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Un pré-test a été effectué en février 2016 sur un échantillon-test d’étudiants infirmiers de semestre 2 de la promotion 2015-2018. Ce test, le Test Spectral Métacognitif (TSM) a été utilisé au cours d’un exercice de cas clinique sur la thématique du raisonnement clinique.

L’objectif de ce test était d’identifier l’existence de biais cognitifs chez les étudiants en soins infirmiers, mais aussi de voir la prise de conscience de ces étudiants sur leur processus métacognitif en évaluant le degré de certitude de leurs réponses.

Pour cela le Test Spectral Métacognif (TSM) développé par Dieudonné Leclerq (Leclercq, 2014) a été utilisé. Cet outil est un outil d’auto-évaluation qui permet aux étudiants, d’une part à évaluer leur degré de confiance ou de doute concernant l’exactitude de leur raisonnement clinique dans des situations cliniques données, et d’autre part d’identifier, s’il y a un écart, pourquoi il existe cet écart entre le degré de certitude et le résultat.

Pour rappel, Dieudonné Leclercq et Marianne Poumay nous donnent une définition plus opérationnelle de la métacognition : « La métacognition est un ensemble d’opérations (jugement, analyse, régulation) sur des objets (ses processus ou ses productions), à certains moments (pré, per et post performance), dans certaines situations (d’apprentissage ou d’évaluation) et observables via des performances (comportements et/ou conduites). » (Leclercq & Poumay, 2008, p.241).

Reprenons les différentes caractéristiques de cette définition selon les trois types d’opérations portant sur les performances :

- Les jugements qui sont des évaluations par l’apprenant lui-même du degré de certitude (qui se rapporte au degré de qualité) d’une réponse ;

- Les analyses qui sont les justifications et explications, ce que les auteurs définissent comme « les élaborations, les explications que l’apprenant donne à la qualité de sa performance, ainsi que les attributions causales de ce qui lui arrive. » Ibid.

- Les régulations qui peuvent être les changements dans des décisions, l’environnement… « les capacités qu’un individu a de contrôler et de planifier ses propres processus cognitifs en vue de la réalisation d’un but ou d’un objectif déterminé. ». Ibid

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Ensuite, les auteurs identifient les trois temps d’une activité d’apprentissage ou d’évaluation : - La situation d’activité métacognitive PRÉ (avant une performance) ;

- La situation d’activité métacognitive PER (pendant une performance) ; - La situation d’activité métacognitive POST (après une performance).

Et enfin, les auteurs développent la production des objets (c’est-à-dire les résultats), sur les processus d’apprentissage (c’est-à-dire les démarches, que Dieudonné Leclercq et Marianne Poumay découpent en nécessité ressentie d’apprendre, sélection des contenus à apprendre et des ressources, l’autofixation de la difficulté des tâches et leur répartition dans le temps, les moments et leur pénibilité, les critères d’arrêt et l’évolution au cours du temps).

Le Test Spectral Métacognitif s’appuie sur les recommandations de Dieudonné Leclerc afin que les étudiants puissent dans un premier temps s’autoévaluer pendant l’exercice, et dans un deuxième temps faire une auto-évaluation après l’exercice. Avant de connaitre le résultat attendu au cours de l’exercice sur le raisonnement clinique, l’étudiant devra s’autoévaluer via un degré de certitude entre 0 et 100 % sur son résultat en utilisant une échelle en multiple de 20, ce qui permet de respecter la limite de 7, de la capacité à discriminer de façon fiable de l’homme. Lors de la restitution et la correction de l’exercice, les étudiants devront analyser les raisons et causes des résultats de leurs processus de raisonnement. L’objectif étant que chaque étudiant explicite, succinctement par écrit, le degré de certitude très élevé alors que le résultat du raisonnement est incohérent ; ou au contraire, qu’il explicite, un degré de certitude peu élevé alors que le résultat du raisonnement est pertinent : c’est ce que nomme Dieudonné Leclerq comme « attributions causales ».

Afin d’expliquer le principe de l’évaluation ainsi que le degré de certitude, quelques jours avant le TD, une mise en application sur un exercice tiré d’une expérimentation de Daniel Kahneman a été utilisée.

Les étudiants devaient répondre à cette question : Une batte et une balle coutent 1,10 euro. La batte coûte 1 euro de plus que la balle. Combien coûte la balle ?

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leurs réponses sur une échelle :

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Généralement à ce type de problème, le premier chiffre qui ressort est 10 centimes d’euros (réponse intuitive, système 1). La réponse étant 5 centimes. En effet, si la balle coûte 10 centimes alors, la batte qui coute 1 euro de plus pour la batte (ce qui donne 1,10 euro) ajoutée aux 10 centimes de la batte, nous obtenons 1,20 euro au total.

Or, en utilisant le système 2, on obtient la bonne réponse qui est de 5 centimes d’euros : la batte coute 1 euro de plus que la balle (soit 1,05 centime), alors nous obtenons un total de 1,10 euro. Les étudiants ont bien évidemment en très grande majorité, obtenu la réponse intuitive, mais le principe d’évaluation du degré de certitude a été compris par l’ensemble des étudiants.

Au cours du semestre 2, les étudiants en soins infirmiers ont reçu un apport magistral sur le raisonnement clinique infirmier d’une durée de trois heures trente qui a eu lieu le 4 février 2016. Suite à cet apport magistral, le 9 février 2016, une mise en application en groupes restreints (23 étudiants) en travaux dirigés d’une durée de deux heures était prévue. Cette mise en application avait pour objectif d’identifier pour chaque situation clinique présentée, des hypothèses de problèmes de santé réels ou potentiels. Le test se déroulera sur deux situations cliniques : La première situation était celle d’un jeune homme de 19 ans ayant subi une intervention chirurgicale il y a 4 jours à la suite d’un accident de la voie publique en moto.

Quatre questions ont été posées sur cette situation clinique décrite :

- Quelle(s) hypothèse(s) de jugement clinique faites-vous sur le risque de syndrome d’immobilité ?

- Quelle(s) hypothèse(s) de jugement clinique faites-vous sur le risque de douleur ? - Quelle(s) hypothèse(s) de jugement clinique faites-vous sur le risque infectieux ? - Quelles(s) hypothèse(s) de jugement clinique faites-vous sur le problème de déficit en

autosoins ?

La deuxième situation était celle d’une image représentant une femme d’âge moyen ayant subi une intervention chirurgicale récente.

La question posée était : quelle(s) hypothèse(s) de jugement clinique faites-vous face à cette situation clinique ?

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Les étudiants ont répondu à chaque question et à chaque réponse ils ont évalué le degré de certitude de leurs réponses sur une échelle allant de 0% à 100%, graduée de 20 en 20.

Les données obtenues (cf. Annexe 1) ont été exploitées par le logiciel spectral de Dieudonné Leclerq.

Le spectre des qualités de réponses données par les étudiants permet de qualifier la mobilisation des savoirs.

Les résultats obtenus pour un groupe de 23 étudiants sont les suivants :

Tout d’abord, on peut analyser la distribution spectrale de l’échantillon. La distribution spectrale permet de visualiser les réponses des étudiants testés avec les six degrés de certitude. Ces réponses peuvent être situées le long d’un continuum horizontal de treize positions, allant de -100% (correspondant à une erreur avec une certitude de 100%) à +100% (correspondant à une réponse correcte avec une certitude de 100%).

Figure 8 : distribution spectrale test TMS, échantillon d’étudiants, 2016

Le spectre des qualités de réponses données par les étudiants permet de les qualifier la mobilisation des savoirs au cours du processus de raisonnement clinique selon 4 niveaux : des connaissances jugées comme étant dangereuses puisqu’elles mobilisent des savoirs erronés avec un degré de certitude élevée, une ignorance reconnue avec des savoirs erronés et/ou inconnu mais avec un degré de certitude faible, des connaissances peu assurées avec des savoirs

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pertinents, mais un degré de certitude peu élevé, et enfin des connaissances utilisables avec des savoirs pertinents et un degré de certitude élevé.

Le constat relève que 29,6% des réponses sont répertoriées comme étant des connaissances dangereuses et que 30,4 % des réponses sont des connaissances qui sont utilisables. 56,5 % des réponses sont incorrectes contre 43,5% de réponses correctes.

Ensuite on peut analyser l’indice de résolution de l’échantillon. L’indice de résolution permet de visualiser le calcul de deux valeurs : l’indice d’imprudence et l’indice de la confiance. « L’indice de confiance est la moyenne des degrés de certitude qui ont accompagné les réponses correctes. […] L’indice d’imprudence est la moyenne des degrés de certitude qui ont accompagné les réponses incorrectes. » (Leclercq & Poumay, 2008).

Ensuite, nous pouvons regarder l’indice de confiance et d’imprudence qui a été calculé : Degré de

certitude 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100

Confiance 60,5

Imprudence 51,92

Tableau 3: Indice de résolution de l’échantillon, février 2016

L’indice de confiance représente la moyenne des degrés de certitude des réponses correctes (l’idéal serait que cet indice soit proche de 100%) et l’indice d’imprudence correspond à la moyenne des degrés de certitude des réponses incorrectes (l’idéal serait que cet indice doit proche de 0%).

L’indice de confiance et l’indice d’imprudence restent très proches ce qui indique que les étudiants restent partagés et ils sont quasiment équivalent entre les réponses correctes et les réponses incorrectes, mais avec un léger avantage sur les réponses correctes avec un indice de confiance à 60%.

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Figure 9 : qualité spectrale pour chaque question, échantillon étudiant, février 2016

Au fur et à mesure de l’avancée des questions, le pourcentage de réponses correctes diminue. De la question 1 à 4, l’indice de confiance et de prudence varie peu.

Concernant la question 5, pour rappel, le support de la question était une photo de patient avec comme seule consigne donnée aux étudiants sans orientation vers une typologie de problème de santé, la totalité des réponses est incorrecte.

Le relevé des explications post-exercice sur les réponses incorrectes montre des biais de représentativité avec des associations à des vécus personnels ou à des croyances (par exemple le vécu d’une intervention des dents de sagesses par un étudiant associant la photo à une douleur intense), mais aussi des focalisations sur un seul élément (effet « tunnel ») représentatif du biais d’ancrage (par exemple l’étudiant qui prend en compte uniquement la plaie de jambe suturée et non la fracture du bassin associée dans les capacités de mobilisation du patient alors que le patient est alité strict). Il ressort également des écrits des étudiants, des difficultés dans la collecte de données (tant au niveau de la sélection des données dans un corps de texte qu’au niveau du repérage d’indices dans une photo), des difficultés dans l’organisation de ces données récoltées qui entraine une difficulté dans le traitement de l’information. On peut également supposer que le support de la dernière question via une photo, laisse une place importante au système intuitif de raisonnement puisque nous obtenons un maximum de réponses erronées. Alors que les supports textuels limitent le système intuitif et le nombre de réponses erronées en

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canalisant l’interprétation des données puisqu’elles sont énoncées dans le texte. Le problème étant la sélection des données pertinentes et le traitement de ces données qui aboutissent à un résultat pas toujours correct.

Ce test a permis de vérifier qu’il existait bien des biais cognitifs, identifiés à la fois dans la littérature médicale et en adéquation avec les biais du système 1 de Daniel Kahneman, mais aussi la nécessité de travailler sur la sélection des données (la pertinence) et sur le traitement de ces données, en identifiant les biais qui peuvent apparaitre et influencer le résultat, ainsi qu’une compréhension du processus de raisonnement, non pas en corrigeant les erreurs, mais en positionnant l’étudiant dans un processus cognitif actif, dans des situations les plus authentiques possibles (proche de leur réalité de travail). C’est en travaillant sur l’équilibration du processus d’assimilation des connaissances et l’accommodation aux acquis préalables dans un environnement favorable à l’apprentissage, c’est-à-dire dans un processus interactif, que l’apprentissage du raisonnement clinique pourra peut-être favoriser la qualité de celui-ci et favoriser l’amélioration des compétences qui y sont associées.

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CHAPITRE 8 : PRÉSENTATION