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Influence des impuretés sur les propriétés physico-chimiques Les impuretés issues de la synthèse ou de l’exposition à l’humidité de l’air ambiant peuvent avoir,

LES LIQUIDES IONIQUES, DES ÉLECTROLYTES PROMETTEURS POUR LES PROCÉDÉS ÉLECTROCHIMIQUES

II.8. Influence des impuretés sur les propriétés physico-chimiques Les impuretés issues de la synthèse ou de l’exposition à l’humidité de l’air ambiant peuvent avoir,

même à l’état de traces, des conséquences notables sur les propriétés physico-chimiques des liquides ioniques. Parmi ces impuretés, l’eau occupe un rôle dominant de par l’hygroscopie de ces solvants.

II.8.1. Influence de l’eau

La présence d’eau dans les liquides ioniques a pour effet, comme dit précédemment, de diminuer la viscosité, d’augmenter la conductivité et de diminuer la fenêtre électrochimique [44, 53, 77]. La présence d’eau catalyse les réactions de dégradation des ions du liquide ionique [51]. Le tableau 7 montre la diminution de la fenêtre électrochimique sans étape de séchage. De plus, durant une

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électrolyse la présence d’eau peut engendrer des réactions cathodiques parasites qui diminuent le rendement faradique [78]. Il s’agit donc d’un paramètre particulièrement important qu’il s’agira de mesurer avant et après chaque expérience pour vérifier que le liquide ionique n’a pas réabsorbé de l’eau durant l’expérience. Une fois séchés, la manipulation des liquides ioniques devra se faire dans une boîte-à-gants sous atmosphère contrôlée non-humide (Ar, N2…) pour éviter tout contact avec

l’humidité de l’air ambiant.

On peut noter ici que le liquide ionique [OMPyr][NTf2]présente une faible hygroscopie qui

permettrait d’électrodéposer du lanthane métallique sans avoir à manipuler sous atmosphère inerte [79].

Tableau 7 : Limites cathodiques et anodiques (en V vs Fc+/Fc) des fenêtres électrochimiques de 12 LIs séchés sous

vide durant 90 minutes ou utilisés sans séchage ni purification pour une densité de courant de coupure de 5 mA.cm-2 [53]

Liquide ionique Séché sous vide Sans séchage

E cathodique E anodique ΔE E cathodique E anodique ΔE

[P14,6,6,6][NTf2] -2,8 +2,6 5,4 -1,9 +2,1 4,0 [BMPyrr][NTf2] -3,2 +1,4 5,2 -2,0 +2,6 4,6 [HMIm][FAP] -2,4 +2,4 4,8 -1,7 +2,0 3,7 [BMIm][NTf2] -2,7 +2,3 5,0 -1,5 +2,0 3,5 [BMMIm][NTf2] -2,7 +2,5 5,2 -2,1 +2,3 4,4 [N6222][NTf2] -3,0 +2,4 5,4 -2,4 +2,2 4,6 [BMIm][PF6] -2,9 +2,1 5,0 -2,1 +2,4 4,5 [EMIm][NTf2] -2,4 +2,2 4,6 -2,0 +1,7 3,7 [BMIm][BF4] -2,8 +2,3 5,1 -2,0 +2,0 4,0 [BMIm][I] -2,1 +0,1 2,2 -2,0 +0,1 2,1 [BMIm][OTf] -2,8 +2,3 5,1 -2,6 +2,2 4,8 [HMIm][Cl] -2,7 +0,6 3,3 -2,7 +0,6 3,3

II.8.2. Influence de l’oxygène

L’oxygène doit être proscrit pour les applications électrochimiques car il se réduit en anion superoxyde à environ -1,2 V vs Fc+/Fc [80–82], engendrant ainsi des réactions chimiques et

électrochimiques parasites. Cela justifie d’autant plus la manipulation en boîte-à-gants inertée ainsi que le bullage de gaz inerte comme l’argon préalablement aux mesures électrochimiques. Les réactions de réduction de l’oxygène dans les liquides ioniques seront discutées plus en détails dans la partie B.

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II.8.3. Influence d’autres impuretés

Outre l’eau et l’oxygène, ce sont principalement les halogénures, introduits en général lors de la synthèse, qui sont susceptibles de perturber le signal en s’oxydant à l’anode [83]. Toutefois, dans le cas de procédés d’électrolyse, la présence de quantités stœchiométriques d’halogénures permet d’avoir une réaction d’anode compatible qui ne dégrade pas le liquide ionique lui-même.

La présence d’azote mène, quant à elle, à l’apparition de pics de réduction vers -2,5 V vs AgI/Ag

qui pourrait correspondre à la réduction de l’azote en nitrure [82]. Toutefois ces mêmes auteurs ont observé quelques pics dans la zone de potentiel de 0 à -1,5 V vs AgI/Ag attribués à des impuretés

inconnues, ce qui semble indiquer l’utilisation d’un liquide ionique non purifié.

Conclusion

Les propriétés physico-chimiques des liquides ioniques leur valent souvent d’être classés parmi les solvants dits « verts ». De plus, leur fenêtre électrochimique pouvant atteindre une amplitude de plus de 6 V et leur bonne conductivité en font des candidats de choix pour le développement de procédés électrochimiques. Enfin, leur grande modularité permet, en théorie, de trouver un liquide ionique adéquat pour une utilisation donnée. Toutefois, ce nombre quasi-infini de combinaisons rend très difficile le choix d’un liquide ionique. En effet, la compréhension actuelle des interactions mises en jeu aussi bien entre les ions du liquide ionique eux-mêmes qu’entre le liquide ionique et un soluté ou encore entre le liquide ionique et un matériau d’électrode ne permet pas de prédire le comportement de ces solvants. Si quelques grandes tendances se dégagent qui permettent de sélectionner, pour une application donnée, quelques familles d’intérêt, une étude au cas par cas reste nécessaire pour pouvoir prendre en compte toutes les propriétés physico-chimiques et connaître leur variation en fonction des différents paramètres clefs (température, pression, hygrométrie…).

Dans le cas d’une utilisation dans des procédés électrochimiques, deux familles de cations sont privilégiées : imidazoliums et ammoniums quaternaires linéaires. Parmi ces familles, certaines ramifications et certains greffages de fonctions chimiques permettent d’atteindre des propriétés très satisfaisantes soit en termes de viscosité et conductivité, soit en termes de capacité de solubilisation des cations métalliques comme les terres rares. Les ammoniums quaternaires fonctionnalisés par des chaînes dialkoxy constituent, par exemple, des électrolytes intéressants [41]. Ainsi, le cation N221(2O1)

semble particulièrement indiqué pour des applications en électrochimie. De manière plus générale, le greffage de fonctions éthers a tendance à diminuer la viscosité tout en conservant l’étendue de la fenêtre électrochimique. Ces fonctionnalisations semblent donc bénéfiques pour les applications

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électrochimiques. À la lecture de la littérature, d’autres familles pourraient s’avérer intéressantes pour des applications en électrochimie et en particulier les bistriflimidures de guanidiniums qui présentent des viscosités de l’ordre de 50 mPa.s et des fenêtres électrochimiques allant de -2,1 à +2,1 V vs AgI/Ag [84, 85].

L’anion le plus couramment utilisé en électrochimie est l’anion bis(trifluorométhylsulfonyl)imidure. Il forme des liquides ioniques ayant une viscosité de 28 à 120 mPa.s, une conductivité de 1,4 à 9,2 mS.cm-1 et une fenêtre électrochimique de 4,6 à 5,4 V. C’est cet

anion qui sera retenu dans le cadre de ce travail. Il pourrait toutefois être intéressant d’explorer les propriétés des anions TSAC, FAP et DCA. Il s’agira alors dans certains cas de les synthétiser puisqu’ils ne sont pas tous disponibles commercialement.

Cette étude préliminaire met en exergue quelques points auxquels il faudra être particulièrement vigilant afin de manipuler au mieux les liquides ioniques et d’obtenir des résultats exploitables. Il a notamment été observé que la présence d’eau et d’oxygène dissous dans le liquide ionique réduisait nettement la fenêtre électrochimique. Il faudra garder à l’esprit la structure complexe de ces milieux lors de l’utilisation des techniques d’électrochimie analytiques classiques puisque les hypothèses qui commandent aux équations utilisées dans les solvants moléculaires classiques ne sont pas toujours vérifiées dans le cas des liquides ioniques. C’est la viscosité importante de ces milieux qui engendre le plus d’écart aux hypothèses simplificatrices. En effet, cette dernière a une influence sur tous les phénomènes de transport de masse et donc sur la diffusion des solutés du cœur de la solution jusqu’à l’électrode, le réarrangement de la double-couche électrochimique lors de la polarisation de l’électrode ou encore le réarrangement de la sphère de coordination lors du transfert électronique.

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CHAPITRE A.2

MISE EN ŒUVRE EXPÉRIMENTALE DES ÉTUDES