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Apprendre avec la pervasivité

4.2 Analyse de l’apprentissage avec le modèle DIAP

4.2.4 Apprendre avec la pervasivité

La pervasivité, au sens où nous l’employons dans le cadre du modèle DIAP, résulte de la multiplication des objets connectés dans l’environnement ce qui tend à réduire les contraintes de temps, d’espace et de support pour accéder à l’information. Lorsque le modèle DIAP a été présenté, nous avons indiqué que la dimension Pervasivité a trois facettes : la mobilité, la continuité et le contexte (voir section 4.1.2). Conséquemment, les dispositifs d’apprentissage que nous relevé exploitent ces trois facettes pour : l’exploration de l’environnement, la per- sistance de l’expérience de l’apprentissage à travers les supports, ainsi que la sensibilité au contexte. Il est à noter que ces aspects sont transversaux et ils se retrouvent dans certains des dispositifs d’apprentissage précédents.

Exploration de l’environnement

La dimension Pervasivité est exploitée pour concevoir des dispositifs d’apprentissage per- mettant à l’apprenant d’explorer l’environnement physique, en dehors des lieux formellement dédiés à l’apprentissage.

L’exploration de l’environnement renvoie ici à une stratégie d’apprentissage actif déployée pour mettre l’apprenant en relation avec les savoirs. Selon un mode d’apprentissage par l’investigation, l’apprenant doit mener une enquête ou répondre à une question en allant chercher les informations dans un lieu donné (voir la section 1.3.1 pour plus de détails sur l’apprentissage par l’investigation). L’apprenant utilise un smartphone, une tablette ou encore des microcontrôleurs Arduino pour interagir avec certains objets de l’environnement et obtenir les informations dont il a besoin pour résoudre son enquête. Nous retrouvons par exemple cet aspect dans les dispositifs d’apprentissage de la catégorie « Observation de l’environnement », à l’exemple du projet Internet of School Things (Joyce et al., 2014). Les apprenants vont collecter des données dans l’environnement, en déduire des informations et avancer sur leur enquête.

MacCallum et Bell (2015) ont étudié l’utilisation faite d’objets connectés par un ensei- gnant en jardin d’enfants et montrent qu’ils sont employés pour s’adapter aux besoins et aux intérêts des enfants. Les auteurs rapportent que l’enseignant engage les enfants dans des activités créatives basées sur des interactions avec l’environnement et à l’aide des fonctions d’objets connectés. Ainsi, l’enseignant propose à une enfant de créer un livre de photos ra- contant une histoire à propos des animaux présents au jardin d’enfants. À d’autres enfants,

l’enseignant proposera de créer un film vidéo dans lequel les enfants se mettent en scène pour raconter des histoires de superhéros. Ces activités font des objets connectés des outils pour explorer l’environnement et créer des expériences de vie, ce qui fait écho à la pensée du Dewey sur le rôle de l’expérience pour l’apprentissage (voir section1.2.3).

Dans leur recherche, Kyza et Georgiou (2019) examinent les interactions entre l’apprenant et l’environnement dans le cadre d’un dispositif d’apprentissage basé sur la réalité augmentée et la localisation. Les auteurs estiment que la réalité augmentée est le support d’expériences hybrides mélangeant le monde physique et le monde numérique. Kyza et Georgiou (2019) ont conçu le dispositif Mystery at the Lake où, selon une stratégie d’apprentissage par l’investi- gation, les apprenants mènent une enquête sur le déclin de la population de canards colverts. Par groupe de deux, des élèves de collèges et de lycées ont exploré un environnement (autour d’un lac) à la recherche d’indices qu’ils pouvaient consulter sur une tablette en fonction de leur géolocalisation. L’application sur tablette associe à l’environnement perçu par les élèves des documents, des images, des diagrammes ou des vidéos. Kyza et Georgiou (2019) rap- portent que l’apprentissage situé, le fait d’apprendre dans un environnement authentique, a eu un effet positif sur l’engagement des élèves. Les auteurs notent aussi que les élèves étaient demandeurs de davantage d’interactions avec l’environnement ; ce qui a amené les auteurs à intégrer dans le dispositif des moments où l’apprenant devait récolter des données sur l’environnement.

La continuité, autre facette de la dimension Pervasivité de notre modèle DIAP, est égale- ment exploitée dans les dispositifs d’apprentissage basés sur des objets connectés.

Persistance de l’activité à travers les supports

Avec le développement de l’IdO, les individus tendent à jongler avec plusieurs objets connectés pour utiliser les services et outils numériques, notamment grâce au cloud computing et aux technologies de communication sans fil. Dans le cadre de l’apprentissage, la possibilité de synchroniser les données entre les différents appareils permet d’assurer la continuité de l’activité d’apprentissage, quel que soit le support. Tenant compte de cela, il est possible de démarrer un cours de programmation sur son téléphone mobile le matin en attendant le bus, poursuivre le midi sur son ordinateur portable au bureau et terminer le cours le soir sur sa tablette chez soi. Il y a une continuité de l’expérience d’apprentissage qui traverse les supports, sans perte d’informations.

Plusieurs dispositifs d’apprentissage permettent cette synchronisation entre les appareils de l’utilisateur afin de poursuivre la formation d’un appareil à l’autre. C’est le cas notamment de l’application Duolingo dont les cours peuvent être suivis aussi bien depuis un smartphone que depuis un ordinateur28.

De même, l’application Tynker, dédiée à l’apprentissage de la programmation, permet également de poursuivre une même activité d’apprentissage avec plusieurs dispositifs. Tyn- ker propose un environnement de programmation visuelle où l’apprenant manipule des blocs de code qu’il peut assembler à la manière d’un puzzle (voir Figure 4.10). Son interface est similaire au logiciel Scratch développé par Resnick (2007) au MIT, mais ajoute des fonc- tionnalités pour la programmation d’objets connectés tels que des drones et des ampoules

Figure 4.10 – Initiation à la programmation avec l’application Tynker.

connectées.

Enfin, il y a également l’application Phyphox, permettant de récupérer les données des capteurs du smartphone ou de la tablette afin de créer des expériences de physique (voir Figure 4.11). Développée par des chercheurs de l’université d’Aix-la-Chapelle, l’application Phyphox dispose d’une fonction pour étendre l’interface de visualisation des données collectées par un capteur à plusieurs supports. Par exemple, il est possible de collecter les données de l’accéléromètre du smartphone tout en permettant de visualiser et de contrôler celle-ci depuis une autre tablette. Dans le cas de ces trois applications, l’activité d’apprentissage persiste à travers les supports sans qu’il y ait une coupure.

Figure 4.11 – Utilisation de l’application Phyphox sur plusieurs supports29.

De leur côté, les chercheurs Mouri, Ogata, et Uosaki (2017) proposent un système pour mettre en relation entre des apprentissages formel et informel (voir la section1.3.2pour plus de détails sur les apprentissages formel et informel). Dédié à l’apprentissage des langues, VASCROLL (Visualization and Analysis System for Connecting Relationships of Learning Logs) permet d’enregistrer, d’organiser, de rappeler et d’évaluer les mots et expressions ap- prises. Avec ce système, les apprenants enregistrent des traces d’apprentissage informel (des mots entendus ou écrits qu’ils n’ont pas compris) que VASCROLL met en relation avec les contenus des ressources d’apprentissage distribuées par l’enseignant.

L’environnement pour contextualiser les savoirs

La dernière catégorie liée à la dimension Pervasivité correspond aux dispositifs d’appren- tissage qui exploitent les objets connectés et leurs liens avec l’environnement pour donner du sens aux savoirs à apprendre. En section1.3.1du premier chapitre, nous avons vu que l’une des stratégies d’apprentissage actif consiste à créer des activités d’apprentissage qui placent les savoirs à apprendre dans un contexte spécifique. Dans le cadre de la catégorie que nous décrivons ici, les dispositifs d’apprentissage s’appuient sur l’environnement physique pour contextualiser les savoirs.

Une partie des dispositifs se basent sur les technologies de l’IdO (e.g. capteurs, RFID, montre connectée) pour inférer la localisation physique de l’apprenant et ainsi proposer des services adaptés, liés à l’apprentissage (Takiddeen & Zualkernan,2020). Ces services peuvent être la recommandation d’un parcours lors de la visite d’un musée, la recommandation de ressources d’apprentissage ou encore des alertes et des rappels.

Nous pouvons également citer l’étude menée par Kuhn et al. (2016) pour évaluer l’uti- lisation des lunettes connectées à des fins d’apprentissage. Le dispositif conçu propose de contextualiser des concepts scientifiques en superposant à l’environnement physique de l’ap- prenant des représentations numériques. Les auteurs ont conduit une expérimentation où des Google Glass sont utilisées pour représenter sous la forme d’un graphique la relation entre la masse d’un verre d’eau et la fréquence de vibration selon le niveau de remplissage. Les apprenants visualisent en temps réel le graphique produit suite à leurs manipulations des objets concrets.

Les résultats des auteurs montrent que ce dispositif d’apprentissage stimule curiosité des étudiants qui, comme nous l’avons vu, est lié à l’engagement, l’un des piliers de l’apprentis- sage (voir la section1.1.2). Les auteurs notent aussi que la superposition de la représentation numérique à la réalité concrète n’a pas engendré, dans le cas présent, de surcharge cogni- tive. En revanche, en accord avec la tendance No Significant Difference décrite par Russell (1997) (voir section2.2.2), Kuhn et al. (2016) n’observent pas de différence significative en termes de résultats d’apprentissage. Après analyse des réponses des apprenants à un ques- tionnaire post-expérience, les auteurs estiment que l’utilisation des lunettes connectées reste un moyen intéressant pour faciliter la mise en place d’expériences en physique ; qui nécessite normalement des instruments moins accessibles (e.g. oscilloscope).

À travers cette présentation de notre classification des dispositifs, nous voyons que les spécificités des objets connectés sont utilisées de multiples façons pour l’apprentissage. Les catégories de dispositifs que nous avons identifiés peuvent donner l’impression que les usages des objets connectés sont hétérogènes cependant, nous allons voir qu’ils ont des caractéris- tiques communes.

4.3

Discussions. L’objet connecté : intermédiaire entre l’ap-