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Le temps de la synthèse

4.4 La dynamique des taches solaires

4.4.2 Le temps de la synthèse

Il développe finalement sa théorie dans son mémoire de 1865119, conforme à la « voie de l’expli- cation rationnelle » qu’il préconise120. Dans ce texte, Faye propose de partir de l’idée la plus simple et la plus générale possible, une idée qui va non seulement lui permettre de surmonter les difficultés

115. Faye (1868b), Sur le Soleil, à propos d’un récent article du Macmillan’s Magazine, p. 197.

116. Faye (1865a), Sur la constitution physique du Soleil (Première partie), p. 89. Les conjectures ne sont pas pour Faye mauvaises en soi, elles ont souvent un fond de vérité, servent de guide pour des recherches ultérieures et suscitent l’attention et la persévérance des observateurs. Mais comme tout préliminaire, il faut ensuite qu’elles s’effacent au profit des véritables lois, aux relations constantes induites des observations.

117. Faye (1865a), Sur la constitution physique du Soleil (Première partie), p. 94. 118. Ibid., p. 95.

119. Ce mémoire est publié en deux parties, auxquels nous avons déjà fait référence. Faye (1865a), Sur la constitution physique du Soleil (Première partie), et Faye (1865b), Sur la constitution physique du Soleil (Deuxième partie).

rencontrées mais également d’inscrire sa théorie dans un cadre évolutif le rattachant à l’hypothèse de Laplace. Son point de départ repose sur l’identité entre le Soleil et les étoiles. Toutes naissent, sous

l’emprise de la gravitation, de l’agglomération de matière initialement disséminée en un vaste amas, prémisse identique à l’hypothèse de la nébuleuse primitive. Il peut alors reprendre à son compte les

conclusions du physicien allemand Hermann Helmholtz sur la conversion de l’énergie cinétique de cette énorme masse en énergie thermique lors de sa contraction, donnant naissance à un globe gazeux

homogène dont la température élevée entraîne nécessairement la dissociation des éléments chimiques. Par suite du refroidissement, un équilibre va dès lors s’instituer entre les couches profondes et les

couches superficielles, pendant lequel la masse entière du Soleil va contribuer à restituer l’énergie qu’il a auparavant stocké pendant la phase de coalescence et qu’il continue à produire pendant la

lente contraction gravitationnelle qu’il subit encore. Le refroidissement de cette masse va déterminer les phases successives.

Faye en dénombre trois. La première est la phase de complète dissociation (nébuleuse). Le pouvoir

émissif du gaz incandescent est très faible, et le spectre est probablement réduit à quelques lignes brillantes sur fond obscur121. La seconde est celle à laquelle notre Soleil appartient. Par rapport à la phase précédente, le refroidissement des couches externes va permettre d’atteindre une température où le jeu des affinités chimiques vont pourvoir reprendre leur droit. Les différents éléments gazeux –

essentiellement des vapeurs métalliques comme l’analyse spectroscopique l’a montré – vont pouvoir se combiner en particules solides, donnant naissance à des précipitions et des nuages. Ces particules vont alors migrer vers les couches profondes sous l’action de la gravité, et ainsi finiront par se dissocier

à nouveau sous l’action de la chaleur, et être remplacées par des remontés de gaz chaud. Il s’ensuit un échange incessant entre l’intérieur et la superficie, mais, comme le précise Faye, « ce ne sont pas

de simples courants de convections, mais des courants forcés dans lesquels la matière se présente sous deux modes d’agrégation différentes [...] Sans cette opposition, il n’y aurait pas de courants

verticaux possédant d’une manière permanente l’amplitude nécessaire pour satisfaire à la loi de la rotation solaire122 »

On pourrait ne voir là qu’un retour aux anciennes idées de Wilson et Herschel sur les nuages

lumineux formant la photosphère, dont les conjectures ont pourtant été critiquées par Faye dans le même article. Si son raisonnement arrive au même point, c’est pour des raisons bien différentes

et redevables des derniers travaux des chimistes. Comme il a été noté pour la première phase de

121. Faye fait référence ici aux découvertes de William Huggins sur le spectre des nébuleuses. 122. Faye (1865b), Sur la constitution physique du Soleil (Deuxième partie), p. 142.

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condensation, la nébuleuse ne rayonne pratiquement pas de lumière. Il a été prouvé par des expé- riences de laboratoire qu’un gaz simple porté à haute température est peu lumineux. C’est d’ailleurs

grâce à la mise au point d’une flamme de ce type que Bunsen et Kirchhoff ont pu réaliser leurs expériences sur les spectres. Pour accroître le pouvoir éclairant de ce gaz, il faut lui adjoindre des

particules solides qui, portés à incandescence, vont émettre une très vive lumière du fait de leur fort pouvoir émissif123. Tout ceci est la conséquence directe des lois de Kirchhoff. La formation de la photosphère, limite apparente du Soleil, est donc la conséquence du refroidissement de la couche externe de la sphère gazeuse. Les particules solides incandescentes flottant dans l’atmosphère solaire

vont rayonner abondamment la lumière et procurer ainsi un spectre continu, et le milieu gazeux dans lequel elles baignent vont donner naissance aux raies noires de Fraunhofer. De plus, la lumière

qui émane d’un tel milieu ne saurait être polarisée et permet de rendre compte que le spectre du bord soit identique à celui du centre, observé initialement par Forbes et que Janssen a récemment

confirmé lors de l’éclipse annulaire en 1863 à Trani, en Italie. Ainsi se trouve réconcilié les expériences d’Arago et de Kirchhoff.

Les idées de Faye sur ces phénomènes de dissociation se basent directement sur les travaux du chimiste français Henri Sainte-Claire Deville124. Ce dernier est une proche connaissance, quelque temps auparavant, Faye était allé dans son laboratoire de l’École Polytechnique pour tenter de synthétiser un minéral contenu dans une roche météoritique. Deville s’intéresse beaucoup aux avancés

dans ce domaine de l’astronomie – à l’Académie des sciences il est souvent le rapporteur de mémoires sur le sujet – et ses propres travaux l’amèneront à réfléchir sur leur application à l’évaluation de

la température du Soleil125. Ses résultats sur la dissociation, que l’on peut voir comme l’analogue d’un changement d’état, ont permis de comprendre pourquoi la température de combustion des

gaz étaient moins élevées dans la réalité que les prédictions des calculs théoriques. Ce processus de dissociation présentent deux autres caractéristiques : la dissociation des molécules consomment une certaine quantité d’énergie – quantité identique libérée lors du processus inverse de recombinaison

– et elle se réalise à température constante, dépendant seulement de la substance. Faye a vu dans ce mécanisme, couplé aux mouvements de « convection », une double possibilité. Premièrement de

123. Des recherches à cette époque étaient menées afin d’améliorer l’éclairage public et le pouvoir éclairant des becs à gaz.

124. Pour un point de vue sur l’ensemble des travaux de Sainte-Claire Deville, voir Gernez (1894), Notice sur Henri Sainte-Claire Deville.

125. Deville (1872), Mesure sur les températures très-élevées et sur la température du Soleil. Nous reviendrons sur sa contribution à ce sujet dans le chapitre consacré à la mesure de la température du Soleil, chapitre 7.

rendre compte de la production de lumière par les particules réfractaires de la photosphère qui sans cela serait quasi obscure. Deuxièmement de rendre compte de ce fait qui le frappe tant, à savoir la

stabilité du rayonnement – et donc de la température – du Soleil sur des temps de l’ordre du million d’années126.

Si la loi rendant compte du mouvement des taches revêt une importance capitale aux yeux de Faye, tant pour les conséquences qu’elle révèle sur la constitution du Soleil que pour ses vertus

épistémologiques, cette « merveilleuse constance » va devenir tout aussi crucial pour l’architecture de sa théorie, jusqu’à éclipser plus tard l’importance de la loi des taches127. Le rôle de la photosphère comme mécanisme régulateur devient un élément constitutif à la base de sa théorie, d’autant plus que la formation de cette enveloppe lumineuse est un phénomène commun à chaque étoile. L’astronome italien Secchi a proposé des idées similaires pratiquement au même moment. Pour lui aussi le Soleil

est une masse gazeuse que le mouvement des taches trahit. Il est donc également amené a chercher la cause de l’émission du spectre continu, qu’il trouve dans la formation des particules solides ou des

gouttelettes liquides en suspension dans le photosphère128. Mais ce mécanisme présente à ses yeux l’avantage de pouvoir accroître la réserve d’énergie potentielle du Soleil, et par conséquent sa durée

de vie. Pour Faye, le Soleil tire son énergie de la phase de condensation initiale de la nébuleuse, dont une partie a déjà été rayonnée et l’autre se trouve rayonnée en chaleur et lumière, à un taux

constant comme on vient de le voir129. Cette quantité considérable de chaleur accumulée au cœur de la masse de Soleil justifie d’ailleurs qu’il ne soit ni solide ni liquide et que les molécules s’y trouvent

à l’état de dissociation complet.

Que deviennent dans sa théorie les taches solaires ? Ce sont des éclaircies pratiquées dans la

photosphère par les courants ascendants, mais ce n’est pas le noyau solide, froid et obscur que l’on contemple dans ces sombres trouées, mais l’intérieure même du Soleil, la masse gazeuse interne

126. Cet ordre de grandeur découle naturellement de l’hypothèse de la contraction gravitationnelle du Soleil depuis son origine comme nébuleuse étendue jusqu’à sa taille actuelle. Un calcul simple permet de trouver environ 20 millions d’années. Cette valeur fut au départ avancée par Helmholtz puis par Thomson, Faye ne fait que la reprendre.

127. N’écrit-il pas dès l’année suivante que « Le grand problème [. . . ] est moins d’expliquer les taches que de faire comprendre l’immense durée et l’énormité de la radiation solaire. » Faye (1866c), Sur quelques objections relatives à la constitution physique du Soleil, p. 236.

128. Cela est vrai à la date de parution de l’article de Faye, mais la position de Secchi va changer. A la suite des expériences de Lockyer et Frankland, Wüllner... il préférera expliquer le spectre continu de la photosphère par la pression du gaz transformant par élargissement des raies.

129. En reprenant l’hypothèse de Helmholtz, il se contente de dire que le calcul peut rendre compte aisément du rayonnement du Soleil au taux actuel pour plusieurs millions d’années, tandis qu’un processus de combustion chimique ne fournirait de la chaleur que pour une durée de 3 000 ans.

4.4 La dynamique des taches solaires 179

dont le pouvoir émissif est tellement faible que la tache semble noir par contraste avec la luminosité générale de la photosphère. Contrairement à ses prédécesseurs, son explication s’insère dans un réseau

beaucoup plus complet et générale, reposant sur un nombre minimal de lois ou d’hypothèses. Le mouvement des taches est ainsi expliqué par le jeu des courants verticaux et de la différence de vitesse

linéaire de rotation entre les couches profondes et la surface. Il conserve donc l’explication des taches par des sortes d’éruptions qui viennent dissiper la couche nuageuse. Les taches doivent posséder une

température plus élevée, et un spectre qui doit correspondre un celui d’un gaz à incandescence, c’est- à-dire un spectre de raies d’émission et non d’absorption. Il note de plus – d’après les observations

du Révérend Dawes – que certaines taches isolés présentent des indices d’une lente giration, mais il ajoute aussitôt que cela « [...] n’offre qu’une analogie bien éloignée avec le tourbillonnement des

cyclones ou des trombes terrestres.130 » Le rôle des analogies est un thème récurrent chez Faye, et qui n’est pas s’en contradiction. Lorsqu’il commente l’expérience d’Arago – qui rappelons-le avait

comparé la polarisation de la lumière du Soleil avec celle provenant de globes solides ou liquides –, il rappelle que plusieurs objections avaient été faites à son encontre, notamment par John Hershel

dont le but était de pointer « [...] la distance qui sépare nécessairement une expérience de cabinet de ce qui se passe dans les régions célestes.131 » Quelques lignes après, il retourne la même critique à Kirchhoff en écrivant qu’il n’a fait que transporter « [...] conjecturalement au Soleil lui-même cette admirable combinaison de laboratoire [...] » dans une tentative d’analogie incomplète entre « [...] des

expériences de cabinet et les phénomènes les moins accessibles du ciel [...]132 », critique qu’il avait déjà émise en 1861. Il a pourtant lui-même reproduit, comme il l’indique, les expériences d’Arago

avec une boule d’argent mat. Le résultat s’est avéré être identique, d’après ses observations.

Il reste la dernière phase, qu’il nomme phase géologique. Le refroidissement amène les courants verticaux à se ralentir et la contraction de la masse du Soleil augmente corrélativement sa densité, en

conséquence de quoi la photosphère s’épaissit et prend une consistance liquide puis finalement solide. L’échange de chaleur par convection avec les couches profondes est rompue, et la distribution ne se

fait plus que par conduction. La rotation différentielle du Soleil cesse, ce qui entraîne la disparition des taches et des facules. La croûte va alors s’épaissir et le rayonnement diminuer jusqu’à ce que

l’extinction vienne clore le processus et plonger le Soleil dans cette dernière phase, semblable aux

130. Faye (1865b), Sur la constitution physique du Soleil (Deuxième partie), p. 139. Il rejette un peu trop rapidement cette observation de Dawes, car c’est justement sur ce point qu’il va reprendre sa théorie et concevoir ses fameux cyclones solaires. Cela va lui donner l’occasion de revenir sur ces analogies entre phénomènes terrestres et solaires.

131. Faye (1865a), Sur la constitution physique du Soleil (Première partie), p. 92. 132. Ibid., p. 93.

planètes. Notre Terre n’est donc qu’un Soleil encroûté133. Cette phase est considérée comme très courte, comparée à la phase intermédiaire qui peut s’étendre sur plusieurs millions d’années.

Bien que l’articulation entre physique expérimentale et physique solaire demeure encore source de tension, il est notable de voir à quel point les liens entre les deux domaines se resserrent. Cette

nouvelle astronomie marche main dans la main avec la physique et la chimie, avec la géologie, et bientôt avec la météorologie. Bien qu’il reste convaincu que l’observation directe et méticuleuse du

Soleil reste la voie royale pour comprendre la constitution physique du Soleil, il ne répugne pas à s’aider des derniers résultats qu’apportent les nouvelles méthodes d’investigation et mobilise des

disciplines a priori hétérogènes134.

L’année suivant la parution de son mémoire sur la constitution physique du Soleil, Faye présente

deux autres mémoires dignes d’attention. Bien qu’ils ne proposent rien de nouveau sur sa théorie, il l’utilise pourtant afin de rapprocher les phénomènes périodiques ayant lieu à la surface du Soleil et son

cycle de onze ans de ceux des étoiles variables et les rattacher tous à une seule et même explication, celle de l’entretien de la photosphère par les courants de convection. Cette étape représente un pas

de plus dans cette tentative de généraliser sa théorie à toutes les étoiles, de fournir une cause unique à un vaste ensemble de phénomènes, et ainsi rendre compte non seulement de la constance de leur

production de chaleur et de lumière, mais aussi de leur caractère périodique, allant jusqu’à englober les étoiles nouvelles. Les étoiles variables, dont notre Soleil fait partie, et les étoiles nouvelles ne

sont alors que « les états successifs d’un même phénomène dont le ciel nous offrirait à la fois toutes les phases [...]135 » Faye précise bien qu’il a établit une relation d’analogie et non d’identité, car chaque étoile peut être observée à un stade différent de son évolution. Il prend bien soin de discerner ce qui différencie les étoiles entre-elles – comme leur composition chimique – et ce qui permet de

les classer comme des objets situés à différents stades d’un seul et même processus évolutif, à la manière dont Herschel liait les nébuleuses et les étoiles. Au-delà des contingences de leur formation et des différentes proportions des éléments chimiques entrant dans leur composition, il reste l’élément

133. Cette hypothèse avait déjà été émise par Descartes.

134. Faye gardera de surcroît un faible pour la photographie pour ses vertus d’impartialité et d’objectivité. A l’oc- casion de la fondation en Italie de la Societa dei Spettroscopisti italiani, il écrit « [...] malgré les brillantes découvertes réalisées ou promises par l’analyse spectrale, l’étude de la rotation solaire et des mouvements des taches restera tou- jours la base première de la théorie naissante. Or cette étude ne saurait désormais se faire fructueusement que par la photographie et non par des dessins relevés à la main, soit qu’on veuille suivre par le calcul les mouvements ou les accidents des taches, soit qu’on se borne à les rapprocher des éruptions de la chromosphère. » (Faye, 1872a), Note sur l’Association nouvellement fondée en Italie sous le titre de Societa dei Spettroscopisti italiani, p. 917.

4.4 La dynamique des taches solaires 181

fédérateur consistant dans « les mêmes phénomènes physiques d’incandescence, de refroidissement, de formation et d’entretien d’une photosphère.136 »

Ainsi Faye a présenté une théorie complète de la constitution physique du Soleil, saluée par l’en-

semble de la communauté scientifique137. Cette théorie reste cependant à un stade très qualitatif, et les modifications qu’il va lui faire subir, et que nous allons relater ci-après, ne toucherons pas à cette caractéristique. Cette manière de procéder est le témoin d’une approche théorique que l’on pourrait

qualifier d’humboldtienne, c’est-à-dire privilégiant un aspect holiste et morphologique de la nature, qui cherche à révéler les connections entre les phénomènes, et assure une unité en faisant converger

différentes disciplines, comme l’astronomie, la physique, la chimie ou encore la géologie138. Nous retrouvons cette approche chez nombreux autres astrophysiciens de cette époque, comme l’anglais

Norman Lockyer139, ou, au tournant du siècle, le hollandais Albert Brester140. Les différents mé-

136. Faye (1866b), Sur les étoiles variables et les étoiles nouvelles (Deuxième partie), p. 230.

137. De Parville en rend compte dans ses Causerie Scientifiques, revue scientifique populaire, en citant Faye, « un de nos astronomes les plus connus et les plus estimés, [qui] vient, dans deux mémoires remarquables, de relier les observations par un lien philosophique et d’en conclure des faits nouveaux dignes d’attirer l’attention. » Parville (1866), Théorie du Soleil, p. 2.

138. Edmond Becquerel écrit, en tant que membre de la commission nommée pour se prononcer sur la création d’un observatoire d’astronomie physique, que « [...] la constitution physique du Soleil exige le concours, non-seulement de l’astronomie, mais encore d’observateurs ayant des connaissances en Physique, en Géologie, en Chimie et possédant à fond la pratique de la Spectroscopie. » Becquerel (1874), Opinion de M. Becquerel sur la création d’un observatoire d’astronomie physique, p. 1089.

139. Charlotte Bigg et David Aubin écrivent au sujet de Lockyer qu’il n’hésite pas à extrapoler ses expériences de laboratoire aux phénomènes solaires, dans une conception évolutionniste de l’Univers organique et inorganique. Comme pour Secchi, la spectroscopie et le concept de conservation de l’énergie l’ont convaincu de l’unité chimique dans l’Univers. Cette physique est en résonance avec la conception humboldtienne de la connaissance, cherchant à révéler les connections entre les phénomènes, et plus porté sur le global et le qualitatif, que sur l’approche mathématique. Lockyer rejette à ce titre l’obsession de l’astronomie de précision, préférant « the natural history of the heavens » de William Herschel. Voir Aubin & Bigg (2007), Neither genius nor context incarnate. Charlotte Bigg souligne par exemple que « Lockyer], like most early physicists [...] adopted a qualitative, literary, and aesthetic approach rather than a quantitative, mathematical approach to phenomena. » Bigg (2010), Staging the heavens, p. 308.

140. Brester (1892), Théorie du Soleil. Dans un compte rendu de ce livre, un auteur anonyme écrit « M. Brester s’efforce de montrer que sa théorie explique les phénomènes solaires dans leurs moindres détails. Il se propose de la faire suivre d’une théorie des étoiles, des nébuleuses et des comètes, fondées sur les mêmes principes. » Par cette affirmation, l’auteur circonscrit parfaitement ce mode d’explication en vigueur en astrophysique. On peut consulter également l’ouvrage posthume de Brester offrant une excellente synthèse de ses théories, quoique remaniées sensiblement par