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II. Synthèse de dyades basées sur la DEAC450

II.1. Synthèse d’intermédiaires 3-halogénocoumarines

La synthèse des intermédiaires halogénés nécessaires au couplage de Heck pallado-catalysé est réalisée à partir du composé commercial 114. La première transformation est une oxydation du méthyle en position 4-.

II.1.1. Synthèse de l’intermédiaire 7-diéthylamino-4-hydroxyméthylcoumarine

La synthèse de l’intermédiaire clé 7-diéthylamino-4-hydroxyméthylcoumarine a été extensivement décrite dans la littérature[177] depuis les premières utilisations de la DEAC en tant que cage. L’oxydation du méthyle en alcool est généralement effectuée de façon indirecte ; en réalisant de façon séquentielle l’oxydation en aldéhyde, suivie d’une réduction du composé 115 en alcool. De par le caractère pseudo-allylique du méthyle, dans l’immense majorité des rapports, l’étape d’oxydation est réalisée avec du dioxyde de sélénium. En se fixant sur la position 3- libre du composé 114, le sélénium induit un réarrangement sigmatropique [2,3] d’un de ses atomes d’oxygène vers la position 4- voisine, aboutissant consécutivement à la formation

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d’un aldéhyde. La réduction de l’aldéhyde est ensuite réalisée dans des conditions douces à l’aide de borohydrure de sodium, sans forcément isoler l’intermédiaire 115.

Schéma III.3 : Synthèse de l’intermédiaire clé 116 par oxydation au dioxyde de sélénium, et réduction consécutive.

Bien que décrite dans la littérature, cette séquence a été réalisée à plusieurs reprises avec des rendements décevants, compris entre 35 et 6% après chromatographie, et qui n’ont pas semblé reproductibles (schéma III.3). Malgré la variation des conditions d’oxydation et l’utilisation de plusieurs solvants différents (toluène, xylène, dioxane/H2O), aucune amélioration n’a été observée. En outre, il a été observé que l’alcool 116 obtenu par cette méthode d’oxydation et chromatographié une seule fois (après l’étape de réduction) entraînait des rendements plutôt faibles sur les étapes suivantes, ce qui pourrait indiquer la présence de sels de sélénium résiduels dans le produit obtenu. De meilleurs rendements ont en effet été obtenus sur ces étapes lorsque l’aldéhyde intermédiaire 115 était lui aussi purifié par chromatographie avant la réduction, ce qui pourrait étayer cette supposition.

Face à ces résultats très handicapants pour une première étape de synthèse, une voie alternative a été étudiée. Nous avons postulé que, de par la répartition électronique de l’hétérocycle, le méthylène benzylique pouvait être suffisamment activé pour engendrer une attaque nucléophile sur un acétal de formamide.[234,235] La nouvelle séquence étudiée implique alors la formation intermédiaire d’une énamine sur la position benzylique (schéma III.4).[236] L’intermédiaire 117 est obtenu par double élimination de méthanol avec du diméthylacétal de DMF (DMFDMA) à reflux. Le composé est obtenu par simple précipitation avec un rendement quantitatif. La double liaison de l’énamine subit ensuite un clivage oxydant à l’aide d’un excès de periodate de sodium, et l’aldéhyde 115 ainsi obtenu peut être réduit dans les conditions classiques.

Cette séquence, décrite depuis dans un nombre croissant de publications,[160,179] présente plusieurs avantages, dont l’absence de sels de sélénium potentiellement toxiques et persistants (également en vue d’applications biologiques). Surtout, elle a permis d’obtenir l’intermédiaire clé 116 sur une échelle de plusieurs dizaines de grammes, avec un rendement global en alcool de 70%.

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Schéma III.4 : Séquence synthétique alternative de l’alcool 116 par condensation de la 7-diéthylamino-4-méthylcoumarine sur du DMFDMA, clivage oxydant et réduction.

La purification de 116 a été généralement réalisée par chromatographie flash sur gel de silice, mais des conditions de recristallisation sont en cours de mise au point au laboratoire. L’optimisation de cette voie de synthèse représente une avancée majeure pour la démocratisation des cages de la famille des coumarines.

II.1.2. Acétylation et protection de l’alcool

La protection de l’alcool 116 a été réalisée par introduction d’un groupement silylé TBDMS dans les conditions décrites par Olson et al.[162]L’alcool protégé a été obtenu avec des rendements variable selon le batch de 116 utilisé, ce qui supporte l’hypothèse de la présence de sels de sélénium dans le produit lorsque l’oxydation est réalisée par SeO2 (schéma III.5). Après optimisation des conditions d’oxydation, le produit 118 peut finalement être obtenu avec d’excellents rendements, généralement sans chromatographie.

Schéma III.5 : Protection de l’alcool 118 par un groupement TBDMS.

Alternativement, le groupement acétyle peut être utilisé pour protéger l’alcool dans la voie de synthèse. La méthode d’acétylation au chlorure d’acétyle dans le THF s’est avérée la plus efficace (schéma III.6). Le produit acétylé DEAC-[Ac], photosensible, est obtenu quantitativement par simple filtration.

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Schéma III.6 : Synthèse du décageur de référence et intermédiaire de synthèse DEAC-[Ac] par acétylation de l’alcool 116.

Il faut noter qu’en plus de son utilité synthétique, DEAC-[Ac] a pu être utilisée par la suite comme référence de photolyse à 365 nm (cf. section V). Pour cette utilisation particulière, le produit a été préalablement purifié par chromatographie (cf. annexe expérimentale).

II.1.3. Halogénation de la position 3-

Dans l’optique de procéder à des couplages organométalliques pour étendre le système -conjugué, l’halogénation de la position 3- de la coumarine a été réalisée. Le couplage avec l’acrylate de tert-butyle décrit dans la voie de synthèse de la DEAC450 est effectué sur un intermédiaire bromé, aussi c’est cette réaction qui a été reproduite en premier. Toutefois, face aux nombreuses difficultés et évolutions de la voie de synthèse (vide infra), il s’est avéré nécessaire d’abord de varier les substrats, puis d’envisager la synthèse d’un substrat iodé, non décrit mais potentiellement plus réactif en conditions de couplage au palladium. Les conditions d’halogénation sont résumées dans le tableau III.1.

La bromation électrophile de la position 3-, activée par le groupement 7-diéthylamino, est réalisée par le N-bromosuccinimide dans l’acétonitrile. Dans ces conditions, la réaction est efficace quel que soit le substituant présent en position 4-. Les composés silylé 118 (entrée 1), acétylé DEAC-[Ac] (entrée 2), ou hydroxylé 116 (entrée 3) sont bromés avec des rendements bons à quantitatifs.

Le cas de la double bromation (entrée 4) est particulier. En effet, afin d’éviter l’oxydation au SeO2, il a été envisagé de bromer de façon séquentielle à la fois la position 3- et la position benzylique. De cette façon, la molécule à cager peut être introduite au cours d’une réaction de substitution nucléophile de l’halogène (cf. paragraphe III). Cette séquence, décrite sur la 7-méthoxy-4-méthyl coumarine, s’est avérée inefficace dans le cas d’un donneur azoté. En effet, malgré la présence de peroxyde de benzoyle dans du tétrachlorure de carbone, aucune bromation radicalaire de la position benzylique n’est observée. Au contraire, l’introduction de 2 équivalents de NBS entraine à la place la double bromation électrophile de la position 3, ainsi que des positions 6- et 8- dans un mélange inséparable de produits. Cette observation indique

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que le donneur azoté favorise exclusivement les réactions électrophiles vis-à-vis d’halogénations radicalaires initiées thermiquement.

Tableau III.1. Etude des conditions d’halogénation de la position 3- de la DEAC.

Entrée Réactif Produit Conditions Rendement (conversion[a]) [%] 1 R = CH2OTBDMS (118) X = Br (119) NBS, NaOAc, MeCN, t.a. 99 2 R = CH2OAc (DEAC-[Ac]) X = Br (120) NBS, NaOAc, MeCN, t.a. 86 3 R = CH2OH (116) X = Br (121) NBS, NaOAc, MeCN, t.a. 57 4 R = CH3 (114) R = CH2Br,

X = Br (122) NBS (2 eq.), peroxyde de benzoyle, CCl4, reflux - 5 R = CH2OTBDMS (118) X = I (123) NIS, NaOAc, MeCN, t.a. 10 6 R = CH3 (114) X = I (124) I2, pyridine, dioxane, t.a. 96 7 R = CH2OTBDMS (118) X = I (123) I2, pyridine, dioxane, 100 °C - (20) 8 R = CH2OH (116) X = I (125) I2, pyridine, dioxane, 100 °C 41 9 R = CH2OH (116) X = I (125) NIS, BF3.Et2O, CHCl3, 0 °C 70 10 R = CH2OTBDMS (118) X = I (123) NIS, BF3.Et2O, CHCl3, 0 °C 51

[a] Déterminée par RMN 1H.

L’iodation électrophile de la position 3-, très encombrée stériquement, s’est avérée beaucoup plus délicate. L’adaptation directe des conditions de bromation (entrée 5) entraîne une réaction très lente, et seulement 10% de produit iodé sont isolés après séparation des produits et réactifs sur gel de silice. D’autres méthodes d’iodation ont alors été testées, avec en premier lieu l’utilisation de diiode en présence de pyridine. Cette méthode donne d’excellents résultats sur le substrat de départ 114 (entrée 6), mais elle s’avère là aussi trop douce dès lors qu’un substituant -CH2OR est présent. Après deux semaines de réaction à reflux, l’alcool libre 116 est iodé à hauteur de 41% (entrée 8), alors que seulement 20% de conversion sont déterminés pour le substrat silylé (entrée 7).

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Finalement, face à ce manque de réactivité, une source d’iode plus électrophile a été utilisée. La complexation d’un acide fort de Brönsted ou de Lewis sur les carbonyles des succinimides est en cela une méthode connue pour exacerber le caractère électrophile de l’halogène et faciliter ainsi l’iodation de noyaux aromatiques appauvris ou désactivés. Ici, l’introduction de BF3.Et2O permet de créer une source d’iode hyper-électrophile suffisamment réactive pour halogéner très efficacement l’alcool libre 116 (entrée 9). Grâce à cette optimisation, le synthon clé 125 a pu être synthétisé à l’échelle d’une quinzaine de grammes. Les mêmes conditions appliquées à l’alcool protégé 118 sont légèrement moins efficaces, possiblement à cause de l’encombrement accru, mais permettent tout de même d’obtenir l’intermédiaire 123 avec un rendement de 51%.