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II. Études photophysiques et photolyses

II.3. Expériences de photolyse

Le rendement quantique de photolibération d’un composé par excitation monophotonique peut être exprimé en fonction de sa cinétique, et de sa capacité à absorber la lumière d’une source d’intensité donnée. L’équation II.1 est souvent utilisée pour définir la valeur de u dans des conditions et un milieu donné[224] :

Φ𝑢 = 1

𝐼 ∙ 𝜎 ∙ 𝑡90 =

1

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Où  est le coefficient d’extinction molaire du composé à la longueur d’onde d’excitation, 𝐼 l’intensité de la source lumineuse en einstein·cm-2·s-1 et t90 le temps correspondant à un avancement de 90% de la réaction de photolyse (en s).

Afin d’évaluer l’efficacité de photolibération des nouveaux composés synthétisés, il est donc nécessaire de déterminer l’intensité de la source lumineuse utilisée. Pour cela, on effectue une actinométrie relative à une référence connue, qui peut être un composé dont la réaction photochimique a été étudiée dans la littérature (par exemple la photo-oxydation du ferrioxalate de potassium[225]), ou bien un décageur de structure voisine des nouveaux composés étudiés.

Dans ces travaux, nous avons considéré qu’il était judicieux de comparer directement des composés ayant des structures et des réactions photochimiques le plus semblable possible. Ainsi, nous avons opté pour la méthode consistant en une série de photolyses comparatives avec

oNV-[Ac] et MNI-[Ac] en tant que références, effectuées dans des conditions rigoureusement

identiques. Dans ce cas, en effectuant le rapport de l’équation II.1appliquée à la référence et à la cage, on obtient : 𝜀𝑒𝑐ℎQ𝑢𝑒𝑐ℎ 𝜀𝑟𝑒𝑓Φ𝑢𝑟𝑒𝑓 = ( 1 1000 ∙ 𝐼 ∙ 𝑡90𝑒𝑐ℎ) ( 1 1000 ∙ 𝐼 ∙ 𝑡90𝑟𝑒𝑓) = 𝑡90 𝑟𝑒𝑓 𝑡90𝑒𝑐ℎ

Où Q𝑢𝑒𝑐ℎ est le rendement quantique déterminé de façon relative de l’échantillon inconnu. En d’autres termes, le rapport des photosensibilités en excitation monophotonique, pour une source lumineuse, dans un milieu et à une longueur d’onde donnés, est égal au rapport des t90 de la nouvelle cage et de sa référence. Cette expression permet ainsi de s’affranchir de la détermination de l’intensité lumineuse. En outre, en considérant que, pour une cinétique d’ordre 1, 𝑡90 = ln (0,1) 𝑘⁄ , où 𝑘 est la constante de vitesse de la réaction de photolyse, l’expression II.2 devient :

Q𝑒𝑐ℎ𝑢 =𝑘

𝑒𝑐ℎ 𝜀𝑟𝑒𝑓

𝑘𝑟𝑒𝑓 𝜀𝑒𝑐ℎ Φ𝑢𝑟𝑒𝑓

Les propriétés de photolibération des nouvelles dyades ont donc été étudiées dans un premier temps selon cette démarche, en effectuant une photolyse comparative par excitation à

(Eq. II.2)

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un photon. L’avancement de la réaction est contrôlé à intervalle de temps réguliers par analyse RMN 1H, l’irradiation de la solution d’échantillon dans le CDCl3 est donc effectuée directement dans un tube RMN en quartz (cf. annexe expérimentale). La production de l'acide acétique photo-libéré est alors mise en évidence par l'apparition d'un singulet tabulé à 2,10 ppm (CH3) ; le signal du groupement acétyle cagé, enregistré autour de 2,20 ppm selon les dyades, disparaissant de manière concomitante (figure II.3-a). L'analyse quantitative de ces signaux permet de déterminer le taux de conversion  au fil du temps, et de tracer le profil cinétique de la réaction.

Le tracé de la droite log(1/1-)) = f(t) a permis de vérifier l’obtention d’une cinétique de premier ordre pour tous les composés, et de déterminer les constantes de vitesses apparentes correspondantes. À partir des valeurs de u rapportées dans la littérature pour les cages de référence oNV et MNI de référence et de l’équation II.3, des valeurs de Qu relatives sont alors déterminées pour chaque dyade (tableau II.4). Les valeurs de photosensibilités à un et deux photons sont ensuite déduites grâce aux valeurs de max et 2max mesurées précédemment.

Tableau II.4. Propriétés de 1PU et 2PU des dyades et de leurs sous-unités oNV et MNI correspondantes dans CHCl3.

Composé Qu/uref maxQu [M-1.cm-1][a] u [GM][b] oNV-[Ac] 1 35 0.03[c] MNI-[Ac] 1 384 0.06[d] A1 - - - (C3)NVD1 0.32 146 0.11 (C3N3)NVD1 0.36 197 0.11 (C6)NVD1 0.36 174 0.10 (C6N3)NVD1 0.26 128 0.05 A2 - - - NVD2 0.11 48 0.10 NID2 0.26 1510 3.7 A3 - - - NVD3 0.13 55 0.25 NID3 0.09 490 2.3 A4 - NVD4 0.13 53 0.98 NID4 0.19 1130 20

[a] Photosensibilité sous excitation à un photon, déduite d’expériences de photolyses comparatives à 365 nm en utilisant des valeurs de uref = 0,006 pour oNV-[Ac] et uref = 0,08 pour MNI-[Ac]. [b] Photosensibilité sous excitation à deux

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II.3.1. Photosensibilité à un photon

Toutes les dyades synthétisées présentent une cinétique de libération supérieure au module décageur isolé (figure II.3-b), ce qui confirme l’effet positif de l’antenne sur l’efficacité de la photolyse. Les rapports Qu/uref, pondérés par le  des dyades, sont toutefois logiquement inférieurs à 1. De façon générale, les dyades de la série NVD1 présentent les Qu les plus importants, ce qui est en accord avec un meilleur recouvrement spectral. En conséquence, les photosensibilités en excitation à un photon des dyades NVD1 sont augmentées d'un facteur 4 à 6 en comparaison avec oNV-[Ac]. Au contraire, les dyades NVD2-NVD4 présentent des u à peine plus importants que celui d’oNV-[Ac].

Figure II.3 : a) Suivi cinétique de la photolibération d’acide acétique sous excitation à 365 nm par RMN 1H (300 MHz) dans CDCl3. b) Tracé des lois de vitesse d’ordre 1 issues des expériences de photolyse.

Les résultats des photolyses comparatives des dyades NVD1 mettent aussi en évidence un léger effet de la longueur et la nature de l'espaceur sur l’efficacité de la photolibération dans la série de dyades NVD1. En effet, la comparaison des valeurs de Qu montre que le rapport le plus faible (0,26) est obtenu pour l’espaceur le plus long (C6N3). L’espaceur le plus court (C3)

y = 0,0105x R² = 0,9901 y = 0,0088x R² = 0,9863 y = 0,0077x R² = 0,9862 y = 0,0106x R² = 0,9961 y = 0,0016x R² = 0,9995 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 100 200 300 log (1 /1 -x) t (min) D1(C3N3)[Ac] D1(C3)[Ac] D1(C6N3)[Ac] D1(C6)[Ac] NVOAc y = 0,0032x R² = 0,9951 y = 0,0035x R² = 0,9986 y = 0,0025x R² = 0,9103 y = 0,0271x R² = 0,9998 y = 0,0084x R² = 0,978 y = 0,0016x R² = 0,9988 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 100 200 300 log (1 /1 -x) t (min) D2(C3)(Ac) D3(C3)(Ac) MNI-OAc D2'(C1N3)(Ac) D3'(C1N3)(Ac) oNV-OAc y = 0,0033x R² = 0,9978 y = 0,0056x R² = 0,9952 y = 0,0058x R² = 0,9697 y = 0,0309x R² = 0,9128 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 50 100 150 log(1 /( 1 -x)) t (min) NVOAc D4(C3)(Ac) MNI D4'(C1N3)(Ac) t = 15’ t = 30’ t = 45’ t = 75’ t = 90’ t = 120’ t = 150’’ t = 190’ t = 220’ t = 280’ t = 60’ b) a)

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présente une valeur intermédiaire, alors que les espaceurs à 6 chaînons (C6 et C3N3) semblent posséder une longueur d’espaceur « optimale » avec un rapport Qu/uref plus élevé (0,36).

D'autre part, les cinétiques de photolibération à 365 nm des dyades NID2-NID4 s’avèrent beaucoup plus rapides que leurs homologues NVD2-NVD4 basées sur l’oNV. En cela, la stratégie mise en œuvre, basée sur la sensibilisation de modules décageurs possédant un rendement quantique de photolibération plus important tels que le MNI, est validée, et l’on obtient des dyades avec des sensibilités plus élevées (typiquement de 500 à 1500 M-1cm-1).

Cependant, l’ampleur de cet écart d’efficacité entre dyades NID et NVD est très variable et dénote d’effets intéressants. En effet, la dyade NID3 montre une faible valeur de rapport Qu/uref (0,09), légèrement plus petite que celle de NVD3. Cette observation est cohérente avec un recouvrement spectral inférieur dans NID3, et donc d’un système coopératif moins efficace. Pourtant, les dyades NID2 et NID4 présentent des valeurs de rapport Qu (0,26 et 0,19) significativement plus grandes que celles des dyades NVD2 et NVD4 (0,11 et 0,13) correspondantes. Ce comportement singulier suggère que, outre le transfert d’énergie dicté par le recouvrement spectral, des processus additionnels pourraient aussi être impliqués dans le mécanisme de sensibilisation des dyades NID2 et NID4. Des phénomènes de sensibilisation triplet-triplet,[144] ou de déprotection par transfert d'électrons photo-induit,[214,215,226] déjà rapportés dans le cas de systèmes photosenbilisés dérivés du MNI, pourraient contribuer à améliorer l’efficacité du système. La contribution du transfert d'électrons du module quadrupolaire vers le fragment MNI pourrait être significative dans le cas de NID4, dans laquelle les groupements électrodonneurs sont les plus forts. Dans le cas de la dyade NID2, le transfert d'électrons pourrait être favorisé d'un point de vue topologique, en raison de la plus grande proximité du groupement électrodonneur azoté (situé du côté greffable) avec le module décageur.

En conséquence, la sensibilité d’uncaging par excitation à un photon de NID2 et NID4 est améliorée respectivement d’un facteur 30 et 20 par rapport à celle de NVD2 et NVD4. En revanche, NID3 n’est que 9 fois plus photosensible que NVD3 dans les mêmes conditions. Ces facteurs d'amélioration nettement différents soulignent clairement le rôle de la topologie des dyades dans l’ampleur des effets coopératifs mis en jeu dans le processus de photolibération.

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II.3.2. Photosensibilité à deux photons

À partir des valeurs de 2max et de Qu déterminées expérimentalement, et en effectuant l’approximation que les rendements quantiques de photolibération à un et à deux photons sont les mêmes – c’est-à-dire que la réaction photochimique est indépendante du mode d’excitation –, des valeurs de sections efficaces de photolibération à deux photons u = 2maxQu

ont pu être calculées pour tous les systèmes coopératifs synthétisés.

À l'exception du dérivé (C6N3)NVD1, le moins efficace de la série, les dyades NVD1 présentent des photosensibilités à deux photons environ 3 fois supérieures au composé oNV parent, quel que soit l'espaceur ; les variations de 2 détaillées dans le paragraphe II.2 étant finalement compensées par les variations opposées enregistrées sur les rendements quantiques d’uncaging. Entre les dyades NVD1 et NVD4, les variations de 2 étant largement plus importantes que celles du u, les valeurs de u sont suivent l’ordre imposé par la force du transfert de charge. Ainsi, la dyade NVD4 affiche la plus grande photosensibilité à deux photons parmi les dyades dérivées du vératryle, avec un u proche de 1 GM plus de 30 fois supérieur à celui de l’oNV seul.

De façon encore plus marquante, le remplacement de la sous-unité greffable oNV par une cage de type MNI possédant un rendement quantique 10 fois supérieur a conduit à une augmentation significative des sections efficaces d’uncaging. Les dyades NID2, NID3 et NID4 se sont avérées plus sensibles en excitation biphotonique de plus de deux ordres de grandeur par rapport au MNI de référence, avec des valeurs de u de respectivement 3,7 GM (à 770 nm), 2,3 GM (à 800 nm) et 20 GM (à 710 nm). En particulier, la dyade NID4, qui bénéficie à la fois d’une transition fortement autorisée à deux photons à 710 nm de par le caractère quadrupolaire de son antenne, d'un rendement quantique d’uncaging significatif, et de potentiels effets coopératifs additionnels au FRET, affichait au moment de ces travaux un u record pour la libération d’acides carboxyliques.

Sur la base de ces résultats, des expériences de photolyse à deux photons ont été menées avec les dyades dérivées du MNI pour confirmer leur activité en 2PU. Les dyades ont alors été dissoutes dans du CDCl3 et irradiées, sous agitation, à des longueurs d'onde correspondant aux maximum de leur bande d’absorption en utilisant un laser TiS délivrant des impulsions de 140 fs, à un taux de répétition de 80 MHz. L’irradiation est maintenue pendant plusieurs heures compte tenu du très faible volume d’excitation dans la cuvette. Après une durée suffisante, la

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conversion a pu être évaluée par RMN 1H (cf. figure II.4), confirmant la production d'acide acétique et l’activité en tant que décageur à deux photons.

Figure II.4 : Spectres RMN 1H (300 MHz) de la dyade NVD4 dans CDCl3 à t = 0 (en bleu) et après 4 h d’irradiation biphotonique à 720 nm (en rouge).

Compte tenu de la forte influence de la topologie de la dyade sur ses propriétés photophysiques et photochimiques, et compte tenu des observations précédentes, nous avons envisagé d’utiliser une plateforme différente afin d’étudier l’influence du rapprochement des modules.