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CHAPITRE 4 : LA PROBLÉMATIQUE

4.2 L’approche selon George Lerbet

En 1984, George Lerbet propose une modélisation de la production des savoirs à partir d’une approche systémique. Cette approche systémique « conduit à considérer la personne comme un système ouvert échangeant des flux avec son environnement » (Gomez, 2000, p.37).

George Lerbet avance la théorie selon laquelle l’apprentissage est issu d’un processus élaboré du traitement de l’information. Il élabore le système personnel de production de savoirs (SSPS) qui se constituent de six sous-systèmes en interrelation active (Lerbet, 1993). Il démontre qu’apprendre peut se modéliser selon un système d’entrée, un système de traitement et un système de sortie.

Le premier sous-système d’action heuristique (SSAH) d’entrée se répartit en deux niveaux : - SSAHB (le B symbolisant la bibliographie) qui se rapporte à tout ce qui est entrepris

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- SSAHR (le R symbolisant le recueil) qui se rapporte aux actions au cours du recueil de données en situations.

Le deuxième sous-système d’action heuristique, celui du système de traitement de l’information se sous-divise en trois niveaux :

- SSAHP (le P symbolisant la problématisation) qui se rapporte aux questionnements afin de faire émerger les incohérences ;

- SSAHM (le M symbolisant la méthodologie) qui se rapporte à l’organisation, à la structuration du questionnement qui va permettre de travailler sur la résolution ;

- SSAHA (le A symbolisant l’analyse) qui se rapporte au traitement par l’analyse de la situation au regard du questionnement et de la méthodologie ;

Le troisième sous-système d’action heuristique, le système de sortie, comporte quant à lui qu’un niveau :

- SSAHE (le E symbolisant l’expression) qui se rapporte à la formulation d’un produit de sortie en fin de processus.

Ce processus n’est pas linéaire et peut permettre à l’étudiant de revenir vers le système d’entrée et le système de traitement à tout moment, soit pour corroborer le savoir opérant, soit pour lever une hésitation ou une ambiguïté. Ces différents systèmes se situent dans un environnement et qui interagit également avec des personnes et qui peut donc influencer l’ensemble du processus.

Figure 4: Schéma du Système Personnel de Production de Savoirs (SSPS) Georges Lerbet, 1984, p160

Si nous reprenons ce qu’est le raisonnement clinique infirmier, c’est un ensemble de processus de la pensée qui relève à la fois d’un processus cognitif et d’un processus métacognitif. Claude

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Belpaume explique que « la démarche cognitive est centrée sur la résolution d’un problème de santé à partir des éléments de compréhension de la situation : diagnostic, étiologie, traitement. Le processus métacognitif amène la personne à identifier ses habilités à raisonner, à résoudre les problèmes et à pouvoir faire évoluer son processus cognitif. » (Belpaume, 2009, p.47). Si nous transposition le processus de raisonnement clinique au modèle de Georges Lerbet, nous obtiendrions, tout d’abord dans le sous-système d’action heuristique de recueils de données (SSAHR) la correspondance avec la collecte de données de la situation clinique et dans le sous-système d’action heuristique bibliographique (SSAHB) correspondrait aux savoirs théoriques de l’étudiant infirmier. Concernant le système de traitement, le sous-système d’action heuristique de problématisation (SSAHP) correspondrait à l’élaboration d’hypothèses diagnostique au regard du recueil de données et des savoirs. Le sous-système d’action heuristique méthodologique (SSAHM) correspondant à la méthodologie du raisonnement clinique et le sous-système d’action heuristique d’analyse (SSAHA) correspondraient quant à eux au raisonnement hypothético-déductif par le traitement des hypothèses émises. Et enfin dans le système de sortie, le sous-système d’action heuristique d’expression (SSAHE) correspondrait à l’élaboration d’un diagnostic final, l’identification du problème de santé. Ces sous-systèmes interagissant également avec l’environnement (le contexte du soin, l’histoire du patient, les protocoles et procédures…), l’expérience antérieure du professionnel de santé ou futur professionnel et les affects.

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Ce qui permettrait d’obtenir le modèle infirmier transposé sur le modèle de Georges Lerbet :

Savoirs théoriques (SSAH B)

X

Formulation d’hypothèses (SSAH P)

X

Identification du problème de santé (SSAH E) Méthodologie du raisonnement clinique infirmier (SSAH M) Recueils de données (SSAH R) Raisonnement hypothético-déductif (SSAH A)

Figure 5 : Système Lerbert transposé au raisonnement clinique, interprétation personnelle

De nombreux courants de recherche ont clairement établi que des adultes font des erreurs systématiques de déduction que l’on appelle des « biais de raisonnement » (Houdé & Leroux, 2015, p.48).

Le raisonnement clinique est utilisé par les médecins, les infirmiers, mais aussi par extension à tous les professionnels de santé qui travaillent auprès des patients. Ce raisonnement clinique est enseigné selon différentes méthodes pédagogiques telles que l’étude de cas cliniques théoriques ou de dossiers de patients, l’utilisation de supports visuels ou de séquence de vidéo, l’aide d’un logiciel représentant un patient virtuel, une séquence réelle avec un patient simulé (jeu de rôle), à l’aide d’un mannequin de simulation, pour ensuite le mettre en pratique sur un patient réel. Ces différentes méthodes permettent de mobiliser plusieurs sens afin d’optimiser la récolte de données nécessaire à l’élaboration d’un raisonnement clinique.

Contexte de soins, protocole, procédure... (Environnement)

Expérience antérieure, affects… (Personne)

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Le référentiel de formation de la profession infirmière prévoit l’apprentissage du raisonnement clinique infirmer. Cet enseignement, relié aux compétences professionnelles 1 et 2, se déroule au cours des trois premiers semestres de la formation, les trois derniers semestres étant considérés comme une période permettant l’appropriation et la maîtrise de celui-ci.

Les objectifs de la simulation haute-fidélité seraient la prise de conscience de la situation de soins en permettant l’identification du problème de santé, sa compréhension, mais aussi la prévention des différents biais cognitifs identifiés dans la littérature en santé tels que :

- Le biais de cadrage, caractérisé par l’influence inadéquate accordée au problème de santé ;

- Le biais de confirmation, en privilégiant des informations confirmant ses propres hypothèses, au détriment d’autres hypothèses ;

- L’erreur de fixation, l’individu se focalisant sur quelques données considérées comme primordiales, en ignorant d’autres indices ;

- La tunnellisation, singularisée par une réduction de la pensée sans tenir compte d’autres signes

En présence de ce rapide état des lieux de la littérature, divers questionnements apparaissent :

- Est-ce que les difficultés de raisonnement identifiées dans la littérature sont similaires pour les étudiants infirmiers ?

- Comment l’apprentissage du raisonnement clinique pour les étudiants infirmiers peut-il prendre en compte la taxonomie des biais identifiés dans la littérature ?

- Comment introduire la simulation dans l’apprentissage du raisonnement clinique en tenant compte de ces biais de raisonnement ?

- Les biais cognitifs étant bien identifiés dans la littérature professionnelle, la prise de conscience de l’existence de ceux-ci au cours de l’enseignement ne pourrait-elle pas limiter leurs survenus ?

- La préconisation de l’utilisation de la simulation comme méthode pédagogique pourrait-elle être un atout dans l’enseignement de ce raisonnement clinique ?

- S’il faut respecter le principe éthique qu’un étudiant ne doit jamais faire un soin auprès d’un patient s’il n’a pas les compétences nécessaires, la simulation haute-fidélité pourrait-elle recréer une situation de soin au plus près de la réalité pour permettre l’enseignement et la maitrise du raisonnement clinique ?

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- La posture du formateur devrait-elle s’orienter vers un apprentissage orienté vers la création de nouvelles structurations cognitives en aidant les étudiants à la mise en lumière du processus métacognitif afin que cette analyse puisse modifier des comportements dans l’amélioration de la dimension du savoir-faire ?

- Les notions de savoirs, motivation, interactions avec l’environnement et la personnalité de l’étudiant devraient-elles être prises en compte dans la dimension du savoir-être et du savoir-faire des compétences liées au raisonnement clinique infirmier ?

L’objectif de cette recherche serait de voir si l’utilisation d’un mannequin haute-fidélité en tant que médiateur technologique dans l’apprentissage du raisonnement clinique infirmier aurait un impact sur l’apprentissage de celui-ci et sur le développement des compétences professionnelles auxquelles il se rattache.

La question serait donc :

Quelle est l’influence de l’utilisation d’un médiateur technologique qu’est le mannequin haute-fidélité, dans l’apprentissage du processus de résolution de problème hypothético-déductif du raisonnement clinique infirmier chez les apprenants en soins infirmiers de semestre 3 ?

Les hypothèses qui sont avancées dans la relation d’influence du mannequin haute-fidélité et l’apprentissage du raisonnement clinique infirmier sont multiples :

- La première hypothèse serait que l’utilisation du mannequin haute-fidélité améliore l’acquisition des deux compétences en lien avec le raisonnement clinique infirmier. - La deuxième hypothèse présuppose que l’utilisation de la méthode de simulation

haute-fidélité permet à l’étudiant une conscience de ces processus cognitifs et la pertinence de son raisonnement clinique.

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CHAPITRE 5 : LES BASES