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Chapitre 1 : Contexte de l’étude et problématique

1.3 Le système de santé et le recours à l’accouchement assisté au Mali : une

Le système de santé au Mali a pour objectif d’améliorer la santé des populations où qu’elles vivent. Pour ce faire, il est organisé en trois niveaux selon un schéma pyramidal : les niveaux district, régional et central.

— Le niveau district est encore dit opérationnel et est constitué de deux échelons : les centres de santé communautaires (CSCom) et les centres de santé de référence (CSRef). En 2015, les CSCom étaient au nombre de 1241 (INSAT, 2015). Ils sont créés au niveau des villages ou des groupes urbains et constituent les structures de premier contact avec la population. Théoriquement, la création d’un CSCom est conditionnée à la taille de la population de l’aire de santé (10 000 habitants minimum) et à la proximité du centre pour sa population. Les CSCom sont censés prendre en charge l’essentiel de besoins de santé des populations en dispensant un paquet minimum d’activités (PMA) de prévention, de promotion et de soins curatifs dans la communauté. Ils constituent un axe important du système de santé suite à l’initiative de Bamako (Maiga, Nafo, & El Abassi, 1999). Ils sont considérés comme des établissements de santé privés à but non lucratif, et gérés par des associations de santé communautaires (ASACO) dont les membres sont élus localement. L’ASACO représente tous les habitants de l’aire de santé. Son rôle est de faciliter l’accès à l’aire de santé à la population et d’encourager celle-ci à utiliser les CSCom et à adhérer à ses activités (Audibert & de Roodenbeke, 2005). Pour assurer la continuité des soins, chaque CSCom est associé à un CSRéf encore appelé hôpital de district qui les appuie. En 2015, les

CSRef étaient au nombre de 63 (INSAT, 2015). Ils constituent le premier niveau de référence pour les cas dépassant la compétence du personnel des CSCom. Ils supervisent les activités de soins du premier échelon (CSCom). Une équipe-cadre du district (ECD) assure la coordination de leurs activités.

— Le niveau régional englobe sept hôpitaux régionaux qui correspondent au deuxième niveau de référence et les directions régionales de la santé qui offrent un appui technique aux districts sanitaires. Les hôpitaux régionaux ont un plateau technique plus performant que celui des CSRéf dont ils reçoivent les patients référés.

— Le niveau central regroupe le ministère de la Santé, la direction nationale de la santé et les hôpitaux nationaux qui sont des structures de niveau tertiaire. Le ministère est responsable de l’orientation et de la planification stratégique des soins, il définit les standards de soins et développe les procédures d’évaluation (Maiga & al., 1999). Les hôpitaux nationaux reçoivent les malades des hôpitaux régionaux ou des CSRef.

Par ailleurs, il existe un important secteur privé de la santé très peu contrôlé (436 cliniques et cabinets privés et 492 officines privées) (INSAT, 2013), essentiellement concentré à Bamako.

Ce système de santé a fait de l’assistance à l’accouchement par du personnel qualifié4

une priorité pour la rendre accessible à toutes les femmes, quels que soient leur lieu de résidence, leur statut socio-économique ou leur style de vie. Le personnel qualifié a été défini par l’OMS comme une personne « formée pour maîtriser les compétences nécessaires pour gérer les grossesses normales, l’accouchement et le post-partum immédiat, ainsi que pour l’identification, la prise en charge et l’orientation des complications chez les femmes et les nouveau-nés » (National Research Council, 2013. p. 59). C’est ainsi que dans le but d’obtenir des améliorations substantielles de la réduction de la mortalité maternelle, le Mali a mis en place une stratégie clé basée sur le renforcement des soins obstétricaux et néonataux

4 Dans le but d’alléger la lecture, nous emploierons souvent « accouchement assisté » pour designer « accouchement assisté par du personnel qualifié ».

d’urgence (SONU). L’accès à ces SONU constitue donc une dimension importante de la lutte contre les décès maternels. Ils comprennent plusieurs interventions obstétricales qui permettent de prendre en charge la plupart des complications menaçant la vie de la mère et du nouveau-né durant l’accouchement. Ils ont été mis en place dans plusieurs structures de santé à deux niveaux : les soins obstétricaux d’urgence et néonataux de base (SONUB) et les soins obstétricaux d’urgence et néonataux complets (SONUC). Les SONUB sont constitués par six fonctions pouvant être administrées par des sages-femmes ou des médecins et ne nécessitant pas de compétences chirurgicales :

 L’administration parentérale d’antibiotiques;  L’administration parentérale d’ocytociques;  L’administration parentérale d’anti-convulsivants;  La délivrance artificielle du placenta;

 L’évacuation utérine par aspiration manuelle ou curetage évacuateur;  L’accouchement par voie basse assisté (ventouse, forceps).

Les SONUC comprennent toutes ces six interventions, en plus de la possibilité d’effectuer des césariennes et des transfusions sanguines. À ce titre, ils ne peuvent être administrés que par des professionnels de la santé ayant les compétences chirurgicales adéquates et dans un centre de santé équipé.

En plus de ces efforts importants déployés pour mettre en place l’offre de services de santé décrite ci-dessus, le Mali a conçu un système de référence/évacuation (SRE) (Asres & Davey, 2015) dont le but est spécifiquement d’améliorer l’accès des femmes à des soins obstétricaux de qualité. Sommairement, ce SRE comprend trois composantes : 1) Une composante « soins » qui permet la mise à niveau de la qualité des soins obstétricaux dans les CSCom et les CSRef. 2) Une composante « transport et communication » qui permet à chaque CSCom de disposer d’un système autonome de communication par radio (RAC) ou d’un téléphone pour avertir le CSRef en cas de complication obstétricale. Ce dernier dispose au minimum d’une ambulance qu’il envoie pour chercher la parturiente dès que le CSCom lance l’appel d’urgence. 3) Une composante « finances » dont le but est d’alléger les coûts des évacuations, en faisant participer l’ASACO, les mairies et les conseils de cercle à leur financement. Les montants des cotisations sont fixés par consensus (Audibert & de

Roodenbeke, 2005) pour ainsi constituer un fonds qu’on appelle « caisse de solidarité » gérée localement par un comité de gestion.

En dépit de tous ces efforts, le taux d’accouchement assisté est encore à un niveau très bas au Mali et plus particulièrement pour les femmes vivant en régions rurales en raison de l’accès limité au personnel de santé qualifié (Gage, 2007). Par exemple, c’est plus de 60 % du personnel de santé qui exercerait dans le district de Bamako alors qu’il ne compte que 12 % de la population (OMS, 2016). Pour les plus vulnérables et en particulier les femmes nomades, l’accès aux soins s’est encore dégradé avec le climat d’insécurité qui s’est installé dans le pays (rébellion, terrorisme, instabilité politique, etc.). En avril 2016, c’est respectivement 69 %, 4 % et 7 % des structures de santé des régions de Kidal, Gao et Tombouctou où vivent les nomades qui étaient toujours fermées en raison de cette insécurité (OMS, 2016).

Par ailleurs, existent également plusieurs autres problèmes dont certains sont liés à la mauvaise qualité des soins, à l’instabilité du personnel de santé qualifié, à l’absence d’équipement adéquat (forceps, ventouses, réactifs de laboratoire, unité de transfusion sanguine, stock de sang, etc.) ou encore d’outils de communication (téléphonie, radios, etc.) (Macintyre & Hotchkiss, 1999). Aussi, les structures dotées des SONU sont inégalement réparties sur l’ensemble du territoire, ce qui rend faibles la proportion d’accouchements assistés et la couverture en urgences obstétricales. Dans les régions du nord Mali où vivent les nomades, ces problèmes sont plus criants. Les contributions financières des structures (citées ci-dessus) à la caisse de solidarité pour la référence/évacuation ne sont pas toujours payées ce qui fait que les usagers assument plus souvent la totalité des frais liés aux évacuations. Les distances trop longues entre les CSCom et les CSRef font que les coûts (prestations et transport) deviennent très vite hors de portée des nomades. D’autre part, le SRE même lorsqu’il est fonctionnel, ne prend pas en charge les nomades depuis leur domicile, mais seulement une fois rendu au CSCom. Les nomades doivent donc se débrouiller sur de longues pistes et sans transport en commun régulier pour amener les femmes au CSCom, ce qui peut les faire pencher pour des accouchements à domicile (Ag Erless, 2010).