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PARTIE 3 E VALUATION DE LA FORMATION

3. Techniques de recueil de données

Afin de recueillir les différentes données dont nous avons fait l’inventaire, nous avons choisi plusieurs techniques de recueil de données que nous détaillerons ici.

3.1. Analyse de traces

Nous souhaitons d’abord observer la façon dont les apprenants ont participé aux deux dispositifs de formation ainsi qu’aux activités qui en ont fait partie. Ceci commence par le recueil de données invoquées sur leur participation, à la fois quantitatives et qualitatives.

L’analyse de la participation doit se faire sur la base de données précises sur la participation des apprenants, c’est pourquoi il est important de recenser les activités auxquelles les apprenants impliqués de près ou de loin ont participé. Ceci englobe la participation à la première version de la formation ainsi qu’à la deuxième. Les données de connexion à la plateforme It’s Learning ne peuvent nous renseigner que sur la date de la dernière connexion et non sur le nombre de connexion. Les données de participation au

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groupe Facebook sont visibles et nous permettent de quantifier le nombre de membres, le nombre de commentaires qu’ils ont laissé et le nombre de mentions « J’aime ».

Ce travail de recensement nous servira alors de base pour décrire la participation sans pour autant effectuer une analyse statistique de ces données. D’une part notre étude souhaite se concentrer plus sur la qualité que la quantité et d’autre part nous n’avons pas pu recueillir des informations suffisantes sur les variables qui pourraient nous renseigner sur les raisons de la participation ou de l’absence de participation. Nous préférons alors nous concentrer sur une recherche de type principalement qualitatif et des études de cas de certains apprenants ayant fourni une plus grande participation, surtout grâce aux entretiens qui nous permettent de décrire leur expérience et les conséquences de la formation.

3.2. Retours et commentaires écrits des apprenants

Afin de déterminer comment les apprenants ont participé à la formation et quelle a été leur expérience du dispositif, nous avons souhaité obtenir des retours des étudiants à travers des sondages, ce qui constitue des données provoquées. Bien que la tentative de recueil de retours généraux sur la formation sur le groupe Facebook n’ait pas entraîné de réponses, nous avons pu recueillir ce type de données lors des ateliers en présentiel à partir de sondages sur papier distribués à la fin des trois premiers ateliers (cf. Annexe 16). Ces sondages avaient pour but que les étudiants puissent revenir de manière réflexive sur le travail en groupe, afin d’évaluer leur réussite, et l’intérêt du travail en groupe, ainsi que leur niveau de satisfaction par rapport à cette activité.

Un tableau avec une échelle de Likert de 5 valeurs entre « pas du tout » et « tout à fait » demandait aux apprenants d’évaluer si l’expérience d’apprentissage avait été intéressante, facile, utile, amusante et s’ils aimeraient la refaire. Les paramètres étudiés sont donc l’intérêt, la difficulté, l’utilité et le côté agréable, ce qui nous renseigne sur la satisfaction, mais aussi sur certains aspects de l’autonomie. En effet, le fait de reconnaître la difficulté d’une tâche fait partie de l’analyse de la tâche, et le fait d’en évaluer l’intérêt participe à l’analyse des supports et des stratégies pour évaluer la pertinence d’une tâche en fonction de ses objectifs. Ces sondages permettront de réaliser une courte analyse statistique de ces paramètres.

Des questions ouvertes demandaient aussi de revenir sur la façon dont le travail de groupe s’est déroulé, d’évaluer si le groupe a atteint son objectif et d’identifier ce qui peut être amélioré par l’apprenant. Ces questions avaient pour but d’amorcer une réflexion sur

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le travail collaboratif et personnel et l’exercice de son autonomie. Cependant, il semble que ce sondage a plutôt été compris comme une évaluation de l’atelier proposé. Lors du premier atelier, la question « qu’est-ce qui peut être amélioré ? » a été comprise comme visant un jugement sur la formation en général, alors qu’elle devait viser comment l’apprenant pourrait mieux travailler dans le groupe. Ainsi, pour le deuxième et troisième atelier, nous avons transformé la question afin qu’elle réfère directement à l’apprenant : « Qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans le travail de groupe / dans votre façon de travailler ? » et nous avons ajouté une question visant des commentaires sur la formation. L’analyse qualitative de ces commentaires permettra alors d’observer la façon dont le travail de groupe s’est déroulé pour chaque apprenant et au sein des groupes, et de repérer des marques d’exercice de compétences autonomes.

3.3. Entretiens d’explicitation

Afin de recueillir des données suscitées et de mesurer l’autonomie des apprenants, nous avons retenu la technique de l’entretien d’explicitation de Vermersch (1994) car ce type d’entretien se focalise sur la verbalisation de l’action et permet d’aller au-delà des simples représentations de l’apprenant au sujet de son apprentissage ou de l’autonomie. La description et l’élucidation de la façon dont un apprenant réalise une action grâce à ce type d’entretien nous permettra alors d’observer l’exercice de l’autonomie en identifiant les compétences autonomes mises en œuvre.

La méthode de l’entretien d’explicitation s’appuie sur le fait qu’une partie de l’action reste implicite pour l’individu ou « préréfléchie » car l’individu n’a pas encore conscience de la façon dont il réalise son action (Vermersch, 1994). Le questionnement de l’intervieweur, qui peut être un professeur si cette technique est utilisée comme partie intégrante d’une formation, permet alors à l’individu de décrire son action, et par cette description de prendre conscience des procédés qu’il met en œuvre sans en avoir totalement conscience. Ainsi, l’entretien d’explicitation a aussi une valeur pédagogique, en cela qu’il permet à l’apprenant de se rendre compte de la façon dont il agit, ce qui pourrait, dans le cadre de cette étude permettre aux apprenants de prendre conscience de certaines compétences autonomes qu’ils ont déjà mis en œuvre. Ceci peut alors contribuer à identifier une expérience de réussite et donc alimenter le sentiment d’auto-efficacité. De plus, l’un des objectifs de l’entretien d’explicitation est d’apprendre à l’apprenant à s’auto- informer sur son action (Vermersch, 1994) ce qui peut donc permettre de développer son autonomie.

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La méthode de l’entretien d’explicitation est une méthode d’entretien non-directif mais qui suppose malgré tout un guidage de l’intervieweur qui oriente et canalise l’interviewé vers la description de son action de manière précise, et non vers des représentations ou explications, ce qui peut être déstabilisant car inhabituel. Cette technique repose sur l’évocation de l’action de manière précise, et donc demande de guider l’individu vers la verbalisation du vécu d’une action particulière et non d’évoquer des généralités, en se détachant des informations satellites que sont le contexte, les jugements ou les savoirs théoriques et règlementaires, afin d’évoquer la succession d’opérations de prises d’information et d’exécution qui constituent la réalisation d’une action (Vermersch, 1994).

Les entretiens d’explicitation se sont déroulés à la fin de la formation. Deux entretiens se sont déroulés le 21 Juin et deux autres se sont déroulés le 22 Juin. Trois de ces entretiens se sont déroulés en face-à-face et le quatrième s’est déroulé en visioconférence par l’intermédiaire de Skype. Ils ont duré entre une heure et une heure trente et ont été enregistrés sous forme de piste sonore. Ils ont été conduits dans la langue maternelle des apprenants, afin de permettre une expression personnelle la plus naturelle possible. Ainsi, trois entretiens ont été réalisés en norvégien, et un en anglais, car l’apprenant est locuteur natif bilingue anglais et norvégien.

Ces entretiens ont servi à faire le bilan de la formation pour les apprenants, pour nous-mêmes, et ont permis de recueillir des données. Nous espérions pouvoir entraîner des prises de conscience chez les apprenants au sujet de la façon dont ils travaillent en autonomie, mais il est difficile de savoir si cela s’est réellement produit.

L’entretien s’est déroulé selon une structure non rigide, tout en passant par certains passages obligés. Le guide d’entretien, établi à partir du livre de Vermersch sur l’entretien d’explicitation (1994) est consultable dans l’annexe 17. Au début, nous avons identifié clairement les buts de l’entretien pour l’intervieweur, l’interviewé, les rôles de chacun et établi un contrat de communication. A la suite, une partie de type semi-directif et non d’explicitation a permis de faire un bilan de l’apprentissage en demandant aux interviewés de réfléchir librement à ce qu’ils pensaient avoir appris lors de la formation et de comparer la façon dont ils apprenaient avant et maintenant. Ces informations ont été très précieuses en soi ainsi que pour le guidage de l’entretien d’explicitation. Ensuite, l’entretien d’explicitation proprement dit s’est déroulé en proposant d’abord à l’apprenant de sélectionner une action particulière d’apprentissage du français à évoquer, située après le

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début de la formation et à partir d’un éventail assez ouvert : travail en groupe pendant les ateliers, préparation d’examens, activité d’apprentissage dans un contexte informel. Le choix des activités à évoquer s’est fait parfois librement par l’apprenant sauf en cas d’hésitation, ou quand nous avons choisi d’orienter le questionnement sur une activité pertinente. Enfin, l’entretien s’est terminé par quelques questions plus générales et non- directives liées à des intuitions que nous avons eu pendant l’entretien.

3.4. Journal d’étonnement et observations

Afin de recueillir des informations sur le déroulement de la formation, concernant notamment des observations au sujet de l’engagement des apprenants dans la formation, d’identifier des marques de leur exercice de l’autonomie, nous avons tenu un journal d’étonnement, qui représente des données suscitées par l’interaction entre le chercheur et les sujets. Ceci nous a permis de développer notre réflexion sur la conduite de la formation et sur nos choix de conception, car nous l’avons ouvert après avoir constaté le manque de participation à la première version de la formation, alors que nous cherchions les raisons de cet échec et des solutions. Rédigé entre le 27 Mars et le 3 Juillet 2017 sur un document

Google Docs, le journal fait 36 pages, et tout son contenu n’est pas pertinent. Nous nous

concentrerons donc sur l’analyse de quelques extraits seulement, particulièrement ceux concernant des observations de la participation des apprenants et du travail de groupe pendant les ateliers.

Les informations sur la participation des apprenants aux activités nous permettront d’identifier les activités ayant engendré une forte ou une faible participation, et d’en chercher les raisons à travers les communications avec les apprenants et nos intuitions.

Pendant les ateliers, et particulièrement pendant les phases de travail en collaboration, c’est-à-dire dans les ateliers 1, 2 et 3, nous avons observé les participants, en consignant les actions, opérations et activités réalisées afin d’identifier des comportements pouvant être autonomes. Pendant ces observations dans l’atelier 2 et 3, nous nous sommes positionnées en retrait de l’unique groupe qui travaillait, et avons écouté et observé les apprenants sans les déranger ni intervenir. Du fait de la présence de quatre groupes différents, nous n’avons pas pu conduire d’observation aussi détaillée pour l’atelier 1. Ces observations ont été consignées sur papier sur le moment, puis retranscrites le même jour dans le journal d’étonnement. Il est alors intéressant et important de croiser les données car les observations seules de l’exercice apparent de compétences autonomes ne peuvent

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prouver leur existence et leur emploi conscient (Benson, 2010 ; Sinclair, 1999), ce qui demande alors de croiser ces données observées avec ce que disent les apprenants, dans les sondages ou pendant les entretiens, afin de vérifier si l’exercice de compétences autonomes a été effectif. De plus, il est intéressant de comparer ces données observées avec ce que les apprenants disent afin d’identifier de possibles différences entre ce qui est observé et ce qui est effectivement réalisé. Cependant, nous sommes en désaccord avec Sinclair (1999) qui avance que la réalité de l’exercice de l’autonomie peut être attesté si l’apprenant dit agir consciemment. La théorie sur laquelle se base l’entretien d’explicitation affirme l’aspect non-conscient de certaines actions (Vermersch, 1994), et il nous semble alors possible que certaines compétences autonomes soient mises en œuvre sans que l’apprenant en ait totalement conscience.