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Le suivi longitudinal s'est déroulé sur près de trois ans, d'avril 1999 à février 2002. Les entretiens ont porté sur le ou les accidents du travail survenus, les procédures de reconnaissance engagées, la reconstitution du parcours professionnel et de l'histoire de la santé au travail des salariés rencontrés, et enfin, sur leur devenir professionnel depuis la survenue du dernier accident évoqué.

Nous présentons ici le déroulement de l'enquête et reviendrons sur la situation d'enquête (relation enquêteur-enquêté) au sous-chapitre suivant.

2.2.1 – Trois phases d'entretiens

Les 32 victimes d'accidents du travail ont été interrogées une première fois en 1999 dans le cadre d'un entretien semi-directif réalisé à leur domicile101 et d'une durée moyenne de une heure et demie. Parmi elles, 24 ont été à nouveau interrogées durant l'année 2001, de façon plus ponctuelle, par téléphone. Pour 10 d'entre elles, un nouvel entretien approfondi a eu lieu entre octobre 2001 et février 2002.

Ces trois phases de l'enquête (présentées synthétiquement dans un tableau pages suivantes) correspondent à différents niveaux de recueil des données :

* La phase 1, confondue avec la post-enquête menée pour la DARES, a porté non seulement sur la validation des questions DARES, mais aussi sur l'observation des logiques sociales en œuvre dans la déclaration des accidents et sur l'étude des conditions de survenue des accidents du travail, en tenant compte des contraintes liées à l'organisation du travail et des rapports sociaux inscrits dans l'histoire individuelle et collective des salariés accidentés. Cette première phase a concerné l'ensemble de la population de l'enquête (32 personnes) et s'est déroulée entre avril et juillet 1999.

Les entretiens étaient organisés suivant sept stades chronologiques : de l'accident à la reprise du travail. Le guide d'entretien (reproduit en Annexe 4) permettait de structurer l'échange, en laissant libre court à la discussion, permettant des retours entre un point et un autre. La démarche chronologique adoptée (7 stades) était cependant le plus souvent suivie. Il

est arrivé que les personnes rencontrées ne se souviennent plus de l'accident signalé dans l'enquête Conditions de travail de 1998. Connaître les réponses apportées à cette enquête était alors pour nous un point d'entrée dans l'entretien : nous avions la date et la description résumée de l'accident fournie par l'enquêteur de l'INSEE. Les questions posées au sujet des conditions de survenue étaient les plus factuelles possibles.

Le fait de procéder à la reconstitution des dossiers de reconnaissance, lorsque cela était possible, a en outre permis d'étayer les récits recueillis (sur le sentiment de non reconnaissance, notamment) par l'étude documentaire des différents courriers et expertises médicales liés aux conséquences médicales de l'accident.

En fin d'entretien, nous interrogions les personnes sur leur parcours-travail, c'est-à-dire sur l'ensemble des emplois exercés par les personnes depuis leur entrée sur le marché de l'emploi (en tenant compte du statut d'emploi, de la qualification, du contenu du travail), mais aussi des périodes d'interruption telle le chômage, les longs congés maladie, les congés de maternité, les congés parentaux, etc. Les temps de formation éventuels ou de reconversion sont également pris en compte. Nous faisions également le point sur l'ensemble des problèmes de santé au travail que les personnes avaient eus au long de leur vie. Pour les personnes ayant subi plusieurs accidents du travail, nous procédions par ordre chronologique, en suivant les étapes du guide d’entretien pour chaque accident, l'un après l’autre. D'emblée, certains des interviewés abordaient avec nous un ou plusieurs autres accidents survenus, hormis celui signalé dans l'enquête DARES.

D'une façon générale, parler d'un accident du travail passé renvoie à différentes attitudes, qui sont liées à la façon dont l'accident est survenu et à sa gravité. Nous revenons sur ce point au § 2.3

Entre la première et la deuxième phase, nous avons maintenu le contact avec les personnes, par l'envoi, en juillet 2000, d'un courrier les remerciant de leur participation, les informant des premiers résultats de l'enquête et leur annonçant la poursuite de l'enquête à venir. Nous avons joint à ce courrier une brève présentation des résultats de la première phase de l'enquête ainsi qu'un rappel du dispositif juridique (Annexe 2). Huit personnes étaient alors devenues injoignables (retour de courrier, coordonnées téléphoniques changées).

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Les phases 2 et 3 étaient consacrées au devenir des personnes, aux plans de la santé et de leur situation dans leur travail et dans l'emploi.

* La phase 2 a consisté en une relance téléphonique auprès des 24 personnes restées joignables. Cette relance s'est faite durant l'année 2001. Il s'agissait de questionner les personnes sur leur devenir professionnel et au plan de la santé depuis l'entretien de 1999. Pour celles dont la situation n'avait pas changé – ni en terme de santé, ni au plan professionnel – cet entretien téléphonique était alors la dernière prise de contact de l'enquête. En revanche, pour certains, ce nouvel entretien révélait de nouveaux accidents ou/et problèmes de santé liés au travail. Nous leur fixions alors un rendez-vous pour un autre entretien approfondi, à leur domicile (phase 3).

* La phase 3 a concerné 10 personnes, dont le parcours particulièrement "accidenté" et/ou fragilisé appelait à la réalisation d'un nouvel entretien approfondi. Cette phase s'est déroulée entre octobre 2001 et février 2002. Les entretiens, menés au domicile des personnes, ont duré de 1 heure, pour les plus courts, à 2 heures 30, pour les situations les plus complexes. Pour deux des personnes suivies, un quatrième entretien a eu lieu, du fait de la complexité de la situation et/ou d'un processus (de soin, de reconnaissance) encore en cours au moment du dernier entretien. C'est lors de cette phase que la reconstitution des dossiers administratifs (certificats médicaux, certificats d'aptitude, lettres du médecin, voire bulletin de salaire mentionnant la mission d'intérim effectuée, …) a le plus été réalisée102.

Le fait de retourner interroger ces personnes permettait de recueillir de nouveaux éléments sur le devenir "en temps réel" des personnes (changements professionnels, évolutions de la santé, nouveaux accidents, …), mais aussi de revenir sur d'autres événements, déjà abordés lors des entretiens précédents (un accident, une procédure de reconnaissance, une rupture professionnelle). La dimension longitudinale permet alors non seulement un approfondissement, mais aussi un contrôle. "Le temps qui passe joue le rôle d'une variable de contrôle des données recueillies sur le terrain"103. Ainsi pour l'un des accidentés rencontrés, nous avons pu revenir plus longuement sur un accident caractérisé par une fausse déclaration à la Sécurité sociale (version des faits "arrangée" à la demande de l'employeur). Lors du premier contact téléphonique et au tout début du premier entretien, le jeune ouvrier concerné

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Nous avons parfois pu faire les photocopies dans la foulée de l'entretien (photocopieur pas loin). Nous avons aussi souvent laissé de l'argent aux personnes pour payer les photocopies et l'envoi des pièces de dossier. Dans un seul cas, la personne n'a pas envoyé les documents.

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est en effet resté sur ce qu'il avait dit à l'enquêteur INSEE : "j'ai glissé sur un tuyau". A la fin de l'entretien, et surtout lors de la phase 3, cette personne est revenue sur les circonstances de l'accident et sur le fait qu'on l'ait "obligée" à donner cette version des faits, pour un accident en réalité lié à l'éboulement d'une tranchée non consolidée d'étais. Le temps d'une enquête longitudinale permet aussi d'instaurer un rapport de confiance.

S'il nous importait, dans la phase 1, de ne pas focaliser l'analyse sur les seuls cas problématiques ou plus "spectaculaires", le fait d’insister, dans la phase 3, sur les parcours marqués par une fragilisation dans la santé et/ou dans l'emploi permettait d'observer des situations particulièrement problématiques en terme de santé publique, au sens où il y a atteinte à la santé et risque d'exclusion.

Le tableau ci-dessous présente de façon synthétique les différentes phases de l'enquête.

AT – santé au travail Emploi, travail, organisation du travail Parcours-travail

Phase 1

(2ème trimestre 1999) 32 personnes interrogées

* 7 stades :

1/ La survenue de l'accident : description, contexte

2/ Juste après l'accident : actions, réactions des différents acteurs

(collègues, hiérarchie, CHSCT, médecine du travail, inspecteur du travail, …) 3/ Les logiques de déclaration de l'accident

4/ L'arrêt de travail et le processus de soins

5/ La reconnaissance de l'accident comme accident du travail

6/ L'indemnisation de l'accident et de ses séquelles éventuelles au titre des accidents du travail

7/ La reprise du travail.

* Autres problèmes de santé au travail (AT, rechute, problème chronique ou occasionnel, ...)

* Travail au moment de l'AT

- contexte travail

- info / consignes sur la sécurité - statut d'emploi et ancienneté

- marges de manœuvre

- collectif de travail

* Parcours travail (en fin d'entretien)

- âge sortie école, diplôme obtenu

- formation continue éventuelle

- emplois occupés

- éventuelles période de chômage

* Perspective envisagée

juillet 2000 : maintien du

contact Envoi d'un courrier à tous, avec synthèse de la phase 1 de l'enquête et annonce de la phase 2

Phase 2

(courant 2001) 24 personnes interrogées

* Evolution des procédures de reconnaissance en cours en 99 * Autres AT ou problèmes de santé éventuels depuis la phase 1

* Devenir professionnel depuis l'entretien 99 : - poste de travail

- statut d'emploi

- employeur

- qualification / formation nouvelle

Phase 3

(oct. 2001 – fév. 2002) 10 personnes interrogées

* Approfondissement sur les procédures de reconnaissance problématiques (ou en cours) (AT, IPP, COTOREP)

* Retour sur nouveaux AT ou problèmes de santé depuis 1999

* Retour sur dates charnières du parcours travail * Approfondissement sur les circonstances d'AT passés et/ou sur les conditions de travail en lien avec un problème de santé exprimé

2.2.2 – Analyse des récits

Nous avons opté pour une retranscription thématique des entretiens réalisés. Chaque retranscription s'est inscrite dans une grille reprenant les thèmes abordés dans l'entretien (reprenant les 7 phases construites dans le guide d'entretien). Le caractère chronologique du questionnement (de l'accident survenu aux conditions de la reprise) rendait cette retranscription quasiment linéaire le plus souvent.

Le nombre important d'accidents du travail étudiés dans l'enquête et la complexité de certaines des trajectoires de personnes "polyaccidentées" ont rendu le travail d'analyse et surtout celui de présentation des résultats parfois difficile. Nous avons choisi de procéder à une présentation très analytique pour les chapitre 3, 4 et 5, structurés autour d'un thème particulier, mais conduisant parfois à un sentiment "d'éclatement" des cas étudiés. Le chapitre 6, qui vient clôturer l'analyse, vient en même temps relier en quelque sorte les observations présentées auparavant.