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LES LIQUIDES IONIQUES, DES ÉLECTROLYTES PROMETTEURS POUR LES PROCÉDÉS ÉLECTROCHIMIQUES

II. Propriétés physico-chimiques des liquides ioniques

II.2. Température de fusion

La température de fusion d’un liquide ionique est une propriété capitale puisqu’elle va déterminer la possibilité d’utiliser ce sel à l’état liquide ou solide. C’est d’ailleurs cette propriété qui a été utilisée comme critère pour définir les liquides ioniques et les différencier des sels fondus. Le tableau 1 donne la température de fusion de quelques liquides ioniques classiques. On y remarque notamment que la température de fusion a tendance à diminuer lorsque qu’on augmente :

- La taille des ions,

- La longueur des chaînes alkyles greffées sur le cation, - L’asymétrie du cation.

Tableau 1 : Températures de fusion de quelques liquides ioniques (sauf indication contraire les données sont issues de Zhang et al. [25]).

Cation Anion Tf (K) Ref Cation Anion Tf (K) Ref

MMIm Cl 398,15 BMIm NTf2 269,15 Br 382,65 MMPyr 405,15 BF4 376,55 EMPyr 359,15 OTf 312,15 PMPyr 289,15 NTf2 299,15 BMPyr 255,15 BMIm Cl 341,95 N1111 406,15 OTf 289,15 N1114 280,15 PF6 282 [26] N2225 < 223,15 [27] N222(1O) 270,15 [27] P1111 423 [28] P2222 391,15 P2225 290,15

En effet, les points de fusion bas des liquides ioniques sont généralement dus à l’impossibilité pour les ions constitutifs de s’ordonner en un réseau compact [14]. En particulier les liquides ioniques composés de l’anion volumineux NTf2 présentent des températures de fusion

remarquablement basses ce qui justifie l’utilisation très courante de cet anion durant ces 20 dernières années. Les températures de fusion s’avèrent encore inférieures lorsqu’on utilise l’anion 2,2,2-trifluoro-N-(trifluorométhylsulfonyl)acétamide (([(CF3SO2)(CF3CO)N]−,TSAC) [29].

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II.3.

Viscosité

L’un des principaux inconvénients de l’utilisation des liquides ioniques dans les différentes opérations unitaires du génie chimique est leur grande viscosité. Elle est 2 à 3 ordres de grandeur plus importante que celle des solvants moléculaires classiques et s’étend sur une échelle de 20 à 1000 mPa.s, ce qui rend leur manipulation parfois délicate. Cette propriété est d’autant plus importante lorsqu’on étudie les applications en électrochimie car elle a un effet direct sur les phénomènes de transport de masse et donc sur la conductivité. Comme beaucoup de propriétés des liquides ioniques, la viscosité dépend de la quantité d’eau dans le liquide ionique. Ainsi, selon le niveau de séchage, les résultats obtenus pour un même liquide ionique peuvent varier grandement. Il est donc difficile de comparer des données issues de différentes études. Quelques grandes tendances semblent tout de même se dégager en recoupant les nombreuses données disponibles dans la littérature. Globalement, l’augmentation de l’ordre et de la cohésion au sein du solvant (liaisons hydrogène et forces de van der Waals) augmente la viscosité. On peut donc souligner, à partir de ce constat, certains facteurs qui ont une influence importante sur la viscosité. Le tableau 2 donne les viscosités et les conductivités de quelques liquides ioniques de la famille des imidazoliums avec différents anions. Le tableau 3 permet quant à lui de comparer différents cations pour le même anion NTf2.

II.3.1. Influence de l’anion

La viscosité diminue en général lorsque la taille de l’anion augmente. Il semblerait que les anions de petites tailles, symétriques et légers pour lesquels la charge est très localisée forment des liquides ioniques particulièrement visqueux. Dans le tableau 2, on note que les liquides ioniques les plus visqueux sont ceux constitués de l’anion PF6 alors que les moins visqueux le sont de l’anion NTf2.

Comme pour la température de fusion, la viscosité diminue lorsque l’anion TSAC est utilisé. Ce dernier semble donc intéressant pour l’obtention de liquides ioniques ayant une faible température de fusion et une faible viscosité. La plus faible viscosité, rapportée pour le liquide ionique [EMIm][TSAC], est de 25 mPa.s [30]. L’anion (fluorosulfonyl)(pentafluoroéthanesulfonyl)imidure ([(FSO2)(C2F5SO2)N]−, FPFSI) permet également de diminuer légèrement la viscosité [31].

Bien que l’anion NTf2 soit le plus couramment utilisé, la recherche de nouveaux anions

permettant de synthétiser des liquides ioniques peu visqueux et liquides à température ambiante est très développée. On peut, par exemple, citer les tris(perfluoroalkyl)trifluorophosphate (FAP) [32] ainsi que les perfluoroalkyltrifluoroborates (RFBF3- avec RF = CnF2n+1) [33, 34]. Enfin, des liquides

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des viscosités plus faibles que leurs homologues constitués de l’anion NTf2. Le liquide ionique

[BMPy][DCA] a, par exemple, une viscosité de 45,3 mPa.s contre 67,2 mPa.s pour [BMPy][NTf2].

II.3.2. Influence du cation

L’influence du cation sur la viscosité est secondaire comparée à celle de l’anion. On observe cependant, comme en témoigne le tableau 2 dans le cas des cations imidazolium, que l’augmentation de la longueur des chaînes alkyles entraîne le plus souvent une augmentation des forces de van der Waals et donc une augmentation de la viscosité. Toutefois, sur la base du tableau 3, il apparaît que le greffage de chaînes peut conduire à la diminution de la viscosité.

Tableau 2 : Viscosités (η) et conductivités électriques (σ) à 25°C de quelques liquides ioniques de

la famille des imidazoliums (sauf indication contraire les données sont issues de Zhang et al. [25])

Tableau 3 : Viscosités (η) et conductivités électriques (σ) à 25°C de quelques liquides ioniques

avec l'anion bis(trifluorométhylsulfonyl)imidure

Cation η (mPa.s) σ (mS.cm-1) Ref BMIm 54,5-69 4,0 [25] BMMIm 88 [36] Me3S 44 8,2 [37] Et3S 30 7,1 [37] Bu3S 75 1,4 [37] PMPyr 63 1,4 [25] BMPyr 85 2,2 [25] PMPip 117 1,51 [38] N1113 72 3,3 [25, 38] N4111 116 1,4 [25, 38] N2225 172 0,98 [27] N222(1O1) 69 3,00 [27] P2225 88 1,73 [27]

Chen et al. [39] ont étudié l’influence de groupements éthérés sur la viscosité. Il semble que la présence de l’oxygène, pour une même longueur de chaîne alkyle, permette d’augmenter le volume libre au sein du liquide ionique et donc de faciliter les phénomènes de transport de masse. Cet effet est également expliqué, à partir de calculs de dynamique moléculaire, par les plus faibles interactions entre chaînes alkoxy par rapport aux interactions existantes entre les chaînes alkyles [40]. Il est surprenant de constater que certaines chaînes éthérées sur des cations imidazolium ont l’effet

Cation Anion η (mPa.s) σ (mS.cm-1) EMIm BF4 37-66,5 13,1-15,8 NTf2 28-34 9,2 TSAC 24 9,78 BMIm PF6 308 1,0-1,46 NTf2 54,5-69 4,0 OTf 90 2,9 BF4 154 3,5 HexMIm PF6 560-585 NTf2 87,3* BF4 314 OctMIm PF6 682-710 NTf2 119 BF4 135 BMMIm NTf2 88 [36] BF4 243 [36]

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inverse [39, 41, 42]. En fait, l’évolution des propriétés physico-chimiques des liquides ioniques en fonction de leur structure dépend de l’équilibre entre la contribution des forces inductives et des forces électrostatiques et ne suit pas, en général, une tendance bien définie.

II.3.3. Influence de la température

La température a l’effet le plus marqué sur la viscosité : la viscosité diminue lorsque la température augmente. Comme l’illustre la figure 6, il s’agit d’une décroissance exponentielle et différentes équations ont été proposées pour modéliser cette évolution (équations 1 à 3) [20, 36].

- Pour les liquides ioniques ayant des cations asymétriques non fonctionnalisés, on observe un comportement de type Arrhenius :

𝜂 = 𝐴𝑒𝑅𝑇𝐵 (loi de Guzman-Andrade) Équation 1

- Pour les liquides ioniques avec des cations petits et symétriques : 𝜂 = 𝐴𝑒

𝐵

𝑇−𝑇0 (équation de Vogel-Tamman-Fulcher) Équation 2

Le modèle de Vogel-Tamman-Fulcher s’avère être le plus souvent valide dans la littérature.

- Pour des liquides ioniques avec le cation N-N-diéthyl-N-méthyl-N-(2- méthoxyéthyl)ammonium, (N221(2O1)) [43] :

𝜂 = 𝐴𝑒𝑇3𝐵 (équation de Litovitz) Équation 3

A, B et T0 sont des paramètres ajustables déterminés par une régression à partir de données

expérimentales.

Figure 6 : Évolution de la viscosité en fonction de la température pour [BMIm][PF6] [25].