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ÉTUDE ÉLECTROCHIMIQUE ET SPECTROSCOPIQUE DU COUPLE Eu(III)/Eu(II) DANS LE LIQUIDE IONIQUE

III. Électrolyse d’une solution d’europium(III) dans le liquide ionique [EMIm][NTf 2 ]

III.4. Suivi XANES

Afin de compléter notre connaissance de la structure des complexes de Eu(III) et de Eu(II) en solution, la même réaction d’électrolyse a été suivie par spectroscopie d’absorption des rayons X. Les mesures ont été réalisées in situ sur la ligne MARS du synchrotron SOLEIL grâce à la cellule spectro- électrochimique décrite dans le chapitre A.2, paragraphe IV.2.1. La cellule est préparée et scellée en boîte-à-gants sous atmosphère inerte puis transportée jusqu’au synchrotron SOLEIL (Saint-Aubin). L’électrolyse de la solution de Eu(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] à -0,48 V vs Fc+/Fc a ainsi pu être

suivie. L’électrolyse est démarrée une fois la cellule installée sur la ligne de mesure.

III.4.1. Effet du faisceau

La figure 73 montre les spectres XANES qui sont enregistrés au seuil L3 de l’europium avant

électrolyse puis après 6h30 et 6h50 d’électrolyse. Le seuil d’absorption de Eu(III) dans ces conditions est situé à 6982,5 eV. La formation de Eu(II) est détectée après 6h30 d’électrolyse comme en témoigne l’apparition du seuil d’absorption vers 6974,5 eV. Toutefois, le spectre enregistré à la suite pour la même position du faisceau de rayons X dans la cellule et dans les mêmes conditions montre une diminution du signal de Eu(II) et une augmentation de celui de Eu(III). Il s’agit là d’un effet de photo-oxydation de Eu(II) en Eu(III) sous le faisceau de rayons X. Cet effet du faisceau est classique et a déjà été observé par Fieser et al. qui utilisent un faisceau défocalisé pour étudier des solides contenant du Sm(II) [170]. Expérimentalement, l’utilisation de feuilles d’aluminium pour atténuer le faisceau a permis d’atteindre une proportion maximale de Eu(II) d’environ 50 %.

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Figure 73 : Spectres XANES d'une solution de Eu(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] enregistrés au seuil L3 de

l’europium avant (ligne noire) et après 6h30 (ligne bleue) et 6h50 (ligne rouge) d'électrolyse à -0,48 V vs Fc+/Fc à

température ambiante ([H2O] # 500 ppm i.e. 42 mM). Les spectres bleu et rouge sont enregistrés successivement et

l’écart de 20 minutes entre les deux correspond à la durée d’un scan.

Il est à noter que malgré l’utilisation de la cellule spectro-électrochimique à double-enceinte, le contrôle de la concentration d’eau dans le liquide ionique est délicat. La concentration d’eau ne peut être dosée qu’avant la préparation de la cellule au laboratoire du CEA Marcoule et qu’après une semaine d’expériences, lors du retour au laboratoire. Pour une concentration d’eau initiale de 14 ppm (1,2 mM), la solution contient 1781 ppm (150 mM) d’eau après 8 jours. En faisant l’approximation que la concentration d’eau évolue de manière linéaire avec le temps, il est ainsi possible d’estimer la concentration d’eau durant la mesure.

III.4.2. Influence du potentiel : écart à la loi de Nernst

Afin de limiter l’effet du faisceau, des spectres ont été enregistrés avec une intensité de faisceau 5 fois inférieure (mode de remplissage 8-bunch) et en n’enregistrant les spectres qu’après électrolyse exhaustive. De plus, la cellule est cette fois préparée dans la boîte-à-gants à disposition sur place. Cela a permis d’obtenir, après 6 h d’électrolyse à -0,48 V vs Fc+/Fc, des proportions de Eu(II) bien

supérieures à celles déterminées précédemment. La figure 74 montre 4 spectres enregistrés successivement au seuil L3 à des positions du faisceau de rayons X différentes sur la cellule.

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Figure 74 : Spectres XANES d'une solution de Eu(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] enregistrés au seuil L3 de

l'europium après 6 h d’électrolyse à -0,48 V vs Fc+/Fc à température ambiante pour différentes positions du faisceau sur

la cellule ([H2O] # 60 ppm i.e. 5,1 mM)

Lorsque le potentiel est modifié progressivement vers des valeurs plus anodiques, on observe bien la réoxydation de Eu(II) en Eu(III) (figure 75).

Figure 75 : Spectres XANES d'une solution de Eu(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] enregistrés au seuil L3 de

l'europium à différents potentiels imposés et à température ambiante ([H2O] # 60 – 200 ppm). Les spectres ont été

moyennés sur différentes positions du faisceau sur la cellule

Du fait de la faible intensité du faisceau, les spectres sont particulièrement bruités et la normalisation est imparfaite. En effet, la présence d’un signal parasite lié au fer (dont le seuil d’absorption K se situe vers 7112 eV) impose d’arrêter les scans à 7100 eV. La partie EXAFS de ces spectres n’est donc pas exploitable et la normalisation est délicate. Néanmoins, la proportion de Eu(II) étant plus importante, la déconvolution par soustraction de la composante Eu(III) grâce au

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spectre de référence donne des résultats très satisfaisants pour la partie XANES. Il est donc possible, pour chaque spectre, de déterminer des ratios Eu(III)/Eu(II) et de tracer ainsi la variation du logarithme de ce ratio en fonction du potentiel imposé. Il s’agit d’une méthode utilisée pour déterminer des potentiels redox à partir de la loi de Nernst [97] et c’est avant tout pour ça qu’elle a été mise en œuvre. Il faut toutefois noter que la géométrie de la cellule ne permet pas d’imposer sur l’ensemble de l’électrode volumique le potentiel de -0,48 V vs Fc+/Fc. D’ailleurs, une comparaison de

ces données avec la loi de Nernst calculée pour un potentiel standard apparent de 0,18 V vs Fc+/Fc

(déterminé par voltampérométrie cyclique) peut être effectuée. Les résultats sont réunis sur la figure 76 et montrent un écart conséquent à la loi de Nernst. L’europium au degré d’oxydation +III se reforme en plus grande quantité qu’attendu. En plus de l’inhomogénéité du potentiel imposé dans la cellule, il s’agit probablement là encore d’un effet du faisceau. En effet, malgré l’intensité réduite de ce dernier (mode de remplissage 8-bunch), l’enregistrement répété de spectres durant plusieurs heures engendre tout de même un effet de photo-oxydation. Le faisceau peut, par ailleurs, engendrer la dégradation progressive du liquide ionique et l’accumulation d’espèces oxydantes en solution [171].

Figure 76 : Évolution de la proportion de Eu(III) en solution en fonction du potentiel imposé, écart entre les points expérimentaux (marqueurs bleus, les cercles correspondent à la valeur moyenne) et la loi de Nernst calculée pour un

potentiel standard apparent de de 0,18 V vs Fc+/Fc (droite rouge).

En quantifiant l’écart à la loi de Nernst, il est possible d’estimer, pour chaque potentiel, la proportion de Eu(III) qui est formée par la réaction électrochimique à l’électrode et la proportion liée aux effets photochimiques. La figure 77 représente l’évolution de la proportion totale de Eu(III) dans

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la cellule au fur et à mesure des enregistrements. Cette proportion est la somme de la contribution du faisceau et de celle de la réaction d’électrolyse. Ces deux contributions sont également représentées. Cette figure semble montrer que la contribution de l’électrolyse n’apparaît qu’à partir de 0,09 V vs Fc+/Fc. La contribution du faisceau suit quant à elle une variation linéaire avec le nombre

de spectres enregistrés. Cette variation est attendue puisque la durée d’enregistrement d’un spectre et donc la dose déposée par le faisceau sont constantes. Il faut de nouveau souligner le fait que ce traitement suppose l’application homogène d’un potentiel contrôlé sur toute l’électrode volumique, ce qui n’a pas pu être vérifié.

Figure 77 : Proportion de Eu(III) dans la cellule en fonction de nombre de spectres enregistrés et contributions des différents phénomènes à la formation de Eu(III) : contribution de l’électrolyse (■), contribution du faisceau (

)et somme

des deux contributions (Δ)

III.4.3. Spectre XANES de référence pour Eu(II) seul

L’expérience détaillée dans le paragraphe précédent a produit 40 spectres différents auxquels il a été possible d’appliquer la méthode de déconvolution décrite au chapitre A.2, paragraphe IV.2.2. Cette méthode a permis d’extraire un spectre XANES de Eu(II), représenté avec le spectre de référence de Eu(III) sur la figure 78. Des combinaisons linéaires de ces deux spectres ont permis de reproduire de manière satisfaisante les 40 spectres expérimentaux. Un exemple est donné figure 79. Le spectre de Eu(II) déterminé par cette méthode peut donc être considéré comme une bonne estimation du spectre réel. Il sera désormais utilisé comme spectre de référence pour les prochains traitements.

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Figure 78 : Spectres XANES de référence de Eu(III) enregistré au seuil L3 de l’europium dans une cellule standard (en

rouge) et spectre de Eu(II) calculé (en bleu) pour une concentration d’europium de 0,05 M dans [EMIm][NTf2].

Figure 79 : Spectre XANES d'une solution de Eu(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] enregistrés au seuil L3 de

l'europium à 0,13 V vs Fc+/Fc et spectre reproduit à partir des spectres de référence.

Le spectre obtenu permet, dans un premier temps, de déterminer une énergie de 6974,5 eV pour le seuil d’absorption L3 de l’europium au degré d’oxydation +II dans le liquide ionique [EMIm][NTf2].

L’écart entre les seuils d’absorption de Eu(III) et Eu(II) est de 8 eV, en bon accord avec les données publiées par Antonio et al. en milieu sulfurique [97]. Le rapport d’intensité entre les deux raies IEu(III)/IEu(II) a été évalué à 0,9 dans cette étude contre 1,4 pour l’étude réalisée par Antonio [97]. Cette

différence n’est pas surprenante puisque ce rapport varie avec l’environnement de l’atome absorbeur. Takahashi et al. [98] étudient la variation du coefficient R défini comme :

𝑅 = 𝑀𝐼𝐼/𝐼𝐼𝐼 𝐴𝐼𝐼/𝐼𝐼𝐼

Équation 46