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Le lexique juridique est aussi marqué par l’emploi de termes polysémiques qui se prêtent aux connotations spécifiques. Dans la connotation juridique quelques problèmes peuvent être posés comme expliqués ci-dessous :

Le droit puise abondamment dans la langue générale, et cela constitue l’une des grandes difficultés de cette langue de spécialité : ces termes de la langue de tous les jours peuvent être dotés d’un sens différent, dans un contexte précis. Cette diversité présente la grande difficulté de ne pas être répertoriée dans son ensemble dans les divers lexiques et dictionnaires spécialisés. Ces ouvrages n’incluent souvent que la nomenclature du droit, soit les termes du domaine proprement dit, et excluent les termes de la langue courante qui, ayant acquis un sens particulier, échappent à la compréhension du néophyte. (SCURTU. G, 2008)10

Un terme employé dans le jargon juridique pour désigner un concept qui renvoie à un ensemble de droits, de devoirs et de circonstances, a un sens différent dans la langue courante. Ce chevauchement entre le langage courant et le langage juridique est l’un des aspects linguistiques les plus fréquents dans les langues de spécialité. Souvent, le langage juridique, bien qu’il soit

10 SCURTU G., (2008), « Traduire le vocabulaire juridique français en roumain », dans Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, vol. 53, n° 4, 2008, p. 884-898

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précis, fait appel aux mots du langage courant pour définir des référents juridiques. Ainsi, comme le précise Damon Mayaffre :

Le sens en effet n’est jamais donné. Il est toujours construit lors de parcours interprétatifs complexes que le linguiste est en charge de contrôler et dans lesquels s’articulent écriture et réécriture, textes et contextes, conditions culturelles d’émission, de réception et d’analyse. Précisément, ce contrôle du parcours interprétatif s’effectue autant que possible dans et par le corpus, conçu comme la seule ou l’ultime entité possible d’objectivation du contexte pour la linguistique.11

À l’aide de définitions juridiques introduites dans le texte législatif, le législateur détermine les acceptations fonctionnelles des termes pour leurs garantir une seule signification, valable exclusivement dans un acte normatif donné. C’est la définition qui assure la précision des termes juridiques dans les textes de loi, surtout le cas de mots empruntés de la langue générale et utilisés dans le sens spécifique. Ce qui peut provoquer des glissements de sens chez le non spécialiste.

Après une analyse et une classification des termes du discours étudié en fonction de leur relation avec le lexique commun, nous avons constaté que ces termes ont une double appartenance générale et spécifique.

Ces termes à double appartenance sont des termes qui sont placés à la croisée du langage courant et du langage juridique dans la mesure où la terminologie dénotée de la langue courante s’ajoute la terminologie connotée dans le langage du droit tel que nous l’expliquent Darbelnet et Gémar :

Les termes à double appartenance sont des termes qui ont au moins un sens dans l‘usage courant et au moins un sens en langue juridique. Leur ensemble constitue, avec les mots d‘appartenance juridique exclusive la terminologie du droit […]. (Darbelnet 1982 et Gémar 1991), cité dans (SCURTU. G, 2008)12.

11 Damon Mayaffre, Le poids des mots : le discours de gauche et de droite(1995). éd H.Champion. 12 Ibid

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Le terme « acte » qu’Abdelatif TOUALBIA utilise dans le langage courant est une action du corps faite par une personne.

Exemple : « la caméra était là pour faire rentrer dans l´histoire cet acte héroïque de Boubetra et ses deux conseillers. Et cela n´allait pas faire taire les mauvaises langues.»13

Dans le langage du droit, « acte » est plus fréquemment synonyme d'écrit qui authentifie une convention ; certificat, contrat, arrêté, procès verbal ... 14. Les auteurs de LA GAZETTE parlent du droit économique et commercial où ils utilisent le terme « acte » dans son sens précis.

Exemple : « l’acquéreur déclarait avoir été informé du protocole d’accord annexé à l’acte de vente »15

Le terme « cause » dans le langage courant, désigne l'origine d'un état ou d'une circonstance.

Exemple : « cette exigence qui peut paraitre banale de prime abord, est en réalité une condition de fond essentielle pour déterminer la cause réelle et sérieuse du licenciement. »16

En droit procédural, le mot est employé comme synonyme d' « affaire » ou de « procès ». Ainsi, en début d'audience, le juge qui préside les débats, procède à "l'appel des causes" en appelant les parties dont le nom figure sur les dossiers des affaires à plaider.17

Exemple :

néanmoins, la position de la chambre criminelle, reprise par les juges du fond, fondée sur l’article 427 du code de procédure pénale permettant la production

13 cf. « Ces juges fonctionnaires», journal « L’EXPRESSION », Abdellatif TOUALBIA, 06 Décembre 2010

14 Dictionnaire français Linternaute, disponible en ligne : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/acte/

15 cf. « La primauté de la clause compromissoire face à une loi de police régissant le fond du litige », LA GAZETTE, octobre 2010, Fanélie THIBAUD

16 cf. « La lettre de licenciement économique : un vrai casse-tête ! », LA GAZETTE avril 2011, Albane Boinot

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d’écoutes téléphoniques obtenues de façon déloyale mais présentées par la partie adverse, ne fait pas l’objet d’une remise en cause par la haute juridiction pour autant.18

De riches locutions et expressions du langage courant émaillent le langage juridique; elles lui assurent le pilier nécessaire à son discours. Ces expressions acquièrent le statut d’expressions juridiques et sont intégrées dans le lexique restreint des juristes. Les mots courants employés dans un écrit juridique sont soumis à des règles particulières.

Il ne faudrait pas, par exemple, confondre entre « prononcer un jugement » : le dicter et « prononcer une parole » : articuler.

Il convient, également, de distinguer entre « l’ouverture d’une procédure » : commencer à l’exécuter et « l’ouverture d’une porte » : dégager le passage.

Nous rencontrons aussi des participes passés : « cassé », « frappé » et « violé ».

À titre d’exemple :

- « un arrêt cassé » veut dire un « arrêt redressé » contrairement à « un vase cassé » : « vase brisé ».

D’un point de vue langagier, nous constatons dans LA GAZETTE, la présence de nombreux mots qui font l’objet d’un glissement sémantique tels que : « frapper », « casser », « ouverture », « lourd » ... et qui provoquent l’imaginaire sous la plume de l’auteur comme nous le voyons dans les exemples ci-dessous :

Exemple 1 :

Le preneur a donc interjeté appel avant d’être placé en liquidation judiciaire. Puis, la cour d’appel a confirmé l’ordonnance de référé. Cet arrêt est cassé, au visa

18 cf. « Quand l’Autorité de la Concurrence doit faire preuve de loyauté », LA GAZETTE mars 2011, Fanélie THIBAUD

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des articles l. 621-40 et l.622-13, al. 4, aux motifs « qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’ordonnance de référé du 16 janvier 1996 avait été frappéed’appel par le preneur avant l’ouverture de sa liquidation judiciaire [...]En l’espèce, l’ouverture de la procédure collective chose jugée,, de sorte que la cour d’appel aurait du décider que la clause résolutoire n’était pas acquise et que l’action en justice ne pouvait être poursuivie.19

Exemple 2 :

La cour de cassation a cassé le jugement rendu en décidant que les juges n’avaient pas expliqué « en quoi la SNCF pouvait prévoir, lors de la conclusion du contrat de transport que le terme du voyage n’était pas la destination finale du couple et que ce dernier avait conclu des contrats de transport aériens20.

Exemple 3 : « le secrétaire général ait décidé de l’ouverture d’une enquête »21

Exemple 4 : « qu’aucune règle impérative régissant l’arbitrage n’ait été violée »22

Exemple 5 : « Le gouvernement français soutenait au contraire que le fait de démarcher emporte une violation du principe d’indépendance que doivent respecter les experts-comptables. »23

19 cf. « La neutralisation de l’action en constatation de la résiliation du bail commercial par l’ouverture d’une procédure collective », LA GAZETTE, Avril 2011, Geoffroy BERTHELOT

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cf. « La prévisibilité au secours de la SNCF... », LA GAZETTE, Juin 2011, Audrey BENSOUSSAN

21 cf. « Comment s’inviter discrètement au capital d’une société cotée ? », LA GAZETTE, Mai 2011, Georges CAVALIER

22 cf. « La primauté de la clause compromissoire face à une loi de police régissant le fond du litige », LA GAZETTE, octobre 2010, Fanélie THIBAUD

23 cf. « L’interdiction de la pratique de démarchage par les experts-comptables remise en cause par la CJUE : une révolution pour les professions règlementées », LA GAZETTE, Mai 2011, Nelly ARGOUD

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Exemple 6 : « Le 13 décembre 2010, la commission des sanctions de l’AMF conclue à l’existence de ce grief et condamne la société wendel et son ancien dirigeant à de lourdes sanctions. »24