• Aucun résultat trouvé

LE PROBLEME DE LA JURIDICTION EN LOUISIANE

C- ARRET DE LA POUSSEE MISSIONNAIRE

2. LE PROBLEME DE LA JURIDICTION EN LOUISIANE

Le 1er mai 1682, Louis XIV a désigné, pour

succéder au comte de Frontenac, Joseph-Antoine Lefebvre

26, Cf, Delanglez, Frontenac and the Jesuits, 18s, 27, Cf, Rochemonteix, op, cit,, III: 534s.

de la Barre. Le nouveau gouverneur "a de la capa­ cité et de lesperience dans les affaires soit de la guerre soit de la Justice, assure M. Dudouyt, Il est bien Intentionné, et nest pas Intéressé, son but est de restablir toutes choses dans la paix (...) Mr de Meule, continue le grand vicaire, va estre Intendant

(...) il a de la bonté et de la facilité. Mr bégon ma dit quil luy recommanderoit les Interests de legli- se du Canada”(1). De fait, les deux fonctionnaires royaux s’acquittent au mieux de leurs devoirs, et d’excellentes relations s’établissent entre eux et l’évêque, Mgr de Laval remercie la Cour des ordres qu’elle a donnés en ce sens, et promet son entière collaboration: ”0n ne peut estre plus reconnaissant que je le suis de cette nouvelle marque de vostre bonté, Monsieur, écrit-il au Marquis de Seignelay, et

je tascheray de contribuer de ma part tout ce qui me Sera possible pour agir de concert avec ces Messieurs dans les choses regardant mon ministère”(2). Déjà ils ont conféré ensemble à propos de l’établissement des 1. Dudouyt à Mgr de Laval, 26 mai 1682, ASQ, Lettres,

N, 62: ls.

2, Mgr de Laval à Seignelay, 12 novembre 1682, ASQ, Lettres, N, 68a: 1 (original copie). Voir aussi, Mgr de Laval à Louis XIV, 12 novembre 1682, ASQ, Lettres, N, 68b (copie).

cures fixes et de la réglementation de la dîme. D’autres problèmes, comme l’érection canonique des paroisses, la construction de chapelles et la re­ cherche de revenus pour affermir le Chapitre et le Séminaire, accaparent tous les soins du vaillant pasteur. Profitant du climat de confiance et de compréhension mutuelles qui règne maintenant, Mgr de Laval se hâte de parfaire l’organisation religieu­ se du pays, car il songe sérieusement à se démettre. Il a dépassé la soixantaine, et de pénibles et conti­ nuelles infirmités l’ayant beaucoup affaibli(3), il

se persuade dans son humilité qu’un évêque plus jeune et plus vigoureux le remplacera avantageusement. Mais il entend bien, auparavant, mettre toutes choses en

3, "En 1684, Mgr s’étant retiré à S. Michel sur la fin du mois d’octobre et se trouvant notablement épui­ sé et beaucoup plus incommodé qu’à l’ordinaire de la descente(hernie)qu’il avoit contractée depuis près de 20 ans par des efforts qu’il avait faits dans ses missions en faisant de grands voyages en raquettes..." Mémoire touchant M. François de Laval ancien et premier évêque de Québec» Anonyme. Conser­ vé aux Archives du Séminaire .de Saint-Sulpice à Paris, vol. I, 1674-1760, n. 27, et copié par Mgr Amédée Gos­

selin. ASQ, Manuscrit, 414, p. 69. Voir aussi, MM, de Brisacier et Fermanel à l’abbé Pallu, 3 janvier 1685, et Les directeurs du Séminaire de Paris à l’ab­ bé Pallu, 20 janvier 1685, Archives du Séminaire des Missions-Etrangères de Paris, vol. 9, p. 471 et 480. Un extrait de chacune de ces deux lettres est repro­ duit dans Quebecen. Beatificationis et canonizationis yen, servi Dei (...) Altéra nova positio super Virtu- tibus.« », Doc. XLV: 19, 20, p. 347.

ordre et léguer à son successeur une Eglise solide­ ment établie. Il y travaille avec son application coutumière, lorsqu’au printemps de 1684, son atten­ tion est brusquement ramenée vers la vallée du Mis­ sissipi, Le courrier venu de France lui révèle que des intrigues se nouent en certains quartiers, et l’évêque découvre avec consternation que des convoi­ tises menacent encore la juridiction du siège de Québec, et l’unité même de 1'Eglise de la Nouvelle-

France,

Il faut dire d’abord que les connaissances sur le Mississipi, et sur son embouchure en particulier, sont devenues des plus confuses en France, Ce beau résultat est dû aux "divagations du groupe d'explora­ teurs en chambre"(4) présidé par deux intrigants, les abbés Bernou et Renaudot(5). Cette coterie s'agite

4, Guy Frégault, Iberville le Conquérant, 265.

5, On sait peu de chose de l’abbé Bernou si ce n'est que, passionné de géographie, il était l'ami et le collaborateur de l'abbé Eusèbe Renaudot, célè­ bre orientaliste et petit-fils de Théophraste

Renaudot. L'abbé Renaudot était fort bien vu à la Cour. "On eut recours à ses lumières dans des affaires de confiance surtout de Rome, d'Angle­ terre et d'Espagne, sur lesquelles il fut invité à rédiger des mémoires dont le roi autorisa la lecture en plein conseil." Cf. Nouvelle Biogra­ phie Générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, publiée sous la direction de M, le Dr Hoefer,XLI: 997s. Voir également, sur Bernou, Marc Villiers du Terrage, La Louisiane,

autour d’un aventurier espagnol réfugié à Paris, don Diego de Penalosa(ô), ancien gouverneur du Nouveau-Mexique. Sur la foi de ses récits, on com­ pose cartes et mémoires en vue de convaincre la Cour d'entreprendre, à partir de la Louisiane, la conquê­ te des colonies espagnoles du golfe du Mexique. Les cartes indiquent que vers le sud, au-delà d'une Loui­ siane qui ne dépasse pas la région méridionale du lac Michigan, s'étend une immense Floride bornée à l'est et à l'ouest par les possessions de l'Espagne. Rien de plus facile, affirment les don Quichottes parisiens, de débarquer quelque part sur la côte le noble hidalgo à la tête des mille huit cents flibustiers de Saint- Domingue qui, réunis aux milliers d'indiens impatients de secouer le joug espagnol, enlèveront en un tour de main la Nouvelle-Biscaye et ses riches mines d'or et d'argent. En 1683, La Salle, qui est venu à Paris

5. (suite)

histoire de son nom et de ses frontières successi­ ves (1681-1819), dans Journal de la Société des Américanistes de Paris, XXI, n. s. (1929), 19; et

sur l'un et autre abbé, Delanglez\ Some La Salle Journeys, 11 et 12, et 12 à 14.

6. Sur ce personnage et les projets qu'on lui prêtait, voir Margry, III: p. 39 à 87; Delanglez, Penalosa*s expédition and La Salle, dan s Some La Salle Journeys 65s.

faire approuver ses projets de colonisation, et trouver les moyens de les réaliser, constate que, si le roi ne croit pas encore à l'utilité de ses découvertes(7), le ministre, en revanche, n’est pas loin de prendre à son compte les chimères du clan Renaudot(8). A l’instigation de Bernou(9), l’explo­ rateur, dans l’espoir d’obtenir les ressources dont il a un pressant besoin, ne se fait pas prier pour entrer dans le jeu. Aux fins de dissiper les derniè­ res hésitations du marquis de Seignelay, il trace une nouvelle carte de son récent voyage, sur laquelle il dessine un étrange Mississipi-Colbert. Le fleuve, baptisé aussi Saint-Louis et même Choucagoua, abandon­ nant aux environs du 34° degré de latitude, sa course

7. ”Je suis persuadé comme vous que la descouverte du sieur de La Salle est fort inutile.” Louis XIV au gouverneur de La Barre, 4 août 1683, Margry, II: 310.

8. Mgr de Laval aux directeurs du Séminaire de Québec, Pari s, 1685, ASQ, Séminaire, V, 10: 14.

9. "Ainsi, je crois que M. de La Salle fera très bien de négocier avec ledit sieur comte (Penalosa),

tant pour contenter M. de Seignelay que pour s’ins­ truire de tout, (...) Cette union des deux entre­ prises ne peut estre qu’utile à M. de La Salle, tant pour intéresser les Ministres à son affaire en considération de l’autre que pour son propre avantage, en conservant les lumières et les moyens de devenir chef de l'autre et prince de Soglio de Moctezuma.” Bernou à Renaudot, Rome, 29 février

nord-sud, coule freine ouest sur une distance de

plus de deux cents lieues, puis se retourne brusque­ ment en direction du sud-est pour venir déboucher à quelques trois cent cinquante milles de son véritable emplacement. Grâce à ce tracé fantaisiste, le Missis- sipi s’est rapproché fort à propos du Rio Bravo et des autres voies d’accès aux mines tant convoitées; mais ces jongleries géographiques ne contribuent pas peu à ”1’érection de ce monument d’incohérence"(10) concer­

nant la situation de la Louisiane et du fleuve Colbert(11).

Or voici que, à la faveur de l’ignorance géné­ rale, les Récollets, partisans de l’aventurier rouen- nais et compagnons de ses voyages, ambitionnent de se voir attribuer la mission exclusive d’évangéliser les peuplades disséminées le long de la "Grande Rivière"(12)

10. Frégault, op. cit., 266.

11. Au reste, La Salle apporta plusieurs autres chan­ gements à la géographie du Mississipi et de la Louisiane pour répondre aux désirs de ses con­ seillers et profiter de leur influence. Toute cette affaire a été traitée en détail par Marc de Villiers, La Louisiane, histoire de son nom et de ses frontières successives, op. cit., 20s., et par Jean Delanglez, Some La Salle Journeys, 65s. 12. C’est la traduction de Mississipi, mot algonquin

dont les racines sont: Mis, qui signifie gros, grand; et sipi: rivière, fleuve. Voir E. Guinard, o.m.i., Les noms indiens de mon pays, 101; et

t,-O^1X -O *> :. ■^S0 V** fs4 >•>- ?£ «K^7 -r-<^ £ <V - t *' , -Z^'. K »<>■? <■ >/ ^C^OA > J/xj <>o *? A /

H

<4 JO >««■<> . V* <?£

(TM

/ s s *

La Louisiane en 1684, d'après la carte de Jean-Baptiste-Louis Franquelin. Cf. supra p. XXIV.

Québec est par trop éloigné pour y exercer une auto- ^-iie efficace(13), ils prétendent, grâce à l’appui du cardinal d’Estrées(14), leur protecteur, obtenir de Rome la création d’un vicariat apostolique dont leur Ordre sera seul chargé,,

D’autres clercs, et ce sont les messieurs de Saint-Sulpice, jettent aussi les yeux sur les mêmes territoires. Ils en parlent au moins depuis 1681, alors que M, Tronson avertit M, de Belmont, supérieur de Montréal, qu’il faut "tascher de se tenir prests pour y aller aussytost que le Seigneur en donneroit les ouvertures”(15), Aussi, la nouvelle de la décou­ verte des bouches du Mississipi que La Salle apporte à Paris produit-elle un grand intérêt chez les Sulpi- ciens. Le découvreur, qui leur doit beaucoup, et dont

13, Cf, Chrestien Le Clcrcq, Premier Etablissement de la Foy dans la Nouvelle France, II: 275,

14, César d’Estrées, né à Paris le 5 février 1628 et décédé le 18 décembre 1714, Evêque de Laon, il devint Cardinal en 1674, Louis XIV lui confia d’importantes missions diplomatiques en Bavière, en Espagne, et à Rome surtout où en 1682, il s’était habilement entremis lors de l’affaire de 1’Assemblée du Clergé, Voir Nouvelle Biographie Générale,« , , XV: 578s, Dudouyt à Mgr de Laval, 3 juillet 1682, ASQ, Lettres, N, 67: 1.

15, Extrait d’une lettre de M, de Tronson, supérieur de la communauté de Saint-Sulpice, â M, l’abbé de Belmont, 30 mai 1681, Margry, II: 275,

le propre frère, l’abbé Jean Cavelier, appartient lui-meme à Saint-Sulpice, n’a pas manqué d’aller présenter ses respects et raconter ses aventures, ”J’ay olly avec plaisir le récit que M. de La Salle nous a fait de sa descouverte, écrit M, Tronson à Dollier de Casson, C’est un beau voyage et que les personnes intelligentes estiment fort considérable, si les choses sont comme il les représente”(16).

”J’ay fort entretenu M. de La Salle sur sa descouver­ te, dont il m’a donné une très-belle carte, écrit-il encore à l’abbé de Belmont, ... M. le marquis de Sei- gnelay l’a fort escouté. Le Roy l’a très bien reçeu; et si son entreprise réussit, ce que plusieurs ont peine à croire, il aura apparemment de quoy se dédom­ mager de ses pertes”(17). Le Supérieur de Saint- Sulpice est-il de ceux qui ”ont peine à croire”, ou bien, au contraire, voit-il dans les desseins de l’ex­ plorateur les "ouvertures” qu’il attend de la Providence?

16. Le même à l’abbé Dollier de Casson, 10 avril 1684, ibid., 354.

17. Le même à l’abbé de Belmont, ibid.. 355. Comme on le-voit, tout le monde n’était pas dupe. Les histoires de La Salle ressemblaient par trop aux hâbleries du récollet Louis Hennepin aux yeux de ceux qui n’avaient pas complètement oublié le voyage de Louis Jolliet.

Le fait est qu’il laisse deux de ses prêtres, les abbés Jean Cavelier et François Chefdeville, se joindre à l’expédition vers le golfe du Mexique. Les Sulpiciens, s’ils ne vont pas, pour le moment, jusqu’à reclamer un évêché, sont pour le moins d’avis, eux aussi, que les futures conquêtes se situent hors de portée de la juridiction de Québec puisque les deux missionnaires s’adressent, comme autrefois l’abbé de Queylus, à l’archevêque de Rouen. Le 27 mai 1684, ils

en reçoivent les pouvoirs de juridiction ”in illas regiones Novae Franciae in quibus nullus reperitur episcopus vel vicarius apostolicus"(18).

Heureusement pour l’évêque de Québec, le grand vicaire Dudouyt se tient aux aguets, et rien de ce qui intéresse le diocèse ne lui échappe. Il recueille avec soin les détails de ces machinations, à mesure qu’ils lui parviennent, et en remplit un long rapport que, dès l’ouverture de la navigation, il expédie à son supérieur. M. Tronson lui a confié que l’abbé Cavelier et deux de

ses cousins vont partir pour le Mississipi. ’.'Cela me

18, Décret de Mgr Nicolas Colbert, coadjuteur de l’ar­ chevêque de Rouen, autorisant les abbés Jean Cavelier et François Chefdeville à se rendre com­ me missionnaires en Louisiane, du 27 mai 1684, Margry, II: 475s.

fait croire, écrit-il le 2 mai, que Messieurs de St» Sulpice pourroient avoir quelque dessein den- voyer de leurs gens dans ce poste avancé...”(19). Il apprend aussi que La Salle, qui a obtenu deux cents hommes et quatre récollets, quantité de pro­ visions et même du canon, se propose de passer

d’abord par son fort des Illinois avant de descendre le cours du Mississipi. Ce projet hasardeux inquiète Dudouyt: ”11 est à craindre, dit-il, que les missions ne souffrent et que tout cela nous atire la guerre des

Iroquois”(20). Mais le 26 du même mois, le grand vi­ caire en sait bien davantage, grâce aux indiscrétions du Père Zénobe Membré. Le Récollet, trop bavard,

a dit il y a deux Jours a Mr du Chesneau tout le secret du dessein de Mr de la Salle: il ne retourne pas par quebec mais

il va tout droit a lemboucheure de la ri­ vière par laquelle il est descendu a la mer ou il doit bastir un fort et y laisser la moitié de son monde et conduire lautre moitié par la mesme riviere a Son fort des Illinois (...) Il mene quatre recollects Scavoir le p. Zenoble et le p. Maxime et deux autres flamans le p. Zenoble est Supé­ rieur et comme on luy a demandé dequi il prenoit mission il a répondu quil latendoit de Rome Monsieur Cavelier et deux de ses parens Ecclesiastiques dont un demeure actuellement a St. Sulpice vont avec ledit 19. Dudouyt à Mgr de Laval, 2 mai 1684, ASQ, Lettres,

N, 83: 3.

20. Le même au même, du 28 mars au 11 juin 1684, ASQ, Lettres, N, 79: 4.

Sieur de la Salle. Jescriray dans deux jours à Mr pallu a Rome afin quil Sin- forme Si Ion accorde des pouvoirs aux peres recollects et quil fasse connois- tre que les missionnaires qui travaillent sous vostre authorité sont actuellement dans ces lieux la qui dépendent de vostre Jurisdiction Jusques a ce que le St. Sié­ gé y ayt nommé des Evesques. (...) Jescris a Mr pallu comment se sont comportes les p. Zenoble et maxime. La Cour a entré dans les Idées de Mr de la Salle. Je ne scay pas ce que cela (va) produire il y (a) tout suiet de craindre que les mis­ sions et le pais nen souffrent notable­ ment (21 ) .

Des qu’il eut pris connaissance de ces inquié­ tantes révélations, Mgr de Laval comprit qu’il n’y avait plus un instant à perdre, et qu'il lui faudrait encore une fois, aller défendre sa cause en France:

Il estoit de grande importance de ne pas différer a faire voir Le droit de La iusridiction de Levesché de quebec et de travailler a se maintenir dans La possession; iay envisagé cette af­ faire de telle conséquence que ie La jugé/comme ie vous Le dis Lorsque Lon me proposa Le voyage de france/seulle capable de me Le faire entreprendre, et il semble que nostre seigneur me donnoit un pressentiment de tout ce que nous voyons qui seroit arrivé, et qui estoit desia bien avancé(22).

21. Le même au même, 26 mai 1684, ASQ, Lettres, N, 79: 9. Bernou se plaignait que le secret de l’expédition fût si mal gardé. Voir Delanglez, Some La Salle Journeys, 84s.

22. Mgr de Laval aux directeurs du Séminaire de Québec, 1685, ASQ, Séminaire, V, 10: 13.

Non pas qu’il s’obstinât â garder jalouse­ ment toute l’Amérique sous son autorité, mais il connaissait mieux que personne, non seulement les droits conférés par les bulles d'érection de l'Evê- ché de Québec, mais aussi les responsabilités qui

en étaient inséparables. Le Pape, en effet, lui avait assigné

lad. ville de Quebec pour ville Epis­ copale, et pour son diocese, les ter­

res, les villes, et les lieux qui sont apresent ou qui seront avec le temps dans led. pays sous le Domaine temporel dud. Roy Louis, et qui ne sont mainte­ nant sujets a la juridiction spirituelle d’aucun Evêque, selon les bornes et les limittes que led. Roy Louis désignera et que le Siégé Apostolique approu­ verais) .

Le roi de France ni le Souverain Pontife n’ayant jugé à propos de fixer des "bornes et des limittes” a son diocèse, il ne faisait aucun doute que tout terri­ toire nouvellement découvert sur le continent tombait sous la juridiction de l'évêque de Québec, et que, dès lors, aucun missionnaire n'y pourrait "travailler a La conversion des infidelles que sous La dépendance du dit

23. Clause extraite et traduite des Bulles d'Erection de L’Evesché de Québec, dans Mémoire envoyé par Mr L'Abbé de S^ Vallier nommé à L'Evêché de Qué­ bec , BN, Clairambault 1016: 630-631; ASQ, Evêques, 188a (copie). Cf. infra, n. 44.

evesque cest pourquoy, concluait Mgr de Laval, il faut en maintenir Le droit icy"(24). Instruit par une expérience de vingt-cinq ans d’épiscopat, Mon­

seigneur de Québec savait trop bien les conséquences néfastes des conflits d’autorité, spécialement dans une colonie comme le Canada. Sans compter que le mépris étonnant que certains Récollets continuaient d’afficher à l’endroit des ordonnances épiscopales(25), les calomnies qu’en France ils avaient colportées con­ tre le clergé canadien et son chef(26), lui faisaient assez voir le danger de laisser ces religieux se répan­ dre sans contrôle en Louisiane.

La bataille qu’eut à livrer Mgr de Laval ne fut pas facile, le cardinal d’Estrées se montrant '‘fort fer­ me sur cette affaire pour maintenir Le droit des Récol-

lets"(27). Leurs défenseurs multipliaient les mémoires,

24. Mgr de Laval aux directeurs du Séminaire de Québec, 1685, op, cit., 3.

25. Voir Mgr de Laval au Roi et au Ministre, 10 novem­ bre 1683, ASQ, Lettres , N, 78: 2; le même au même, du 28 mars au 11 juin 1684, ASQ, Lettres, N, 79: 2; Dudouyt à Mgr de Laval, 16 mars 1684, ASQ, Lettres, N, 78: 1.

26. Dudouyt à Mgr de Laval, du 15 au 20 juin 1681, ASQ, Lettres, N, 59: 3; le même au même, 9 mars 1682, ASQ, Lettres, N, 61: 14s.; du 26 au 31 mai 1682, ASQ, Lettres, N, 62: 4.

27. Mgr de Laval aux directeurs du Séminaire de Québec, 1685, op. c it., 13.

a la Cour de France, à Rome surtout où ils étaient "faicts avec esprit”, mais "malicieusement et sans Bonne foy"(28). Ainsi, le 27 novembre 1684, le P. Hyacinthe Lefebvre, Provincial de la province de Saint-Denis, avait présenté au Saint-Siège, par l’en­

tremise du cardinal protecteur, une demande de juri­ diction pour ses missionnaires partis avec La Salle

le 1er août précédent. On avait découvert, prétendait- il, "qu’il s’agissait d’une Ile, appelée la Louisiane

(...) que les Pères qu'on y avait envoyé ont été approu­ vés par 1'Archevêque de Paris, qu’il n’y avait pas d'au­