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III.1. Design et stratégie de synthèse

Les décageurs DEAC et DEATC, non étendus en position 3-, ont été sélectionnés pour leur bonne correspondance avec l’émission de A4 (figure III.1), mais aussi pour l’expérience emmagasinée jusqu’alors sur la chimie des coumarines. Plusieurs versions greffables de ces analogues peuvent être imaginées, mais il a été décidé de remplacer l’une des chaînes éthyle du groupement donneur par un espaceur C1N3 terminé par un phénol (schéma III.15, en orange).

La thionation du carbonyle en position 2- du squelette de la coumarine, connue pour être à l’origine d’un fort décalage vers le rouge, est généralement effectuée à l’aide du réactif de Lawesson. Des essais préliminaires de synthèse ayant montré la fragilité du thiocarbonyle dans de nombreuses conditions opératoires (haute température, milieu acide, halogénation…), il a été décidé de l’utiliser en dernière étape de synthèse. En outre, cette stratégie permet d’obtenir des analogues greffables de la DEAC et de la DEATC strictement identiques. Les décageurs (C1N3)EAC-[Ac] et (C1N3)EATC-[Ac] ciblés sont présentés sur le schéma III.15.

Schéma III.15 : Structure des analogues DEAC et DEATC greffables par un linker C1N3.

III.2. Synthèse des modules

Le greffage des sous-unités coumarines via la fonction amine en position 7- implique d’utiliser un synthon de départ différent de la 7-diéthylamino-4-méthylcoumarine 114, et d’adapter la voie de synthèse en conséquence. Bien que la 7-amino-4-méthylcoumarine soit disponible commercialement, une voie de synthèse différente inspirée des travaux de Cürten et

al.[154] a été préférée ici. La formation du squelette de la coumarine est alors réalisée par

condensation de Pechmann.

La réaction de Pechmann, correspondant à la condensation d’un phénol avec un -cétoester en milieu acide, est l’une des deux principales méthodes utilisées pour former le squelette des coumarines. De nombreux substituants sont a priori tolérés sur toutes les positions des réactifs, ce qui permet d’introduire directement des groupements fonctionnels sur le cycle.

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En l’occurrence, le 4-chloroacétoacétate d’éthyle 138 (schéma III.16) est un synthon particulièrement intéressant puisqu’il introduit un groupement chlorométhyle en position 4- de la coumarine ; le chlore pouvant par la suite être substitué pour cager différentes molécules d’intérêt biologique. Cette méthode permet en outre de s’affranchir des étapes d’oxydation allylique et de réduction présentées précédemment.

Des essais préliminaires menés suite aux difficultés de synthèse de la 7-diéthylamino-4-hydroxyméthylcoumarine 139 avaient été effectuées. La condensation du 3-diéthylaminophénol 136 avec le 4-chloroacetoacétate d’éthyle 138 en milieu acide concentré (schéma III.16) n’avait toutefois pas abouti à la formation de la coumarine 139. La même constatation avait été effectuée avec le 3-aminophénol 137, ou en remplaçant l’acide de Brönsted (conditions A) par un acide de Lewis (Conditions B & C).

Schéma III.16 : Tentative de synthèse d’aminocoumarines par condensation de Pechmann.

Malgré un certain nombre de références bibliographiques, la réaction n’a pas pu être menée à bien sur les aminophénols 136 et 137. À ce titre, les travaux de Cürten et al. indiquent effectivement que la seule alternative synthétique est de protéger au préalable l’amine 137 avec un groupement carbamate pour obtenir le composé 141 (schéma III.17), de façon à éviter l’oxydation du produit pendant la cyclisation. En reproduisant cette voie de synthèse, le produit de cyclisation 142 a finalement pu être obtenu sur une échelle de plusieurs grammes, avec un très bon rendement après recristallisation.

Schéma III.17 : Synthèse de l’aminocoumarine protégée 142 par condensation de Pechmann entre le 4-chloroacétoacétate d’éthyle et le carbamate 141.

L’amine est ensuite déprotégée en milieu acide fort (schéma III.18) pour obtenir l’intermédiaire clé 143 désiré. L’obtention de ce composé permet alors d’envisager la désymétrisation nécessaire au greffage de la coumarine via l’azote. Pour des raisons de

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réactivité et de comptabilités chimiques, nous avons choisi de substituer à cet instant le chlore par de l’acétate de potassium, comme dans les travaux de Cürten et al. En suivant le protocole indiqué, le décageur 144 est obtenu avec un rendement quantitatif. Il faut noter que cette séquence de quatre étapes à partir du 3-aminophénol commercial 137 s’avère très robuste et ne nécessite que des purifications par lavages et recristallisations, ce qui permet d’obtenir des quantités importantes du composé 144.

Schéma III.18 : Déprotection de la coumarine 142 et synthèse du décageur 144.

L’introduction d’une unique chaine éthyle sur l’azote est ensuite réalisée par amination réductrice (schéma III.19). La réaction a lieu en présence d’un large excès d’acétaldéhyde, très volatil, ce qui n’empêche pas de former quasi-exclusivement le composé monoalkylé 145. Une réaction d’alkylation avec du bromure de propargyle en milieu basique permet ensuite de fonctionnaliser l’amine secondaire. Le composé acétylénique 146 est obtenu avec un rendement de 67% après chromatographie sur gel de silice.

Schéma III.19 : Fonctionnalisation de l’azote en position 7- du décageur 146 par amination réductrice et propargylation.

L’introduction de la fonction phénol greffable est réalisée par cycloaddition de Huisgen entre l’alcyne 146 et un azoture. Pour cela, le 4-azidophénol 148 est préalablement synthétisé par réaction de Sandmeyer sur le composé commercial 147 (schéma III.20). La substitution du diazonium intermédiaire par l’azoture de sodium entraîne la formation du composé souhaité avec un excellent rendement après purification. Cet azoture est alors additionné sur le composé 146 en présence de sulfate de cuivre et d’ascorbate de sodium. Le premier dérivé coumarine ciblé (C1N3)EAC-[Ac] est isolé avec un rendement de 66% après purification.

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Schéma III.20 : Synthèse de l’azidophénol 148 par réaction de Sandmeyer, et réaction click consécutive sur l’alcyne 146.

Pour compléter l’étude avec une sous-unité possédant une absorption décalée vers le rouge, la coumarine (C1N3)EAC-[Ac] a été transformée consécutivement en analogue thiocoumarine (C1N3)EATC-[Ac]. Le réactif de Lawesson utilisé pour cette transformation est particulièrement adapté aux coumarines puisqu’il permet la thionation sélective des lactones en thionolactones en présence d’esters non cycliques.[242] Par ailleurs, si d’autres fonctions chimiques comme les amides sont efficacement transformés par le réactif de Lawesson, peu d’exemples sont décrits sur des fonctions alcool et le mécanisme de la réaction ne permet pas la transformation des phénols en thiophénols. Sur cette base, nous avons tout d’abord synthétisé la cage DEATC-[Ac] de référence selon le protocole décrit par Jullien et coll.[168] La thiocoumarine est effectivement obtenue avec un très bon rendement après purification sur gel de silice (schéma III.21). Le protocole a ensuite été adapté directement au substrat greffable (C1N3)EATC-[Ac], en gardant la fonction phénol libre. Malgré une chute du rendement et la présence de nombreux sous-produits, le composé (C1N3)EATC-[Ac] est tout de même isolé avec un rendement de 50%. Le succès de cette réaction nous permet d’obtenir les deux analogues (C1N3)EAC-[Ac] et (C1N3)EATC-[Ac].

Schéma III.21 : Synthèse de décageurs thiocoumarines par thionation au réactif de Lawesson.

III.3. Tentative d’assemblage des modules

Les réactions d’assemblages des sous-unités sur les plateformes P1 et P3 présentées dans le paragraphe II.3 ont à nouveau été réalisées sur le module C1N3-EAC-[Ac] (schéma III.22), en postulant que le triazole, légèrement électrodonneur, permettrait d’augmenter la nucléophilie du phénol.

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Schéma III.22 : Tentative d’assemblage des modules (C1N3)EAC-[Ac] et (HQ)A4 par substitution séquentielle des plateformes P1 et P3.

Comme dans le cas de la DEAC450, et contrairement à son précurseur 146, le module (C1N3)EAC-[Ac] est peu soluble dans le THF. La présence de l’espaceur C1N3 est potentiellement une source de polarité et surtout de -stacking diminuant la solubilité dans le milieu. La réaction de substitution sur les plateformes P1 et P3 s’effectue là aussi aléatoirement et difficilement. Dans le cas de P1 comme de P3, le produit intermédiaire a pu être détecté ponctuellement par CCM après plusieurs jours à température ambiante, cependant l’ajout du quadrupôle greffable (HQ)A4 dans le milieu n’aboutit pas à la formation de la structure coopérative souhaitée, celui-ci n’étant pas consommé après plusieurs jours de réaction. Ni le chauffage du milieu réactionnel, ni même l’ajout d’une base plus forte telle que l’hydrure de sodium, censée faciliter la formation de l’anion phénolate, n’ont eu un effet positif sur la réaction.

Les multiples échecs enregistrés sur les plateformes phosphorées P1 et P3 fonctionnalisables par substitution nucléophile nous ont finalement conduits à abandonner cette approche. Tour à tour, les problèmes de solubilité ont été réglés avec le module décageur (Ty)DEAC450-[GluBoc], puis un espaceur potentiellement plus nucléophile a été utilisé dans le composé (C1N3)EAC-[Ac]. Malgré cela, aucune tendance rationnelle n’a malheureusement pu être clairement dégagée des réactions réalisées. D’autres réactions et fonctions de greffage ont alors été investiguées pour palier à l’incompatibilité chimique mise en évidence ici.

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