• Aucun résultat trouvé

Comportement électrochimique du cérium en présence d’ions chlorure

ÉTUDE ÉLECTROCHIMIQUE ET SPECTROSCOPIQUE DU COUPLE Ce(IV)/Ce(III) DANS LE LIQUIDE IONIQUE

II. Comportement électrochimique du cérium dans le liquide ionique [EMIm][NTf 2 ] en présence d’ions chlorure

II.2. Comportement électrochimique du cérium en présence d’ions chlorure

Lorsque des ions chlorure sont ajoutés sous forme de [EMIm][Cl] à une solution contenant 0,05 mol/L de Ce(NTf2)3, la solution se trouble progressivement. Cette turbidité disparaît lorsqu’on ajoute

6 équivalents ou plus d’ions chlorure à la solution (figure 91). Ce phénomène, déjà observé dans la littérature est attribué à la formation de CeCl3 peu soluble dans le liquide ionique :

151

Figure 91 : Aspect des solutions pour différentes concentrations d’ions chlorure ajoutés.

Le produit de solubilité de CeCl3 dans ce milieu peut être estimé grâce l’équation 56 en

considérant les concentrations lors de l’apparition visuelle du premier grain de solide :

𝐾𝑠= [𝐶𝑒3+]. [𝐶𝑙−]3 Équation 56

Or, l’aspect trouble de la solution n’est clairement observé qu’à partir de l’ajout d’un demi- équivalent de Cl-. La constante de solubilité est donc inférieure à 7,8.10-7 M. Ceci est en contradiction

avec les observations de la littérature. L’apparition du précipité n’est observée par Hussey et al. [156] qu’à partir de 3,2 équivalents, ce qui donne une constante de solubilité de 2,7.10-3. Des prises

d’essais de 5 mL des solutions obtenues pour l’ajout de 1, 2, 3, 4 et 5 équivalents d’ions chlorure sont centrifugées et le solide est séparé puis pesé. Le liquide ionique ne pouvant être aisément évaporé, on pèse le solide encore imprégné de liquide ionique. La variation de la masse de précipité en fonction du nombre d’équivalents d’ions chlorure ajoutés peut tout de même être suivie et est présentée sur la figure 92.

Figure 92 : Masse de précipité (imprégné de liquide ionique) obtenu en fonction du nombre d'équivalents d'ions chlorure ajoutés dans une solution intiale de Ce(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2].

La quantité de précipité augmente jusqu’à 4 équivalents puis diminue pour s’annuler à 6 équivalents. Cela semble indiquer la formation d’une espèce soluble présentant une stœchiométrie de 6 atomes de chlore pour un atome de cérium. Pour des ratios

152 n(Cl-)/n(Ce3+) compris entre 4 et 6, le précipité de CeCl

3 se redissout peu à peu selon l’équation 57

[156] et la solution précédemment blanchâtre perd en opacité. D’autre part, le fait que la masse maximale de précipité soit atteinte pour un rapport n(Cl-)/n(Ce3+) de 4, indique que la précipitation

de CeCl3 n’est pas quantitative. Il faut toutefois rappeler que la spéciation des ions chlorure dans ce

milieu n’est pas triviale. En particulier, les équilibres menant à la formation ou à la dissociation de l’espèce HCl2- peuvent avoir une influence sur les équilibres de précipitation et de redissolution.

𝐶𝑒𝐶𝑙3+ 3 𝐶𝑙− ⟶ 𝐶𝑒𝐶𝑙63− Équation 57

La figure 93 représente les voltampérogrammes enregistrés au fur et à mesure des ajouts entre 0 et 3,1 équivalents d’ions chlorure, c’est-à-dire avec une insolubilisation d’une fraction de Ce(III). Les voltampérogrammes sont enregistrés avant centrifugation et donc en présence du précipité en supsension.

Figure 93 : Voltampérogrammes cycliques d’une solution de Ce(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] pour différentes

concentrations de [EMIm][Cl] ajoutées. Voltampérogrammes enregistrés à une électrode de Pt (A = 0,0314 cm²) à 100 mV/s et 40°C ([H2O] = 32 ppm dans la solution initiale, concentrations non déterminées après les ajouts. Il est à noter que le pic (7) associé à l’oxydation des chlorures libres n’est plus présent. En effet, du fait de la faible solubilité de CeCl3, la concentration effective d’ions chlorure en solution est faible.

Les protons générés lors de la polarisation de l’électrode à des potentiels anodiques suffisent à complexer les ions chlorure restant en solution et ces derniers sont donc présents en solution sous forme de HCl2- comme en témoigne l’augmentation de l’intensité du pic (9) après chaque ajout. Les

ajouts ont été réalisés successivement et, afin de ne pas modifier le volume réactionnel, la concentration d’eau n’a pu être suivie au cours de l’expérience. Toutefois, entre chaque ajout, un bullage d’argon d’une dizaine de minutes a été effectué. Il est raisonnable de considérer que ce

153

bullage permet d’enlever l’eau potentiellement ajoutée. Les concentrations d’eau initiale et finale ont toutefois été déterminées et sont de 32 ppm (2,7 mM) et 84 ppm (7,1 mM) respectivement.

À partir de n(Cl-)/n(Ce) = 4, un pic d’oxydation apparaît vers 0,42 V vs Fc+/Fcqui est attribué à

l’oxydation de Ce(III) en Ce(IV) (figure 94). En effet, le cérium est alors probablement présent en solution sous la forme CeCl63- [156] et peut s’oxyder en Ce(IV) selon l’équation 58 dans la fenêtre

électrochimique du solvant. Les voltampérogrammes enregistrés pour des solutions contenant 4 à 6 équivalents d’ions chlorure entre -0,1 et 0,9 V vs Fc+/Fc sont présentés sur la figure 94.

𝐶𝑒𝐶𝑙63−⟶ 𝐶𝑒𝐶𝑙 6

2−+ 𝑒Équation 58

Aucun décalage des potentiels de pic n’est observé sur les voltampérogrammes lorsque la concentration d’ions chlorure augmente. Cela semble indiquer qu’aucun complexe stable tetra ou pentachloro n’est formé de manière intermédiaire, confirmant ainsi la réaction proposée (équation 58).

Figure 94 : Voltampérogrammes cycliques d’une solution de Ce(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] pour différentes

concentrations de [EMIm][Cl] ajouté (n(Cl-)/n(Ce) = 4 ; 4,5 ; 6). Voltampérogrammes enregistrés à une électrode de Pt

(A = 0,0314 cm²) à 100 mV/s et 40°C Insert : Voltampérogramme pour n(Cl-)/n(Ce) = 4

La figure 95 montre les spectres d’absorption UV-Visible pour différentes concentrations de cérium avec un ratio n(Cl-)/n(Ce3+) constant de 6 équivalents. Une bande d’absorption centrée à 330

nm caractéristique de l’espèce CeCl63- [156] est visible. Il est à noter que même avec une cuve de 1

mm de trajet optique, les limites du spectrophotomètre sont atteintes pour des concentrations supérieures à 20 mM. Toutefois, l’absorbance mesurée est bien proportionnelle à la concentration de cérium et l’étalonnage réalisé permet donc, dans ces conditions, de mesurer la concentration de cérium au degré d’oxydation +III.

154

Figure 95 : Spectres d'absorption UV-Visible de solutions de Ce(NTf2)3 dans [EMIm][NTf2] à différentes

concentrations et avec 6 équivalents d’ions chlorure(spectres enregistrés hors boîte-à-gants dans des cuves de 1 mm de trajet optique)

Pour des rapports n(Cl-)/n(Ce) supérieurs à 6, l’ajout progressif d’ions chlorure engendre

l’apparition d’un pic vers 0,7 V vs Fc+/Fc sur la figure 96 qui correspond à l’oxydation des chlorures

libres selon les équations 52 ou 54. L’apparition de ce pic s’accompagne de celle d’un pic retour vers 0,4 V vs Fc+/Fc.

Figure 96 : Voltampérogrammes cycliques d’une solution de Ce(NTf2)3 0,05 M dans [EMIm][NTf2] pour différentes

concentrations de [EMIm][Cl] (n(Cl-)/n(Ce) = 6 ; 6,5 ; 7 ; 8). Voltapérogrammes enregistrés à une électrode de Pt

155