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Dans l’optique d’étudier l’influence de la plateforme sur la coopérativité de nos systèmes, nous avons tenté de synthétiser des dyades dans lesquelles les modules seraient maintenus dans une topologie favorable au transfert d’énergie (ou d’électrons) en réduisant l’espace qui les sépare et en apportant de la rigidité. Pour cela, nous avons repensé la synthèse des dyades de façon à inclure un motif différent du clip thiophosphorylé P1. Les plateformes du type pyrido-2,6-dicarboxamide (PDC) ont attiré notre attention pour les interactions supramoléculaires intramoléculaires qu’elles engendrent. Ces motifs, très utilisés dans des études sur les édifices supramoléculaires en hélices,[227] sur les quadruplexes d’ADN[228–230] ou encore les rotaxanes,[231] sont capable de former des liaisons hydrogène intramoléculaires entre l’azote de la pyridine et les N-H des amides avec une constante d’association de l’ordre de 1010

M-1. Ainsi, contrairement par exemple à leurs analogues isophthaloyles, les « branches » des PDC adoptent naturellement une conformation cisoïde susceptible de rapprocher les deux modules de nos dyades.

Nous avons ainsi imaginé des édifices analogues à la dyade NID4 dans lesquels les deux modules sont assemblés sur une plateforme PDC par l’intermédiaire de motifs triazoles (schéma II.14). Pour l’ingénierie de ces nouvelles dyades, nous nous sommes concentrés sur les modules ayant donné les meilleurs résultats jusqu’alors, à savoir le quadrupôle donneur bis-azoté, et une

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cage du type de MNI-[Ac]. Un analogue basé sur le MDNI, possédant un u plus de 5 fois supérieur, a également été visé pour améliorer encore l’efficacité du système coopératif. Enfin, les triazoles intermédiaires ont été incorporés dans l’édifice pour trois raisons : la facilité d’assemblage des modules par chimie « click », la possible contribution du -stacking à la stabilité de l’édifice contribuant à maintenir les modules dans une conformation favorable, et la potentielle médiation du transfert d’énergie mentionnée précédemment.

Schéma II.14 : Schéma des dyades « supramoléculaires » visées dans ce paragraphe, et des interactions mises en jeu.

III.1. Synthèse de la plateforme PDC

La plateforme pyridine dicarboxamide est élaborée de façon à pouvoir réagir avec les modules dans une réaction de cycloaddition azoture-alcyne catalysée au cuivre (CuAAC), en formant les liens triazole. Pour cela, il était possible d’inclure soit les alcynes soit les azotures sur la plateforme. Il s’est avéré au cours des expériences menées que la seconde option était la plus abordable synthétiquement, tant au niveau de la plateforme pyridine elle-même que du module quadrupolaire (vide infra).

Finalement, la plateforme P2 sélectionnée a été synthétisée à partir du dichlorure d’acide 109 et de la propargylamine disponibles commercialement (schéma II.15).

Schéma II.15 : Synthèse de la plateforme « clickable » P2.

La réaction entre le chlorure d’acide et l’amine est effectuée en présence de triéthylamine pour piéger l’acide chlorhydrique dégagé. Le THF est choisi comme solvant de

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réaction de façon à faire précipiter les sels de triéthylamine au cours de la réaction, et à faciliter le traitement. Dans ces conditions, la plateforme difonctionnalisée P2 est obtenue avec un rendement quantitatif après un simple lavage à l’éther diéthylique.

III.2. Modification de la fonction de greffage de l’antenne

Pour pouvoir introduire l’antenne quadrupolaire sur la plateforme P2 par chimie click, il s’est avéré nécessaire de repenser la synthèse de sa partie greffable. En effet, des essais préliminaires d’alkylation du phénol de A4 n’ayant pas apporté de résultats satisfaisants, il a été décidé de soustraire l’éther d’hydroquinone de la branche greffable pour travailler directement sur l’alcool libre, de façon à le transformer en azoture en fin de synthèse.

Dans cette optique, le quadrupôle (OH)A4, analogue direct de (HQ)A4 possédant une fonction hydroxyle terminale, a été synthétisé en deux étapes. Comme dans la voie de synthèse présentée en I.3, une première réaction de Sonogashira réalisée cette fois directement sur l’intermédiaire 102 a permis d’obtenir l’alcyne protégé 110. Celui-ci est ensuite couplé avec l’intermédiaire dissymétrique 106, avec déprotection du groupement TMS in situ, pour obtenir (OH)A4 avec un rendement de 54%.

Schéma II.16 : Synthèse du quadrupole (OH)A4 par couplages successifs de Sonogashira.

Les dernières étapes de synthèse du module consistent à modifier la fonction de greffage du quadrupôle afin de la rendre compatible avec le mode de greffage imposé par la plateforme. Pour cela, il faut transformer l’alcool primaire en nucléofuge. Cette transformation s’est toutefois avérée plus délicate que prévue, et une réactivité très particulière a été mise en évidence pour ce -anilino alcool. Les essais effectués sont résumés dans le tableau II.5.

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Tableau II.5. Conditions étudiées pour la transformation de l’alcool intermédiaire (OH)A4 en quadrupole greffable.

Entrée Conditions X = Conversion

[a]

(Rendement [%]) Observations 1 MsCl, CH2Cl2, 0 °C – t.a. Totale Dégradation

2 TsCl, CH2Cl2, 0 °C – t.a. Incomplète Dégradation

3 Bromure de propargyle, NaH, NaI

THF, 0 °C – 60 °C Aucune - 4 I2, PPh3, imidazole, CH2Cl2

t.a.

Totale

(97%) -

[a] Conversion estimée par plaque CCM

La réaction de (HO)A4 avec le chlorure de mésyle (entrée 1) a d’abord été envisagée. Si la disparition du produit de départ est bien observée après 16 h à température ambiante, de nombreuses tâches faiblement fluorescentes ont été détectées sur CCM. Aucune fraction majoritaire et aucun produit n’ont pu être isolés purs après chromatographie sur colonne de silice, ce qui montre une probable dégradation du produit dans le milieu réactionnel. Les mêmes observations sont effectuées lors de l’utilisation de chlorure de tosyle, préalablement purifié par recristallisation (entrée 2), avec cependant une conversion incomplète traduisant une moindre réactivité de ce réactif. Une tentative de propargylation de l’alcool a été menée avec du bromure de propargyle en conditions basiques (entrée 3). De façon toute aussi étonnante, aucune conversion n’est observée après 24h, malgré l’ajout d’iodure de sodium. Le produit de départ est récupéré à 88% après filtration sur silicagel. Finalement, face à ces difficultés, il a été envisagé de transformer l’alcool en halogénure. Plutôt que la transformation en chlorure ou en bromure, c’est une iodation dans les conditions de Garegg[232] qui a été sélectionnée (entrée 4). En effet, cette réaction en présence de triphénylphosphine présente un mécanisme s’apparentant à celui d’une réaction de Mitsunobu ; réaction ayant été effectuée avec succès sur le synthon 102 pour l’introduction de l’hydroquinone (cf. paragraphe I.3). Il s’avère effectivement que dans ces conditions, l’alcool est converti totalement en 2 h à température ambiante, ce qui donne accès à un quadrupôle iodé (I)A4 de façon quasi-quantitative. La purification sur colonne de silice a même pu être évitée grâce à l’utilisation de triphénylphosphine supportée. Il faut noter que le produit prend rapidement une coloration verte très prononcée qui traduit sa très forte

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réactivité, et l’éventuelle formation de l’iodure d’aziridinium résultant de l’attaque nucléophile de l’azote voisin.

L’intermédiaire clé (I)A4 ouvre la porte à de nombreux types de fonctionnalisations et de greffages. Ici, compte tenu de la fonctionnalité de la plateforme P2, il a été choisi de substituer l’iode par un azoture en présence de NaN3 (schéma II.17).

Schéma II.17 : Synthèse du quadrupole (N3)A4 par substitution nucléophile avec de l’azoture de sodium.

La très forte réactivité de l’iodure (I)A4 est à nouveau mise en évidence par un changement de couleur quasi instantané de la solution lors de l’ajout d’azoture de sodium. Le module greffable final (N3)A4 est obtenu avec un très bon rendement en moins d’un quart d’heure. Le solvant choisi pour la réaction a néanmoins ici une importance cruciale. La même réaction effectuée dans l’acétone n’aboutit pas à la conversion totale du produit de départ, même après trois jours à reflux. Cette différence de réactivité peut être attribuée à la forte solubilité dans l’acétone de l’iodure de sodium produit par la substitution, ce qui empêche le déplacement de l’équilibre.

III.3. Assemblage des modules par chimie click

La synthèse des dyades basées sur la plateforme P2 s’effectue par réaction « click » CuAAC en deux étapes distinctes. La difficulté initiale réside dans la désymétrisation induite au cours de la première cycloaddition. Pour favoriser le produit de mono-addition, l’azoture (N3)-A4 est ajouté en solution diluée, goute à goute, sur un large excès de P2. Dans ces conditions contrôlées, le produit intermédiaire 111 est obtenu avec un bon rendement après purification. Le double quadrupôle issu de la double click est quant à lui isolé à hauteur de 25%, et pourra être utilisé lors des caractérisations photophysiques.

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Schéma II.18 : Synthèse de l’intermédiaire dissymétrique 111 par cycloaddition de Huisgen catalysée au cuivre.

L’alcyne terminal restant sur l’intermédiaire 111 est ensuite clické sur deux modules décageurs 112 et 113 basés respectivement sur le MNI et le MDNI présents au laboratoire à la suite de travaux précédents sur les triades. La réaction est effectuée dans une salle noire, dans les mêmes conditions que pour l’étape précédente.

Schéma II.19 : Synthèse des dyades PDC par seconde cycloaddition de Huisgen entre l’alcyne 111 et les azotures photosensibles 112 et 113.

La réaction avec le module basé sur le MNI 112 devait permettre la comparaison directe avec la dyade NID4 obtenue précédemment, de façon à étudier l’influence de la plateforme. Malheureusement, la réaction de cycloaddition entre les sous-unités 111 et 112 a conduit à un mélange complexe d’au moins 5 produits en très faible quantité n’ayant pas pu être identifiés. La dyade NIPDC4 n’a donc pas pu être isolée jusqu’alors.

Malgré un mélange de plusieurs produits, une fraction majoritaire a toutefois pu être isolée par chromatographie après la réaction entre 111 et 113. Le produit s’est malheureusement avéré très instable en solution, et malgré les précautions nécessaires pour le conserver à l’abri de la lumière, les analyses RMN et MS montrent rapidement la présence du sous-produit

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acétylé censé se former après la photolibération. Ceci pourrait indiquer que la combinaison entre le quadrupôle A4, très fort donneur d’électrons, et le module DNI, très appauvri, n’est pas stable dans le noir, et inutilisable en tant que décageur. Une tentative de cristallisation du produit a été effectuée afin de visualiser l’assemblage à l’état solide par DRX, mais elle n’a pas abouti.

Les difficultés de synthèse et le manque de stabilité du produit DNIPDC4 ne nous ont jusqu’ici pas permis d’étudier ses propriétés photophysiques. L’étude de ces deux dyades basées sur la plateforme P2 n’a pour l’instant pas été poursuivie. Les obstacles synthétiques franchis lors de la modification de la fonction de greffage de A4 ouvrent toutefois la voie vers la synthèse de nouveaux édifices qui seront abordées dans les chapitres suivants.