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D- LES MISSIONS DU MISSISSIP

1. DES TAMAROIS AUX ARKANSAS

C’est l’année 1697 qui apporta la paix géné­ rale tant désirée. En Europe et en Amérique, la guer­ re anglo-française s’éternisait sans que, d’un côté comme de l’autre, l’on ne pût entrevoir que de nouvel­ les destructions. Par ailleurs, la perspective de voir s’ouvrir la riche succession espagnole incita Louis XIV à s’entendre avec Guillaume d'Orange. Dans la nuit du

19. Gosselin, op. cit., II: 434s. ”L’important, disait M. de Brisacier, supérieur des Missions-Etrangères est de tout souffrir en silence sans se plaindre ny en public ny en secret de ceux qui pourroient estre autheurs de nos peines. Adorons la main invi sible de Dieu qui nous frappe avec La main visible des hommes.” De Brisacier à MM, du Séminaire de Québec, 15 avril 1693, ASQ, Lettres, M, 15: 2.

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La Louisiane en 1688, d’après la carte de Jean-Baptiste-Louis Franquelin. Cf. supra p. XXIV.

20 au 21 septembre, le traité de Ryswick mettait fin aux hostilités. Des clauses spéciales rendaient aux deux nations "tous pais, isles, forteresses et colo­ nies en quelques lieux du monde qu’elles soient situez” et qu’elles "possédoient avant la déclaration de la présente guerre”(1), Le traité ne faisait aucune men­ tion des Indiens, pour la raison qu’on les considérait comme des sujets de l'un et l’autre souverains récon­ ciliés, Il était à craindre, pourtant, que les fiers Iroquois, qui se refusaient à toute sujétion envers leurs alliés britanniques, fussent tentés de continuer le combat pour leur propre compte. Heureusement, les farouches guerriers se ressentaient des coups que leur portaient nos amis des tribus de l’Ouest, et ils aspi­ raient eux aussi au repos. Déjà, sans déposer tout à fait les armes, ils se prêtaient à des pourparlers, et consentaient à des échanges de prisonniers.

Il ne manquait donc plus, pour que la paix fut complète, que cessât la dissention dans les milieux ecclésiastiques eux-mêmes. Or, en cette année 1697,

1, Le traité de Ryswick, dans Histoire du Canada par les textes, 54,

CG fut un prélat tout transformé qui rentra à Québec, apres en avoir été éloigné pendant trois ans. Mgr de Saint-Vallier, en effet, "venait de passer par une rude épreuve, dans ce séjour prolongé qu’on l’avait obligé de faire en France: cette épreuve avait adou­ ci les côtés un peu âpres et difficiles de son carac­ tère” (2). Il assura tout le monde, en arrivant, de son désir "de rétablir entièrement la paix"(3). Il s’empressa, en particulier, de rechercher les occasions "de donner quelques nouvelles marques d’affection au Séminaire" et "de faire plaisir au Supérieur et aux directeurs dudit Séminaire"(4). Un revirement aussi inattendu dans les dispositions de l’évêque à leur égard causa, évidemment, une bien grande joie aux Messieurs des Missions Etrangères tant de Québec que de Paris. "Il faut que la créature se taise en ces occasions, s’écriait l’abbé Tremblay, et admire les desseins de

Dieu qui scait réussir par les conjonctures qui devroient

2. Gosselin, op» cit., II: 462.

3. Louis XIV à Mgr de Saint-Vallier, d'après E.A. Tas­ chereau, Histoire manuscrite du Séminaire de Qué­ bec, 395, citée par Gosselin, op. cit.« II: 461. 4. Mgr de Saint-Vallier au cardinal de Noailles,

26 avril 1707, Mémoire de ce qui s'est passé entre l'évêque de Québec et Messieurs des Missions Etran­ gères de Paris depuis le dernier voyage que j’ai fait dans mon diocèse", AAQ, Copies de lettres, II: 176. La lettre du 26 avril et le mémoire qui l’accompagne furent rédigés à Peterhead, Angleterre, où l'évêque était alors retenu prisonnier.

tout renverser, afin co(mm)e vous me le Mandez, que la chair ne se glorifie point en la presence de son Dieu”(5). Quoique certains eussent fait des réser­ ves sur la durée de la réconciliation, Mgr de Saint- Vallier était sincère et le malentendu bel et bien

termine. L’on ne devait plus guère, par la suite, déplorer ”de telles ruptures que celles des années passées”(6).

Forts désormais de la sympathie de leur évê­ que, les prêtres du Séminaire de Québec vont poursui­ vre leur travail avec une ardeur redoublée. Ils n’ont certes pas négligé l’oeuvre d’éducation à Québec et à Saint-Joachim, où règne une régularité qui fait l’en­ vie des confrères de Paris. Par contre, il n’en est pas ainsi des entreprises missionnaires qui ont été plus ou moins sacrifiées. L’Acadie a grand besoin de missionnaires, surtout dans cette Acadie maritime qui commence aux terres de Beaubassin ”et fait avec Le Cap Breton et autres Isles adjacentes La Terre du Sud”(7).

5. Tremblay à de Maizerets, 4 mai 1698, ASQ, Lettres, O, 21: 3.

6. Loc. cit.

7. Lettres patentes de Mgr de Saint-Vallier en faveur du Séminaire de Québec pour les missions d’Acadie, 4 mai 1698, ASQ, Polygraphie, IX, 20: 1. Original signé et scellé. Ces patentes ont été publiées sous le titre suivant: Permission aux directeurs du Séminaire de Québec d'envoyer des missionnaires en Acadie, dans Mandements des Evêques de Québec, I: 379s.

Le bien qu’on y peut faire est d’autant plus certain que les indigènes demandent depuis longtemps d’être

secourus, et qu’ils sont de fidèles alliés des Fran­ çais. Les directeurs du Séminaire font donc part à

leur pasteur de leur "grand désir de Continuer de Ce Costé du Sud ce qu’ils ont Commencé de faire depuis désia plus de Douze ans du Costé de La Terre du nord du dit pays de L’Acadie"(8).

Cependant, l’un des plus fructueux résultats de la paix retrouvée sera de voir s’ouvrir enfin la route de la Louisiane. L’échec lamentable de Cavelier de La Salle et les années de guerre ont rejeté dans l’ombre le pays de la Grande Rivière du Sud. Pourtant, Louis XIV ne l’a pas oublié complètement. Les pléni­ potentiaires à Ryswick ont reçu l’ordre de ne rien céder de ces territoires le dessein du roi étant "d’en­ voyer dans peu de temps des vaisseaux pour s’assurer la possession de ce pays"(9). Aussi, le traité est-il à

8. Loc. cit.

9. Le ministre Pontchartrain aux plénipotentiaires

français à Ryswick, dans Margry, IV, Introduction: IV. Voir aussi Frégault, Jberville le Conquérant, 268, "Ce texte, souvent cité, observe cependant Marcel Giraud, est introuvable ailleurs que dans Margry. ” Cf. Marcel Giraud, Histoire de la Loui- siane francaise, I: 12.

peine signe qu’a Paris des plans d’explorations s’échafaudent en vue de rechercher les mines fabu­ leuses que le clan Renaudot continue de faire miroi­ ter(10). Le Séminaire, lui non plus, n’a pas perdu de vue les projets d’autrefois. Et aujourd’hui que tous les anciens obstacles se sont aplanis, Mgr de Laval et ses collaborateurs ne doutent point que le moment soit venu d’envoyer des missionnaires chez les Arkansas et autres "nations audela et audeça du fleuve

10. Cf. Frégault, op, cit., 269; Margry, V; 2, 9. Le Séminaire de Québec n’était pas au courant de ce regain d’intérêt dont le Mississipi béné­ ficiait en France, Il ne l’apprit qu’au début de l’été de 1698, par une lettre de l’abbé Hen­ ri-Jean Tremblay. ”0n a fort parlé cette année, écrivait celui-ci, de reprendre la decouverte de Lamboucheure du Mississipi. Si ce pays s’es- tablissoit v(otr)e petit Semre pouroit estre utile a former des ouvriers po(u)r les Missions des Ili- nois, mais il faudroit que cette colonie nouvelle fust sous la jurisdiction de l’Evesque de Québec." Tremblay à Glandelet, 3 mai 1698, ASQ, Lettres, O, 23: 16. Par contre, on ne pouvait ignorer les in­ tentions de deux officiers des Troupes de la marine qui se trouvaient alors à Québec, Louis de la Porte de Louvigny et Nicolas d’Ailleboust de Manthet, Désireux de recommencer, à leur profit, les tenta­ tives de La Salle, ils avaient adressé au Roi le 14 octobre 1697, un "Mémoire pour continuer la découverte des Mines et Etablissements des Espa­ gnols dans le Mexique par le Mississipi..." Cf. Margry, V: 9. La Cour ne devait pas donner suite à cette demande, mais le projet dut alimenter bien des conversations dans la petite capitale de la Nouvelle-France.

de Micissipy, et tout le long de ce fleuve et des Rivières qui se déchargent dedans, et ont communi­ cation avec Les dits Lieux”» Une autre supplique est adressée a l’eveque pour obtenir d’y faire "les etablissements et missions(•••) Les plus necessai­ res, et avantageux au bien de cette oeuvre"(11). Mgr de Saint-Vallier, tout heureux de pouvoir donner

si tôt des marques de son affection sincère "pour le Séminaire des Missions Etrangères selon qu’il l’a pro­ mis", accorde sans se faire prier davantage toutes les permissions demandées. Les lettres patentes autori­ sant la mission du Mississipi sont du 30 avril et du 1 mai 1698 (12). Le Séminaire et ses missionnaires reçoivent juridiction entière "pour s’établir dans tous Les Lieux qu’ils jugeront Les plus propres (•••) sans

11. Lettres patentes de Mgr de Saint-Vallier au Sémi­ naire de Québec pour l’établissement des missions du Mississipi, 30 avril 1698, ASQ, Polygraphie, IX, 3: 1. Original signé et scellé.

12. L’évêque de Québec renouvela la permission par de nouvelles patentes le lendemain, 1 mai, ASQ, Polygraphie, IX, 2. Les Archives du Séminaire possèdent aussi trois copies des patentes du 1er mai. Deux copies ont été authentifiées par l’in­

tendant Bochart de Champigny, et la troisième par le notaire Rageot. Cf. ASQ, Séminaire, XXXV, 19. Le texte en a été publié, dans une orthographe moderne, dans Mandements des Evêques de Québec, I: 377.

qu’il soit permis a d’autres de differents corps de faire des etablissemens dans Les Lieux ou Ils Seront établis et dans les autres Lieux mesme qu’ils auront choisis”(13) avec l’agrément de l’évêque. Le supé­ rieur des futures missions, nommé par les autorités du Séminaire, ”grand vicaire Supérieur et general dans tous les dits Lieux”, possédera la faculté de "révoquer ou restreindre les pouvoirs et privilèges susdits que nous aurions accordé aux particuliers, s’il Le juge apropos pour Lebien de Loeuvre”(14).

Le texte de ce mandement, d’un si grand inté­ rêt pour l’histoire missionnaire du Séminaire de Québec, fut composé par Mgr de Laval lui-même avec le concours de l'abbé Charles Glandelet; Mgr de Saint-Vallier n’en voulut corriger que quelques mots ici et là(15). On n’aura pas été sans remarquer l’allusion à "ces parti­ culiers” et "autres de différais corps”, dont l’intru­ sion paraissait à craindre, et qui surtout invoqueraient des pouvoirs concédés précédemment. Les deux auteurs

13. ASQ, Polygraphie, IX, 3: 1. 14. Ibid., 2.

du document, en prenant de telles précautions, enté­ rinées par l’évêque, tenaient à se prémunir, peut- etre contre de nouvelles visées des Récollets, et, très certainement, contre les réclamations des Pères de la Compagnie de Jésus. Les Récollets, après leur rebuffade de 1685, n’en avaient pas moins conservé l’espoir d’obtenir pour eux seuls quelque territoire missionnaire., Assurés de la protection de Frontenac, revenu dans la Colonie en 1689, ils essayèrent de sup­ planter les Jésuites dans leurs missions outaouaises. Le gouverneur et ses comparses des Pays d’En-Haut

continuaient, comme jadis, d’ignorer les désordres des coureurs des bois, toujours par crainte de tarir, par leur rigueur, les profits qu’ils retiraient de la trai­ te» Ils ne pardonnaient pas plus qu'autrefois les

dénonciations contre "les deux infâmes commerces (...), le commerce de l’eau de vie et le commerce du vice avec les Français”(16), et s’étaient jurés de remplacer les Jésuites par les fidèles Récollets. Frontenac le décla­ ra carrément, un jour de 1696, au P. Jacques Gravier, supérieur des missions outaouaises: ”Les Recolletcs

16. Le P. de Carheil, s.j., au gouverneur de Callières, 30 août 1702, cité par Rochemonteix, Les Jésui­

yroint dans ce Lieu La mesme et que si les iesuittes y alloint et Luy mesme pere gravier il y auroit un ordre de Les en chasser"(17). La menace était d’au­ tant plus sérieuse que Mgr de Saint-Vallier inclinait fortement à l’appuyer de son autorité. Mgr 1’Ancien, qui de sa retraite observait ces démêlés, s’en était bien aperçu, et s’attendait a la victoire des proté­ gés du comte de Frontenac:

Le p. Lamber(ville) et tous Les iesuittes peuvent Bien sasseurer que M (Mgr de Saint-Vallier) sil Revient envoyra Les Recollects a toutes Les missions des outaouas l’affaire eust este executee cette annee sans un ordre exprès Receu de La cour de ny point envoyier au­ cun françois et précédemment Les peres iesuittes estoint empesches dy aller et Les Recollect y estoint envoyies iusques dans Les Lieux mesme ou Les iesuittes estoint ac­ tuellement (...) Le pere Bruyas supérieur et le dict p. gravier se pourveurent a M. Dollier grand vicai­ re de M et Luy fisrent connoistre que M avoit donne des Lettres de grand

vicaire au dict pere gravier a quoy Mr dollier fist réponse quen ce temps La M estoit mal avec Les Recollects mais quil sestoit accommode avec eux et quil nempescheroit pas les Recol­ lects daller dans ses missions et Lon na point voullu permettre audict pere

17. Mgr de Laval, annotations marginales sur une lettre de l’abbé Tremblay aux directeurs du Séminaire de Québec, 3 juin 1696, ASQ, Lettres, M, 22: 37.

gravier quoyque supérieur de toutes Les missions de ces nations dy Retourner et a un autre p, iésuitte qui devoit y aller avec Luy(18).

Par bonheur pour les Jésuites, la Cour, en mettant fin aux congés de traite les 21 et 26 mai 1696, rappela expressément au gouverneur que les défenses ne s'appliquaient point aux Peres de la Compagnie de Jésus, et, en conséquence, d'avoir à les

laisser monter dans leurs "missions des Illinois, des Miamis et des Sioux"(19). Cette décision, il va sans dire, écarta de nouveau les Récollets•

Les religieux de Saint-François ne furent pas les seuls à provoquer les appréhensions des Jésuites. Les propres grands vicaires de Monseigneur de Québec eurent eux aussi l’ambition de s’emparer des missions outaouaises. Les abbés François de Montigny et Dollier de Casson, désignés par Mgr de Saint-Vallier, en 1694,

18. Ibid., 37s. Mgr de Laval répond ici à l’observa­ tion suivante de l’abbé Tremblay: "Le bon Pere (de Lamberville) craint terriblem(en)t que M. de Q, retournant n’oste a ses Peres les Missions des Outaouacs, et c’est ce qui le fait pateliner, et il ne voit pas que c'est ce qui devroit le faire parler c(omm)e nous."

19. Louis XIV au gouverneur Frontenac et à l’intendant Champigny, 27 avril 1697, dans RAPQ(1928-1929):332.

pour le remplacer en son absence à Québec et à Montréal, ne s’étaient-ils pas avisés de profiter de la querelle entre les deux communautés pour installer a leur place des prêtres du Séminaire et des Sulpiciens. M. de Montigny s’en ouvrit à plu­ sieurs reprises à l’abbé Glandelet et à Mgr de Laval afin de les gagner à ce projet insolite. Mgr l’An- cien, qui toute sa vie avait veillé avec tant de soin à maintenir l'union et la charité dans le clergé, lui répondit vertement qu’un tel dessein "nestoit formé que dans Lesprit de division que cestoit purement Lesprit du desmon qui en estoit Lauteur que lon ne pouvoit en attendre aucune Bénédiction” et lui dit sa surprise ”qu’il puisse estre forme par des ecclesias­ tiques qui font profession destre tout a dieu dans un pays comme celuy cy”(20). Les deux personnages ne se rendirent pas du premier coup, et devant leur insis­ tance, Mgr de Laval ne douta pas qu’ils n’eussent

Receu de M des ordres et des instruc­ tions parce que quoy que quoy que-(sic) iay dict a M. de mont(igny) mes senti- mens sur ce dessein il est encore Revenu pour la deux ou troisiesme fois treuver

20. Mgr de Laval, annotations marginales aux pages 38 et 39 de la lettre de l’abbé Tremblay, du 3 juin 1696,

Mr Glandelet et Le solliciter dexciter Le séminaire a se join­ dre avec Les ecclesiastiques de montroyal pour aller dans ses missions et de se servir de Loc- casion des contestations entre Les Recollects et Les iesuittes que Luy M. de montigny estoit tout dis­ posé dy aller(21).

En 1698, le souvenir de ces petites intrigues était encore vivace chez les Pères jésuites. Ne ver­ raient-ils pas dans l’initiative du Séminaire une au­ tre tentative de les évincer? Des lors, n’était-il pas à prévoir que, refusant de lui laisser le champ libre, ils voulussent imposer leurs propres missions aux côtés des siennes? Par ailleurs, malgré ses pro­ messes formelles de réconciliation avec le Séminaire,

il était trop tôt pour ne pas redouter de la part de Mgr de Saint-Vallier quelque volte-face au bénéfice des Récollets, voire des Jésuites(22). Ces derniers, en fait, détenaient toujours les pouvoirs qu’en 1690 le

21. Ibid., 39.

22. L’abbé Tremblay écrit lui-même que l’évêque de Québec a ”dit au P. Lamberville que si les Jes(uites) lui procurent son retour il sera dévoilé à leur compagnie, quil leur conservera a eux seuls les Missions sauvages, qu’il n’agi­ ra que par leur conseil, quau contraire sil ne retourne pas, Il envoiera lannée prochaine des Recollets dans leurs Missions.” Ibid., 47.

prélat leur avait renouvelés pour les missions des "Illinois et les circonvoisines, aussi bien que celles des Miamis, des Sioux et autres du pays des Outaouacs et vers le couchant"(23). Voilà pourquoi Mgr de Laval et 1’abbe Glandelet avaient cru sage de demander la mission exclusive du Mississipi sans que "d’autres de drfférens corps" ne fussent autorisés à s’y établir "que de leur consentement".

Bientôt cependant, il parut que même cette pré­ caution à l’égard de la Compagnie de Jésus n’était pas suffisante et manquait de précision. Le Séminaire "ayant Résolu de commencer par Les nations Les plus esloygnees et les plus abandonnées" se rendit compte "quil nestoit pas possible dexecuter ce dessein sil

navoit un establissement plus proche qui Luy pust servir pour avoir une correspondance facille tant a quebec qua- vec les missionnaires qui seroint dispersés dans Les dittes nations esloignées"(24). Le fait de passer par les territoires confiés aux Jésuites ne présenterait

23. Mission donnée aux Jésuites pour toutes les con­ trées des Outaouacs, etc., dans Mandements des Evêques de Québec, I: 274,

24. Mgr de Laval à Tremblay, 1699, ASQ, Lettres, N, 129: 1.

sûrement pas de problème; par contre, le choix de ce relais indispensable, lui, pourrait bien en fai- reenaître un, et d’importance! Le maintien des bon­ nes relations entre les ouvriers évangéliques exigeait a tout prix que ce premier jalon n’empiétât en aucune façon sur ”la mission des Illinois et les circonvoi- sines”(25)idu P. Jacques Gravier. Mgr de Laval et les directeurs du Séminaire ne négligèrent rien pour se

renseigner exactement. Après avoir consulté "les Cartes Géographiques de ces Lieux La"(26), ils voulurent

25. Mission donnée aux Jésuites pour toutes les con­ trées des Outaouacs, etc., op. cit., I: 274. 26. Exposé des Jésuites du Canada sur leur different

avec Mgr L’Evesque Ancien et Son Séminaire au sujet de la mission Ilinoise des Tamarohais, ASQ, Polygraphie, IX, 25: 1. Quelles étaient ces cartes? On ne nous le dit pas; mais il est cer­ tain que nos missionnaires avaient le choix entre plusieurs tracés du Mississipi, à commencer par la "Carte de la Manitoumie". Publiée par Thévenot

(Recueil de Voyages, frontispice) en 1681, la "Manitoumie" dont l’auteur serait le P. Dablon, est faite de la carte dessinée par Louis Jolliet, à son retour à Québec, et de la carte du P. Mar­