

Pour obtenir le voltammogramme de la Figure I.6, un « blanc » contenant uni-quement la solution électrolytique (NaCl à 0,3 M dans l’eau) a été d’abord réalisé. La courbe en noir obtenue montre la présence d’un courant non nul. Ce courant, dû aux propriétés électriques de la solution (charge de la double couche à proximité de l’électrode), est appelé courant capacitif. D’une intensité proportionnelle à la vitesse de balayage v, ce courant capacitif limite l’utilisation de la voltammétrie cyclique à des vitesses de balayage inférieures à quelques milliers de V s−1 dans les solvants classiques.

Le voltammogramme (en rouge) obtenu pour la solution contenant le ferrocène-méthanol fait apparaître la forme classique d’un voltammogramme réversible d’un couple rapide :

• Le voltammogramme est dit réversible car l’ion ferrocénium formé ne subit pas de transformation supplémentaire en solution (réaction chimique, deuxième oxydation, . . .). Cela se traduit par la présence d’une vague retour (notée R1) d’une intensité similaire à la vague aller O1.

• Le couple est dit rapide car le transfert électronique de l’électrode à la molécule n’est pas le phénomène limitant la cinétique de la réaction électrochimique. Cela se traduit par l’écart faible entre les potentiels de pic aller et retour.x

Utilisation et limites

Dans les réactions catalytiques mettant en jeu du palladium, certaines étapes (addition oxydante et élimination réductrice) font intervenir un changement de degré d’oxydation du palladium.

La voltammétrie cyclique est dans ce cas-là un outil performant pour étudier l’influence des différentes espèces sur le centre métallique, dont les modifications structurales se traduisent par une évolution du voltammogramme :

• L’oxydation de Pd0en PdIIse manifeste par la disparition de la vague d’oxydation du Pd0au profit d’une vague de réduction du PdII.

• L’entrée de bons ligands dans la sphère de coordination se traduit par une meilleure définition des vagues d’oxydation ou de réduction. Si la vague d’oxydation du palladium(0) se déplace vers des potentiels plus négatifs, le palladium(0) est alors plus facilement oxydable donc plus réactif dans le cas d’une addition oxydante.

wLe ferrocèneméthanol est préféré au ferrocène en raison de sa plus grande solubilité dans l’eau. E.T. : disque d’or œ 0,5 mm; C.E. : fil de platine; Réf : ECS; T  25◦

C.

xPour un couple rapide impliquant le transfert de n électrons, l’écart entre les pics attendus est 59,2 mV

n à 25C. L’écart obtenu expérimentalement est un peu plus grand, probablement à cause de l’absence de compensation de la chute ohmique et/ou de la non-idéalité de la surface de l’électrode.

2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES ET NUMÉRIQUES

• D’un point de vue quantitatif, les intensités mesurées peuvent permettre de déterminer le nombre de ligands dans la sphère de coordination et de calculer des constantes d’association. Pour un couple réversible rapide (tel que le ferrocèneméthanol présenté Figure I.6), le courant faradique maximum (au pic O1) s’exprime grâce à la relation de Randles-Sevčik :

ipic ≈ 0,4463nFSc r

nFvD

RT (I.26)

où n est le nombre d’électrons échangés, F la constante de Faraday, S la surface de l’électrode, c la concentration de l’espèce électroactive et D son coefficient de diffusion. On notera en particulier la proportionnalité de ce courant faradique à la concentration de l’espèce analysée.

Muni d’informations sur le comportement électrochimique du système grâce à la voltammétrie cyclique, il est ensuite possible de réaliser des suivis cinétiques par électrochimie. Une technique classiquement utilisée est la chronoampérométrie (mesure du courant au cours du temps) réalisée à un potentiel caractéristique de l’espèce dont on cherche à faire le suivi (voir chapitre II, Figure II.1).

L’une des limitations de la chronoampérométrie utilisée dans ces conditions est que l’électrode reste polarisée pendant une grande durée, ce qui peut conduire à une dégradation de son état de surface.

Une alternative, cependant moins bien résolue temporellement, consiste à enregis-trer des voltammogrammes cycliques à des instants réguliers et analyser l’évolution du courant de pic caractéristique de l’espèce d’intérêt au cours du temps.

L’inconvénient majeur de ces techniques électrochimiques est la nécessité de se placer dans des conditions assez différentes des conditions réactionnelles classiques. Il peut être nécessaire de modifier le solvant et une grande quantité d’électrolyte support est ajouté, ce qui peut moduler la réactivité des espèces. La gamme de concentrations pouvant être étudiée est également assez restreinte (0,5 à 20 mM), mais correspond plutôt bien aux concentrations des catalyseurs dans les réactions catalytiques.

CHAPITRE I. ÉTUDES MÉCANISTIQUES EN CATALYSE ORGANOMÉTALLIQUE