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Cinétique de formation de la couche d’oxyde : influence du temps de polarisation

COMPORTEMENT ÉLECTROCHIMIQUE DES ÉLECTRODES

I. Comportement électrochimique des électrodes usuelles dans le liquide ionique [N 4111 ][NTf 2 ] sec

I.1.1. Cinétique de formation de la couche d’oxyde : influence du temps de polarisation

La cinétique de la réaction d’oxydation du platine a été étudiée en appliquant un potentiel de +2,3 V vs Fc+/Fc à l’électrode de travail pendant différentes durées avant de procéder à un balayage

en potentiel de +2,3 V à -0,9 V. Comme le montre la figure 25, la charge intégrée sous le pic de réduction (2) varie de manière logarithmique avec le temps d’électrolyse à +2,3 V. Ce comportement est en accord avec celui observé pour l’oxydation et la réduction de l’oxyde de platine [112]. Le même comportement est observé par Walsh et al. [104] dans le liquide ionique trifluoromethanesulfonate de diéthylméthylammonium ([dema][OTf]).

Par ailleurs, il peut être remarqué sur les voltampérogrammes de la figure 24 que la charge intégrée sous le pic de réduction à 0,6 V est bien inférieure à la charge intégrée sous le pic d’oxydation. Toutefois, le choix de la ligne de base pour l’intégration du signal en oxydation étant arbitraire il est difficile de donner une analyse quantitative de ces charges avec une erreur raisonnable. Néanmoins, la charge intégrée en oxydation est systématiquement supérieure à celle

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intégrée en réduction. Deux hypothèses peuvent être formulées pour expliquer cette différence. Soit l’une des étapes de formation de l’oxyde de platine est irréversible, soit une autre réaction d’oxydation entre en compétition avec la formation de l’oxyde de platine. Or, la réduction incomplète de la couche d’oxyde formée devrait mener à la croissance d’un film d’oxyde et à la passivation progressive de l’électrode au fur et à mesure des cycles qui n’est pas observée. Ainsi cette différence de charge est attribuée à l’oxydation de l’eau en dioxygène (équation 26) en compétition avec la formation de l’oxyde de platine :

𝐻2𝑂 ⟶ 1

2𝑂2+ 2 𝐻

++ 2 𝑒Équation 26

L’oxygène formé lors de cette réaction n’est pas réduit lors du balayage retour entre +2,3 et -0,5 V vs Fc+/Fc, ce qui n’est pas surprenant puisque la réduction de l’oxygène en ion superoxyde a été étudié

en milieu liquide ionique et intervient vers -1,2 V vs Fc+/Fc [80, 113]. La formation de l’oxygène et

celle de l’oxyde de platine ayant lieu sur la même plage de potentiel, il est difficile de préciser si la réaction d’oxydation de l’eau a lieu sur la surface de platine ou sur une couche d’oxyde conductrice.

Figure 25 : Charge intégrée sous le pic (2) en fonction du temps d'électrolyse à 2,3 V vs Fc+/Fc (balayage en potentiel

à 100 mV/s de 2,3 V à -0,9 V après électrolyse). Données enregistrées à une électrode de platine disque (A = 0,0314 cm²) à 40°C.

On remarque également une corrélation entre la vague d’oxydation (1a) et l’apparition des pics (3a) et (4a) situés à 0 V vs Fc+/Fc. Par analogie avec les études menées sur électrode de platine en

milieu H2SO4 aqueux, ces pics sont attribués respectivement à l’adsorption et la désorption des

protons sur la surface de platine [102, 103]. Cette interprétation est cohérente avec les réactions proposées précédemment. En effet, lorsque l’électrode est polarisée positivement, des molécules d’eau se concentrent à l’interface électrode/électrolyte. La formation d’oxyde de platine et l’oxydation directe des molécules d’eau en dioxygène vont former des protons susceptibles de

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s’accumuler dans la couche de diffusion et donc d’interagir avec la surface de platine. Comme dans le cas de l’acide sulfurique, l’observation de ces signaux est aussi la conséquence de l’activation de l’électrode de platine par l’application de cycles successifs d’oxydation et de réduction qui permettent de former une surface de platine renouvelée et homogène. Dans H2SO4 0,5 M, on

observe différents pics d’adsorption et de désorption liés à des protons plus ou moins fortement adsorbés sur la surface de platine [114]. Clavilier et al. attribuent également ces différents pics l’adsorption de protons sur différents sites cristallographiques du platine[90, 115, 116]. Dans le cas présent, pour un potentiel de renversement anodique Ea supérieur à 1,7 V vs Fc+/Fc, un épaulement

noté (4b) apparaît et son intensité augmente à mesure qu’on augmente Ea. Cet épaulement peut

donc être attribué à la désorption (équations 28 et 29) de protons faiblement (𝐻𝑎𝑑𝑠, 𝑤 ) ou fortement (𝐻𝑎𝑑𝑠, 𝑠 ) adsorbés, selon l’équation 27, sur la surface de platine :

𝐻++ 𝑒− ⟶ 𝐻𝑎𝑑𝑠, 𝑤,𝑠 Équation 27

𝐻𝑎𝑑𝑠, 𝑤 ⟶ 𝐻++ 𝑒Équation 28 𝐻𝑎𝑑𝑠, 𝑠 ⟶ 𝐻++ 𝑒Équation 29 Il est à noter que dans ces conditions, on ne discerne pas les deux types de protons sur le signal d’adsorption. Lorsque le balayage en potentiel est limité à +1,0 V vs Fc+/Fc, ces signaux disparaissent

peu à peu puisque la formation de protons lors de l’oxydation de l’eau n’a plus lieu. De plus, l’électrode est susceptible de se désactiver, par exemple par adsorption d’un cation du liquide ionique à sa surface.

I.2. Cas de l’or

La figure 26 montre les voltampérogrammes enregistrés à une électrode d’or en augmentant le potentiel de renversement anodique Ea. On remarque de nombreuses similitudes avec les

observations faites à une électrode de platine. On attribue les pics (1a’) et (2’) respectivement à la formation d’oxyde d’or et à sa réduction. Comme pour le platine, l’intensité du pic (2’) augmente lorsqu’on augmente Ea au-delà de 1,7 V vs Fc+/Fc, confirmant ainsi la formation progressive d’une

couche d’oxyde d’or à ces potentiels. Malgré l’absence de propriétés catalytiques de l’or vis-à-vis de la réduction des protons et de l’oxydation de l’hydrogène, on remarque tout de même l’apparition des signaux (3’) et (4’) respectivement à -0,35 et +0,04 V vs Fc+/Fc pour les valeurs de E

a supérieures

à 1,7 V vs Fc+/Fc. Ils sont toutefois moins intenses et le couple n’est pas réversible comme sur

platine. Il est intéressant de remarquer que les similitudes entre les comportements électrochimiques de ces deux matériaux d’électrode sont plus importantes dans [N4111][NTf2] qu’en

solution aqueuse d’acide sulfurique (figure 22). Le tableau 9 récapitule, à la fin de ce chapitre, toutes les valeurs relevées en voltampérométrie cyclique pour l’or et le platine.

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Figure 26 : Voltampérogrammes enregistrés dans [N4111][NTf2] ([H2O] = 15 ppm, i.e. 1,2 mM) à une électrode de Au

(A = 0,0314 cm²) en régime de diffusion naturelle à 40°C et 100 mV/s pour différentes valeurs de potentiel de renversement anodique Ea.