• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : Résultats

5.3. Stratégies potentiellement porteuses pour le recours à l’accouchement

Au cours de cette recherche, les participantes ont partagé quelques initiatives locales ou bonnes pratiques, que nous nommons ici « stratégies », leur permettant de recourir à l’accouchement assisté. En raison de leur importance pour faciliter ce recours, nous avons jugé pertinent de les valoriser et d’en faire le troisième objectif spécifique de notre thèse. Pour les participantes, elles complètent les services de santé actuels.

5.3.1 L’utilisation de la téléphonie mobile

Dans tous les campements où nous nous sommes rendus, les participantes ont signalé la disponibilité d’au moins un téléphone portable qui appartiendrait au chef de famille. Elles ont cependant reconnu que le manque de couverture réseau ne leur permet pas de communiquer directement avec les professionnels de santé. En effet, le réseau se limite seulement à un rayon de cinq à dix kilomètres autour du chef-lieu de commune où est implantée son antenne émettrice. Le téléphone est donc utilisé par les hommes qui doivent se déplacer à chameau, à moto ou à pied pour rejoindre une dune où montagne sur lesquelles ils pourraient capter ce réseau. Il est utilisé en cas d’urgence pour appeler le chef de poste médical où une connaissance au village afin d’envoyer un véhicule pour évacuer la femme enceinte en difficulté : « Nous n’avons pas de réseau. Mais le téléphone nous rend de grands services lorsque ça chauffe. Les hommes doivent marcher quelques heures d’ici pour appeler Gossi et demander un véhicule de transport » (Nana — 29 ans).

Toutefois, les participantes ont relevé que lorsqu’il s’agit d’une femme malade, mais sans urgence, le téléphone est aussi utilisé pour appeler le transporteur qui fait la ligne pour qu’il dévie de son trajet habituel et vienne chercher la femme dans le campement : « Lorsque je suis tombée malade, on avait appelé le transporteur deux jours avant au téléphone et il est passé me prendre ici pour m’amener à Gossi. Mais on paye plus cher » (Mariama — 33 ans). Cependant, pour se rendre dans les campements, elles ont reconnu que peu de transporteurs acceptent cette option, en raison de l’inexistence de routes pour les rejoindre.

D’autre part, quelques participantes ont signifié que le téléphone est aussi utilisé, mais plus rarement, pour avoir des informations sur les services de santé ou pour le suivi des traitements prescrits par le personnel de santé.

Par ailleurs, pour charger les batteries de leurs téléphones, les participantes ont dit que les nomades se sont équipés avec de petites plaques solaires ou encore des batteries. Aussi, les cartes de recharge de crédit sont vendues au sein des campements ou sont ramenées de la foire de Gossi.

5.3.2 Les maisons d’attentes

Au cours des entrevues, trois participantes ont déclaré s’être déplacées par anticipation de manière préventive à proximité du centre de santé pour attendre leur accouchement. Cette proximité avec les services de santé était très appréciée et leur a permis d’accéder à pied au centre de santé dès le déclenchement du travail. Pour ces parturientes, ce sont les distances et le manque de transport approprié qui les ont incitées à rejoindre le centre de santé pour attendre leur accouchement. Aussi, l’invitation insistante de la matrone à revenir accoucher au centre de santé a été déterminante pour la prise de décision. Elles ont séjourné trois à quatre semaines avant et trois à sept jours après leur accouchement. C’est ainsi que pour cette première participante, la famille a amené leur tente et leurs équipements pour s’installer dans la cour du centre de santé :

Notre campement est très loin alors que mes accouchements sont toujours difficiles. Trois mois avant le terme de ma grossesse, la matrone m’avait demandé de revenir accoucher au centre de santé. Alors, nous sommes repartis dans le campement pour nous préparer. La famille a déménagé pour s’installer dans la cour du centre avec notre tente jusqu’à l’accouchement. Dès que j’ai senti les contractions venir, je suis partie au centre et la matrone est venue me rejoindre. Nous sommes repartis trois jours plus tard au campement (Khadou -35 ans).

Dans le deuxième cas, la femme avait ses parents dans le village qu’elle rejoint presque pour tous ses accouchements afin d’attendre à proximité du centre de santé. Pour la troisième parturiente, elle est restée chez un ami de son mari qui lui a attribué une chambre annexe de sa maison. Elle était accompagnée de son enfant et de sa sœur :

Nous sommes restés près d’un mois chez Hadi. J’étais partie au centre de santé le jour de foire parce que j’étais malade, puis une fois guérie, la matrone m’a dit que je dois encore revenir. Nous sommes trop loin pour faire ces allers et retours. Alors mon mari est reparti au campement et il nous a confiés à son ami. Il nous a laissé tous les moyens pour vivre ici. Et après l’accouchement, il est revenu nous chercher. (Mariama — 33 ans).

En outre, les participantes ont signalé que l’absence d’une partie ou de la famille entière pendant des semaines a été rendue possible grâce à une organisation et une solidarité avec les

autres familles du campement : « Pendant notre absence, l’homme (mari) est retourné pour s’occuper des animaux. Les autres familles l’avaient aidé en attendant que je guérisse. C’est comme ça que ça marche » (Mariama — 33 ans). Cette solidarité est très appréciée par les nomades. Pour toutes les trois femmes, les moyens pour faire face au séjour ont été assumés en grande partie par leurs maris.

5.3.3 Les extensions communautaires

Les participantes ont déclaré que des extensions communautaires constituées par des agents de santé communautaire (ASC) et des accoucheuses traditionnelles (AT) existent au sein de leurs campements. En effet, elles ont indiqué que des ASC leur rendent visite ponctuellement, mais surtout pour la vaccination. En outre, elles ajoutent que les soins maternels ne sont pas une priorité dans le paquet d’activités qu’ils offrent : « Il y a des agents de santé qui arrivent ici à moto, mais c’est pour la vaccination. C’est pour les enfants, pas pour nous les femmes (rires) » (Assietou — 29 ans). Ces ASC sont issus de ces communautés et recrutés localement en raison de leurs connaissances du milieu et de leur niveau d’acceptation par les nomades. Ils sont dotés de motos pour parcourir les campements nomades.

Par ailleurs, les participantes font également référence à quelques accoucheuses traditionnelles qui, selon elles, jouent un rôle mineur lors de l’accouchement. Ces AT sont surtout des femmes âgées, ne sont pas formées, mais ont appris par expérience. Pour les participantes, leur intervention au cours de l’accouchement consistait à les conseiller ou à couper le cordon ombilical après la délivrance : « Les femmes accouchent seules à la maison. Les autres les observent et font des bénédictions ou leur donnent des décoctions pour faciliter l’accouchement » (Lally — 34 ans).

Pour le reste, les participantes ont aussi avoué que ces AT sont bénévoles et ne reçoivent aucune compensation financière pour leur assistance. Elles déclarent qu’elles leur sont très reconnaissantes pour leur disponibilité et empathie. Ces AT ne sont pas en contact avec les services de santé, mais influent souvent sur le processus de prise de décision en faisant prévaloir leurs expériences pour décider de la gravité de l’état de santé d’une parturiente. En effet, elles ont souvent intercédé auprès des maris ce qui a facilité la décision d’évacuer certaines parturientes.

5.3.4 Organisation de la référence/évacuation entre le domicile et le centre de santé Les nomades ont mis en place un système qui permet la référence/évacuation des parturientes entre le domicile et le centre de santé. Quelques participantes ont déclaré en avoir bénéficié. En effet, pour cette participante, des arrangements avaient été trouvés pour prendre les transports en commun : « Tous les samedis, il y a un transporteur qui passe à une heure de marche d’ici et nous devrions le rencontrer sur sa route pour aller à Gossi. Puis après la foire, il nous fait revenir au même endroit » (Safietou — 20 ans). Pour cette autre participante, son état de santé ne lui permettait pas de rejoindre le transporteur sur sa trajectoire. Ce dernier a donc été contacté à l’avance pour dévier de son trajet et prendre la femme au sein du campement :

« Je ne pouvais pas monter sur un âne ou marcher. J’avais des douleurs pelviennes alors que ma grossesse avait cinq mois. Alors mon père qui connaissait le transporteur l’a appelé et il a accepté de venir me chercher ici, ce qui m’a permis d’aller me soigner » (Mariama — 33 ans).

Pour les urgences obstétricales, les participantes ont dit que leurs maris avaient communiqué avec le chef de poste médical ou directement avec les transporteurs, pour qu’un véhicule soit mobilisé. Cependant, elles ont jugé le temps d’attente trop long avant que le véhicule n’arrive pour les chercher et les coûts trop onéreux : « Le véhicule avait pris une journée avant d’arriver alors que ma sœur se tordait de douleurs. En plus, son mari a payé cher pour la location et le carburant » (Nana — 29 ans).