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Techniques d’analyse existantes sur le terrain

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CHAPITRE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

2. Techniques de détection des agents organophosphorés

2.2 Techniques d’analyse existantes sur le terrain

Ce sont des techniques qui ont déjà fait l’objet d’une mise en œuvre commerciale pour la détection d’armes chimiques. Elles sont le plus souvent basées sur des techniques d’analyses classiques6 et présentent pour certaines d’entre elles des risques de faux positifs et de faux négatifs élevés37. On les utilise en premier lieu sur le terrain pour donner une indication sur la nature des produits présents dans le milieu et pour ensuite déclencher, si nécessaire, des mesures de protection ou des mesures d’urgence. L’analyse complète des échantillons s’effectue au laboratoire avec des appareils de pointe plus sophistiqués ne pouvant être facilement transportés sur le terrain. Des méthodes d’échantillonnage et de transport doivent être correctement appliquées afin d’éviter l’altération des échantillons à analyser. On distingue plusieurs méthodes de détection des organophosphorés sur le terrain :

2.2.1 La colorimétrie

La détection colorimétrique est une technique qui permet d’identifier un organophosphoré en suivant un changement de couleur visuellement détectable causé par une interaction chimique spécifique entre ce dernier et une solution ou un substrat constituant le détecteur1,6. Cette technique a été largement employée par l’armée depuis un certain nombre d’années pour ses atouts multiples. C’est une méthode d’analyse rapide, facile à utiliser et à mettre en œuvre sur le terrain par un personnel n’ayant pas forcément une qualification spécifique. Les détecteurs sont facilement transportables et coûtent moins chers par rapport à une GC-MS. Ces détecteurs sont sous la forme de papiers, de tickets, de tubes ou de kits de détection sur lesquelles des réactifs spécifiques ont été appliqués. La concentration chimique de l’agent peut être estimée en fonction de l’intensité de la couleur pour un temps de réponse qui varie de 30 secondes à quelques minutes. Il existe à ce jour plusieurs types de détecteurs colorimétriques :

 Les papiers détecteurs : La fibre cellulosique constituant le papier détecteur possède deux colorants et un indicateur de pH. La couleur varie en fonction de l’agent présent. Les agents de type G et de type V dissolvent le colorant jaune mais les OPs de type V entrainent un changement de couleur vert-noir à cause de leurs effets supplémentaires sur l’indicateur de pH6,38. La concentration détectée est d’environ 0,005 mg.m-3 pour les neurotoxiques. Ce type de détecteur est limité à l’identification des OPs en milieu liquide ou aérosol39. Le second inconvénient de ce détecteur est qu’il n’est pas spécifique dans la mesure où il peut réagir avec d’autres molécules organiques (aminées ou phosphorées, acétone, gasoil) et entraîner, par ailleurs, des risques de faux positifs élevés. Comme exemple de papier détecteur, nous pouvons citer le papier détecteur PD F1 utilisé par l’armée française, le M8 et M9 utilisée par les américains22.

 Les tubes détecteurs sont utilisés pour détecter des agents chimiques en phase gazeuse. Ils sont constitués de tubes en verre contenant un matériau adsorbant sur lequel a été appliqué un réactif spécifique. Il existe au moins 160 substances spécifiques imprégnées dans les tubes pour l’identification d’agents chimiques6. Ces capteurs sont conçus pour être sélectifs à chaque agent. L’analyte à détecter est chargé à l’intérieur du tube via une pompe ; si l’agent

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28 chimique est présent, le matériau adsorbant change directement de couleur. Pour la détection du Sarin et du Soman, le tube contenant un ester d’acide phosphorique a démontré de bonnes performances, avec une limite de détection estimée à 0,01-0,03 mg.m-3. Ce tube présente l’avantage de ne pas être affecté par les conditions environnementales ou par les interférents40. Bien que les méthodes de détections par colorimétrie (particulièrement les tubes détecteurs) soient efficaces en termes de sensibilité, rapidité, sélectivité et faible coût pour l’identification des OPs, elles demeurent encore limitées car elles sont principalement adaptées pour une détection unique de l’agent OPs, le papier ou le tube n’étant utilisable qu’une seule fois. La réversibilité est l’un des critères important pour un capteur de molécules dangereuses. Un autre inconvénient de ces systèmes réside dans la forte spécificité des réactifs utilisés qui oblige l’expérimentateur à savoir au préalable le type d’OPs susceptible d’être présent dans le milieu avant de déployer le tube. De plus, certains papiers détecteurs nécessitent plus de 15 minutes pour identifier un agent chimique.

2.2.2 Détection par spectroscopie de mobilité ionique (IMS)

Les détecteurs basés sur la spectroscopie de mobilité ionique sont très répandus dans l’armée pour l’identification des agents neurotoxiques sur le terrain. L’IMS (Ion Mobility

Spectroscopy) est une technique qui étudie le mouvement des ions sous l’effet d’un champ

électrique en phase gazeuse1,6,41. En effet, les particules ou molécules contenues dans l’analyte sont ionisées dans un réacteur d’analyse, les ions chargés négativement ou positivement vont diffuser par la suite vers un collecteur ou ils seront identifiés en fonction de leurs masses, charges et mobilités. L'arrivée des ions sur le détecteur électrique génère un signal caractéristique qui est comparé avec une base de données. Les détecteurs APD2000 ou CAM sont des exemples de cette technologie IMS42.

Figure I.3 : (a) Détecteur IMS portable du type CAM fabriqué par Bruker Daltonics Inc en Allemagne

(b) Schéma de principe d’un détecteur IMS6

L’IMS est une méthode d’analyse sur site très rapide (quelques secondes), sensible, avec une limite de détection faible pour la plupart des agents chimiques neurotoxiques43, des vésicants et pesticides44 (< 1 mg.m- 3). Elle ne nécessite pas une préparation particulière de l’échantillon et est adaptée pour la détection des toxiques, aussi bien en phase gazeuse que sous d’autres formes (solide, liquide, aérosol). L’un des inconvénients de cette technique est qu’elle

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29 utilise des sources de radiations radioactives39 pour ioniser l’analyte (63Ni, 241Am), ces dernières sont progressivement remplacées par des radiations UV.

Zimmerman et son équipe ont employé ce détecteur IMS muni d’un condenseur d’ions pour analyser les agents de type G et les vésicants en phase gazeuse45. Ils ont démontré que la bonne capacité de séparation des ions au niveau du collecteur permettait d’identifier sans équivoque, en quelques secondes des vapeurs contenant quelques ppb de Sarin, Soman, Tabun et VX45. Cependant, cette identification n’a pas été possible en présence d’interférents. Ils ont suggéré que l’utilisation d’un gaz tel que l’ammoniac à l’entrée du collecteur pouvait masquer l’effet des interférents afin d’améliorer la sélectivité.

Des détecteurs IMS pouvant identifier 0,1 mg.m-3 de neurotoxiques G (Sarin, Soman) et 0,4 mg.m-3 de VX ont déjà été commercialisés22. Ils ont l’avantage, contrairement à la plupart des systèmes portables, de pouvoir être miniaturisés en équipement de faible poids (< 500 g)6,46. Cependant cette technique demeure très peu sélective et présente des faux positifs élevés.

2.2.3 Détection par photométrie de flamme (FPD)

Elle repose sur l’émission caractéristique d’un rayonnement causé par le passage d’un atome ou d’un cluster de l’état excité à l’état fondamental suite à une exposition de l’analyte à une flamme air-hydrogène47. Chaque atome ou composé a un spectre d’émission unique qui permet de l’identifier via une base de données. A titre d’exemple, l’émission spécifique du soufre et du phosphore sont mis en évidence dans ce type de détecteur pour identifier les vapeurs de neurotoxiques de type V ou de type G, ceux-ci contenant ces deux éléments chimiques1. Bien qu’étant une méthode de détection ultra-sensible, elle est très peu sélective car un signal d’alarme positif peut être déclenché lorsque le détecteur est mis en contact avec d’autres composés non toxiques contenant particulièrement du soufre ou du phosphore.

Pour augmenter la sélectivité de ce type de détecteur, on le couple généralement au laboratoire avec une colonne chromatographique en phase gazeuse. Les composés peuvent alors être identifiés et quantifiés en fonction de leur temps d’élution. Toutefois, seuls les détecteurs FPD peuvent être transportables et utilisables sur le terrain, par conséquent la sélectivité restera donc un inconvénient majeur de ce capteur. La limite de détection estimée est en dessous des concentrations IDLH de la plupart des neurotoxiques (0,01 mg.m-3) en moins de deux secondes. Les systèmes plus performants peuvent descendre à des seuils plus bas (10-4 mg.m-3), cependant ces derniers pèsent au moins 9 kg22. L’AP2C fabriqué par la société PROENGIN de Saint-Cyr L’Ecole est un exemple de détecteur à photométrie de flamme utilisé sur le terrain22.

2.2.4 La spectroscopie Infra-Rouge (IR)

Comme les organophosphorés absorbent les radiations Infra-Rouge (IR) à des longueurs d’ondes spécifiques, particulièrement à 9,9 et 9,7 μm pour les agents GA et GB respectivement22,48, les détecteurs IR peuvent être employés pour les identifier. Ces détecteurs sont basés sur le principe d’analyse par spectroscopie infrarouge. En effet, les liaisons chimiques des différents groupements fonctionnels d’une molécule vibrent à des fréquences spécifiques correspondant à la région IR du spectre électromagnétique. Pour cela, l’analyte est

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30 exposé au rayonnement IR possédant des longueurs d’ondes caractéristiques qui peuvent potentiellement être absorbées par l’OPs.

Les détecteurs IR ont une sensibilité moyenne (limite de détection égale au ppm pour les OPs) et un temps de réponse rapide (variant de quelques minutes à quelques secondes), cependant leurs performances sont fortement influencées par les conditions environnementales notamment l’humidité et les interférents1. De plus, c’est une méthode d’analyse qui reste encore complexe et qui nécessite une taille d’instrumentation importante et un coût élevé39. La plupart des détecteurs IR utilisés sur le terrain ont un poids supérieur à 10 kg comparé à 2 kg pour les détecteurs FPD et 500 g pour certains détecteurs IMS. Ils sont néanmoins intéressants pour la détection à grande distance qui permet d’éviter l’exposition des civils ou de l’armée. Le détecteur M21 est un exemple de détecteur IR, il couvre un arc de 360° sur un rayon de 5 km. La sensibilité des détecteurs IR disponibles sur le marché actuellement n’est pas suffisante pour détecter les organophosphorés à des concentrations inférieures ou égales aux limites IDLH.

2.2.5 La spectroscopie Raman

La spectroscopie Raman est une technique de diffusion de la lumière qui exploite le phénomène selon lequel une lumière monochromatique (laser) passant à travers un milieu transparent est diffusée dans toutes les directions par une espèce chimique. Cette diffusion résulte d’une collision élastique (Diffusion Rayleigh) et d’une collision inélastique (Diffusion Raman) entre les photons de la lumière incidente et les molécules constituant l’espèce chimique22. Cette méthode d’analyse peut être utilisée pour détecter et identifier rapidement différents agents chimiques parmi lesquels les organophosphorés neurotoxiques sous différentes formes physiques (liquide, solide, vapeur, aérosol), sans être considérablement affectée par l’humidité6.

La spectroscopie Raman présente l’avantage d’être dotée d’une très bonne spécificité de par la détection des vibrations fondamentales qu’elle permet, chaque agent chimique possède une signature unique en Raman. L’un des inconvénients de cette technique est qu’elle est incapable de détecter des agents chimiques disséminés dans des munitions à cause du milieu non transparent49. Un autre désavantage de cette technique est qu’elle n’est pas discriminante lorsqu’il s’agit d’un mélange de composés (toxiques et non toxiques), ce qui peut conduire à des faux négatifs limitant ainsi la précision de la mesure50. Entre autres, le Raman présente aussi une plus faible sensibilité pour la détection des OPs par rapport aux systèmes portables cités précédemment.

2.2.6 La détection par onde acoustique (SAW)

Elle repose sur un cristal piézoélectrique, généralement le quartz sur lequel l’application d’un champ électrique génère une onde acoustique qui se propage sur toute la surface du cristal1,51. Un changement de direction de propagation de cette onde, dû à un dépôt de substance à la surface du cristal, va entraîner une variation de la fréquence de l’onde. Ce changement de fréquence peut être mesuré et suivi, ce qui permettra de détecter et de quantifier un analyte lorsque ses vapeurs seront exposées à la surface du cristal. Pour favoriser l’adsorption du neurotoxique à la surface du cristal, une fine couche sélective de polymère ayant plusieurs sites

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31 actifs est préalablement déposée sur celle-ci. Une des spécificités de ce polymère est qu’il doit être totalement réversible après l’analyse afin de permettre la détection d’un autre agent chimique. Généralement, un kit constitué de plusieurs détecteurs d’onde acoustique constitué chacun d’une couche de polymère sélective à chaque agent ou classe d’agents chimiques est utilisé dans le but d’augmenter la sélectivité du capteur et de faciliter ainsi l’identification6.

Le détecteur SAW peut être, d’une part facilement miniaturisé, mais aussi fabriqué à moindre coût tout en gardant une très bonne sensibilité et un temps de réponse rapide. Ceci n’est pas le cas par exemple du système HAPSITE (détecteur portable GC-MS), qui a une sensibilité faible et un temps de réponse beaucoup plus élevé (10 minutes) que le système complet utilisé au laboratoire. Cependant, la sensibilité des SAW dépend étroitement du nombre de sites actifs disponibles sur le polymère. Ses performances peuvent être réduites à cause des conditions extérieures telles que l’humidité ou la température qui peuvent modifier drastiquement les propriétés physiques du polymère22,52. Le détecteur portable HAZMATCAD est basé sur cette technologie, il est constitué de trois capteurs d’onde acoustique de surface qui sont capables d’identifier simultanément et sélectivement en 4 minutes les neurotoxiques et les vésicants à des concentrations proches des seuils IDLH des agents correspondants (de l’ordre du ppb). Le SAW MINICAD basé aussi sur le même principe permet d’atteindre des seuils de 0,1 mg.m-3 pour le Soman en 60 secondes et ne pèse que 500 g53.

2.2.7 Récapitulatifs des techniques d’analyses existantes

Tableau I. 7: Comparaison de différentes techniques de détection des OPs

Critères GC-MS IMS FPD Colorimétrie Raman IR SAW

Limite de détection (mg.m-3) 1,5.10-5 0,01- 0,1 0,01 0,01- 0,03 / 0,83 0,1 Temps de réponse (s) 420 Quelques secondes < 2 60 -180 15 18 60 Portabilité et poids (kg) Non Oui, < 2kg Oui, < 2,5 kg Oui, < 0,1 kg Oui, < 1,5 kg Non, < 12,5 kg Oui, < 0,5 kg

Sélectivité Oui Non Non Oui Non Non Oui

Réversibilité Oui Oui Oui Non Oui Oui /

Il ressort du tableau I.7 qu’aucune des techniques utilisées jusqu’à présent ne satisfait complètement l’ensemble des critères d’un système de détection d’organophosphorés opérationnel et efficace sur site. Un besoin de diagnostic rapide, fiable, peu couteux des OPs sur le terrain est toujours présent. Pour résoudre ce problème, d’autres types de détecteurs portables basés sur les technologies de la micro et nanotechnologie ont été mis en place : ce sont les capteurs chimiques, la plupart de ces capteurs sont encore en maturation.

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