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3.2 Mise en place de l’écosystème de l’Internet des Objets

3.2.2 Technologies

Quelles sont les étapes et technologies nécessaires pour mettre en place un écosystème d’IdO ? Dans leur étude, Benghozi, Bureau, et Massit-Folléa (2008) proposent plusieurs groupes de technologies : identification, capteurs, connexion, intégration, traitement de don- nées, réseaux. Cette thèse s’appuie sur ces groupes de technologies, pris comme une succession d’étapes, pour illustrer les besoins technologiques de l’écosystème d’IdO.

Identifier Capter Connecter Intégrer Transport

des don- nées Traiter Reconnaître, accéder et contrôler un objet connecté relié à un réseau. Obtenir des données sur l’envi- ronnement, alimenter les fonctionnali- tés de l’objet connecté et assurer l’imbrication physique/- numérique.

Relier les ob- jets connec- tés entre eux afin d’assurer l’échange de données sur de petites, moyennes et grandes distances. Lier l’objet physique à un objet nu- mérique ou à un service numérique. Assurer le transport des données d’un nœud du réseau à l’autre. Manipuler les données produites par l’objet connecté (e.g. sto- ckage, agrégation, analyse). IPv4, IPv6,

6LoWPAN Microsystèmeéléctromé- canique, NEMS SigFox, LoRa, Narrowband- IoT RFID, NFC, Bluetooth (LE), Zig- Bee, Wi-Fi, réseaux cellulaires CoAP, MQTT, All- Joyn, REST HTTP, XMPP, AMQP Apprentissage automa- tique, Hadoop, MapRe- duce, Filter, NoSQL Tableau 3.2 – Technologies pour la mise en place d’un écosystème de l’IdO. Le Tableau3.2synthétise les besoins technologiques adaptés de Benghozi et al. (2008), à

la fois au niveau des intitulés et des exemples de technologies que chaque besoin regroupe. Les technologies données en exemple ne sont pas exclusives à un besoin spécifique, par exemple, la RFIC peut remplir aussi bien des besoins d’identification et d’intégration.

Identifier

À l’instar des ordinateurs connectés à internet identifiable grâce à leur adresse IP, un objet connecté doit également être identifiable sur un réseau pour permettre l’échange de données et plus généralement pour la reconnaissance, l’accès et le contrôle de l’objet. Ainsi, dans la figure3.10, les objets connectés sont identifiables par un numéro.

Nous pouvons utiliser le protocole IP pour identifier de manière unique chaque objet connecté. Cependant, compte tenu de la croissance exponentielle du nombre de terminaux reliés à internet, IPv4 est arrivée à épuisement62. En effet, la version IPv4, créée en 1981, est codée sur 32 bits et offre ainsi une plage de 232 adresses63.

Figure 3.10 – Écosystème d’IdO. Échanges de données entre une porte d’entrée connectée, des lumières connectées et un chauffage connecté (Roxin & Bouchereau, 2017b).

La nouvelle version du protocole, IPv6, est codée sur 128 bits et offre donc 2128adresses64 ce qui correspond a plusieurs trillions d’adresses pour chaque être humain sur Terre65. IPv6 garantit l’adressage pour l’ensemble des objets connectés toutefois, le traitement des en- têtes des paquets IPv6 demande une puissance de calcul incompatible avec des appareils contraints en ressources (Mulligan, 2007). Afin de répondre à cette contrainte, en 2005 un groupe de travail de l’IETF a créé le protocole 6LoWPAN (IPv6 Low Power Wireless Personal Area Network), une version allégée du protocole IPv6. Avec 6LoWPAN, les en-têtes des paquets IPv6 sont compressés, la communication est basée sur le protocole 802.15.4 de l’IEEE dédié aux réseaux sans-fil LR WPAN (Low Rate WPAN ) et exploité par les appareils limités 62. En juin 2019, l’ARCEP, chargée de la régulation des communications électroniques en France, signale que le nombre d’adresses IPv4 arrivera à épuisement en juin 2020. Outre l’épuisement, l’alarme sonnée par l’ARCEP est aussi motivée par des enjeux de sécurité et d’optimisation des échanges. Source : https://www.arcep.fr/ actualites/les-communiques-de-presse/detail/n/internet-ouvert-2.html. Consulté le 3 juillet 2019.

63. Soit 4 294 967 296 adresses. Voir la RFC 791. Source :https://tools.ietf.org/html/rfc791

64. Soit 3,4×1038adresses.

65. « Oops ! How Many IP Addresses ? », IEEE Spectrum, 30 mars 2007. Source :https://spectrum.ieee.org/ tech-talk/semiconductors/devices/oops_how_many_ip_addresses. Consulté le 26 avril 2019.

en portée, consommation et débit. En 2007, le RFC 494466 rend possible l’utilisation de 6LoWPAN pour les appareils aux ressources contraintes.

Capter

L’objet connecté intègre un ou plusieurs capteurs pour mesurer son environnement et alimenter en données les fonctionnalités de l’objet connecté et les services basés dessus. Les capteurs sont les « organes sensoriels » des objets connectés et assurent, avec les actionneurs, la liaison entre le monde physique et le monde numérique. Par exemple, un smartphone peut avoir les capteurs suivants : accéléromètre, magnétomètre, thermomètre, gyromètre, hygro- mètre, capteur de luminosité, de proximité, de pression, de geste infrarouge, d’impulsions cardiaques, scanner d’empreintes digitales, etc.67. Sur la Figure 3.10, les capteurs des objets connectés sont adaptés au contexte d’utilisation : le chauffage est équipé d’un thermomètre et d’un détecteur de présence pour adapter la température en fonction des personnes dans la pièce.

Le fonctionnement des capteurs et des actionneurs repose sur des microsystème éléctro- mécanique (MEMS). Développés dans les années 1970, les MEMS sont composés d’un ou plusieurs transducteurs convertissant des signaux physiques en signaux électriques (Saffo,

1997). Par exemple, le microphone est un transducteur transformant une onde acoustique en signal électrique et le haut-parleur effectue l’opération inverse. Il existe également des systèmes électromécaniques à l’échelle nanométrique appelés NEMS (nanoelectromechanical system), ayant les mêmes fonctions. Compte tenu du faible coût des transducteurs et de leur taille réduite, les fabricants enrichissent le fonctionnement et les fonctionnalités de leurs appareils électroniques en intégrant plusieurs capteurs. Par exemple, la navigation GPS est basée sur le récepteur GPS (géolocalisation), mais aussi sur l’accéléromètre (direction du déplacement) et le gyromètre (changements de vitesse et d’orientation)68.

L’avenir des capteurs se joue à l’échelle infinitésimale, en exploitant les principes de la phy- sique quantique pour créer des capteurs quantiques ultra-sensibles. La superposition d’états quantiques est très sensible à l’environnement classique et fournit des capteurs d’une grande précision. Les accéléromètres et les gyromètres à atomes froids sont fondés sur l’interféromé- trie atomique. Ils détectent le déphasage entre les ondes de matière parcourant les deux bras de l’interféromètre. Les applications attendues concernent la sismologie ou la prospection des ressources minières et pétrolières69.

Connecter

L’étape suivante est l’interconnexion des objets connectés entre eux pour l’échange de données et la coordination des actions. Parmi les technologies spécialisées dans la commu- nication de M2M, on peut citer SigFox, LoRaWAN (Long Range Wide Area Network) et Narrowband IoT.

66. Source :https://tools.ietf.org/html/rfc4944. Consulté le 9 juillet 2019.

67. Source :https://fr.farnell.com/smartphone-technology-applications. Consulté le 9 juillet 2019. 68. Source :https://avismobiles.fr/astuces/a-quoi-servent-les-capteurs-proximite-luminosite- accelerometre-gps-gyroscope-magnetometre/. Consulté le 9 juillet 2019.

69. Des physiciens de l’armée de terre américaine ont mis au point un tout nouveau capteur quantique basé sur des atomes de Rydberg, capable de détecter l’ensemble des radiofréquences du spectre électromagnétique

Lancée en 2009, SigFox est l’entreprise française à l’origine de la technologie du même nom pour créer un réseau de communication M2M de type LPWAN (Low Power Wide Area Network)70. Avec une consommation énergétique réduite et une couverture sur de grandes distances, le réseau LPWAN est adapté à la mise en réseau d’objets connectés. SigFox est basée sur la technologie Ultra Narrow Band qui se distingue par des transmissions de quelques dizaines de Hertz, comparé aux centaines de kHz et MHz des réseaux cellulaires (Mekki et al.,

2019). Les transmissions sont bidirectionnelles et limitées à 140 messages par jour dont la taille ne dépasse pas les 12 octets. SigFox étant un réseau propriétaire, les entreprises paient un abonnement à SigFox pour la mise en place du réseau.

À l’inverse, LoRaWAN, concurrent de SigFox, est une technologie ouverte. Les entreprises créent elles-mêmes leur réseau LoRa en utilisant des appareils équipés de puces LoRa et mettant en place les antennes-relais. La technologie est maintenue par l’association LoRa Alliance initiée par la société Semtech71.

La technologie Narrowband IoT (NB-IoT) est développée par le 3GPP (3rd Generation Partnership Project) qui regroupe plusieurs acteurs autour de la normalisation des télécom- munications comme l’UIT et l’ETSI72. NB-IoT s’appuie sur les standards de réseaux cellu- laires (e.g. GSM, LTE) et vise la couverture réseau en intérieur à faible coût (e.g. économique, batterie, calcul).

Intégrer

L’objectif de l’intégration est la communication entre le réseau d’objets connectés avec un réseau plus large tel qu’un réseau domestique ou avec des plateformes situées dans le cloud. La Figure 3.11présente quelques-unes des nombreuses technologies sans-fil selon leur portée et débit. On distingue quatre catégories : BAN (Body Area Network), PAN (Personal Area Network), LAN (Local Area Network) et WAN (Wide Area Network). Le choix d’une techno- logie est conditionné par le contexte d’utilisation de l’objet connecté et les caractéristiques de chaque technologie en termes de consommation d’énergie, de débit de communication, de qualité de transmission, de coût, de sécurité et de portée.

BAN est un type de réseau sans-fil à très courte portée définit par le standard IEEE 802.15.6, extension du 802.15 dédié au PAN, ayant les caractéristiques suivantes : une faible consommation énergétique, un débit de données important, transmission avec moindre perte et faible portée (Afelete, 2014; Kwak, Ullah, & Ullah, 2010). Le BAN inclus des objets connectés pour la santé, le bien-être et les activités sportives, portés en contact avec le corps de l’utilisateur : les bracelets et les montres, les pendentifs, les vêtements ou encore les lunettes. Les capteurs et fonctions de ces objets connectés mesurent les paramètres physiologiques de l’être humain : pouls, température de la peau, nombre de pas, calorie. Les technologies sans-fil RFID, NFC (Near Field Communication) et Beacon entrent dans cette catégorie.

PAN, définit par le standard IEEE 802.15, est un type de réseau sans-fil à courte portée pour relier des appareils électroniques proches, par exemple : entre l’ordinateur, la souris et le clavier, entre le smartphone et les oreillettes sans-fil. Un PAN peut être créé avec les

70. Source :https://www.sigfox.com/en/sigfox-iot-technology-overview. Consulté le 9 juillet 2019. 71. Source :https://lora-alliance.org/. Consulté le 9 juillet 2019.

72. Source :https://www.gsma.com/iot/narrow-band-internet-of-things-nb-iot/. Consulté le 9 juillet 2019.

Figure 3.11 – Technologies de communication sans-fil selon la portée et le débit du signal (Roxin & Bouchereau,2017b).

technologies Bluetooth73, Bluetooth Low Energy (BLE) et ZigBee.

LAN et WAN désignent des réseaux sans-fil à moyenne distance pour connecter, par exemple, les appareils électroniques au sein d’une maison ou d’une entreprise, mais également pour couvrir de grands espaces comme un territoire national. Le Wi-Fi compte parmi les technologies LAN tandis que les réseaux cellulaires (e.g. GSM, GPRS, EDGE, UMTS, LTE, 5G) entrent dans la catégorie des WAN.

Notons que le développement de ces réseaux et en particulier les types BAN et PAN accentuent les problématiques de sécurité soulevées par l’IdO. La protection informatique et juridique des données intimes des individus collectées et stockées par les objets connectés ne peut être négligée. Et s’il est presque impossible de sécuriser chaque système informatique, les fournisseurs de services doivent ajouter une couche de sécurité pour contrecarrer la plupart des attaques.

Transport des données

L’étape de mise en réseau correspond à l’établissement de voie de communication entre les objets connectés et les plateformes des fournisseurs de services pour traiter et extraire la valeur ajoutée de la combinaison des données collectées. Cette opération vise à alimenter des applications et services, intégrés ou non à des objets connectés. S’agissant de l’IdO, les données circulent par le biais d’internet cependant, cela nécessite un protocole pour régir le mode de communication des données entre les noeuds du réseau d’objets connectés. Outre le standard HTTP et le service web REST, il existe des protocoles adaptés à l’IdO : AllJoyn, 73. Le nom « Bluetooth » a été proposé par Jim Kardach (ingénieur d’Intel) à la suite d’une discussion avec Sven Mattisson (ingénieur d’Ericsson) à propos du livre Longships de F. G. Bengtsson dans lequel est évoquée l’unification d’une partie du Danemark, de la Norvège et de la Suède par le roi Harald Bluetooth. Source :

AMQP (Advanced Message Queuing Protocol), CoAP (Constrained Application Protocol), MQTT (Message Queuing Telemetry Transport) et XMPP (Extensible Messaging and Pre- sence Protocol).

Les protocoles s’appuient sur le couple TCP/IP d’internet et proposent des modes de communication différents qui sont à prendre en compte lors de la conception et dépendent du contexte d’utilisation. Ces protocoles résolvent plusieurs problèmes, dont celui de la décou- verte et de la transmission de données avec des objets connectés proches. En outre, l’enjeu est de réduire les obstacles à l’interopérabilité entre les données collectées par les objets connectés afin de fluidifier les communications et atteindre l’un des objectifs de l’IdO : la mise en place d’un écosystème d’objets capable de capter les stimuli dans l’environnement, de se partager les données et de réagir cohérente au niveau collectif et individuel.

Traiter les données

L’IdO requiert des outils pour la manipulation, l’exploration et la visualisation des données qui reposent sur des méthodes d’apprentissage artificiel (voir la section2.3.1), du data mining (aussi nommé knowldge discovery in databases), des mathématiques et des statistiques. Pour analyser de grands volumes de données, ces techniques s’appuient sur des technologies déve- loppées pour la manipulation de données à large échelle dans des architectures distribuées : MapReduce, Hadoop, NoSQL (Besse & Vialaneix, 2014). MapReduce supporte la paralléli- sation des calculs en deux étapes : map applique un traitement à un groupe de données et les résultats sont individuellement associés à un tuple (clé, résultat), ensuite reduce combine et réduit les tuples en associant les résultats d’une même clé à un unique tuple. MapReduce est exploité par Hadoop, un environnement d’informatique distribuée. Hadoop est un ensemble de composants logiciels utiles à différentes étapes (Besse & Vialaneix, 2014) : le système de fichiers Hadoop Distributed File System fournit une abstraction du système physique de stockage distribué ; HBase et MongoDB sont des systèmes de gestion de bases de données NoSQL adaptés à l’architecture distribuée ; les logiciels Hive et Pig pour l’analyse des don- nées (également Mahout et RapidMiner pour l’implémentation de l’apprentissage artificiel) ou encore le langage de programmation R ou Python (adaptés à la visualisation des données). L’IdO est un concept en développement caractérisé par une pluralité de définitions, de visions, mais également un ensemble complexe de technologies. L’absence d’architecture de référence et de technologies standards produit une variété de modèles d’organisation des éco- systèmes d’IdO et d’agencement technologique. Nous verrons que l’hétérogénéité des techno- logies, des protocoles et des modèles d’objets connectés est une contrainte forte de la concep- tion de dispositifs d’apprentissage basés sur des objets connectés obligeant à des adaptations parfois complexes. En dehors de l’éducation, les objets connectés soutiennent des applica- tions et des services dans plusieurs domaines tels que la santé, l’agriculture et l’industrie manufacturière.