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Chapitre 4 : Méthodologie

4.4. La collecte des données

Les techniques de collecte ont été diversifiées pour permettre une triangulation des données. Nous avons réalisé des entrevues semi-dirigées, mené de l’observation non participante et tenu un journal de bord.

4.4.1 Entrevues semi-dirigées

L’entrevue (ou entretien ou interview) est une méthode d’investigation scientifique utilisée par plusieurs disciplines et plus encore en recherche qualitative. Elle est basée sur une conversation en tête-à-tête où une personne écoute l’autre avec comme objectif de

recueillir des informations nécessaires sur un sujet déterminé (Deslauriers, 1991; Mayer & Ouellet, 1991a). C’est la méthode qui par excellence, permet de saisir les expériences vécues des membres d’une communauté (Demazière, 2008) et donc de rendre compte de façon approfondie du point de vue des acteurs (de Sardan, 2008).

Bien qu’il existe plusieurs types d’entrevues (Imbert, 2010), nous avons privilégié l’entrevue semi-dirigée (ou entretien semi-directif) au vu de la nature de notre recherche et de son orientation méthodologique. Ce type d’entrevue est le plus fréquemment utilisé en recherche qualitative (Ouellet & Mayer, 1991). Il a en plus l’avantage d’être utilisé dans les contextes où les populations sont analphabètes ou peu scolarisées (Garneau, 2007). Le caractère semi-dirigé de l’entrevue permet d’encadrer son contenu par des thèmes, tout en offrant un espace pour que les répondants puissent partager et élaborer sur les expériences vécues. Sa pertinence réside donc également dans sa flexibilité (Saillant, 1988). Aussi, les entrevues semi-dirigées qualitatives offrent des possibilités de collecte de données précieuses inattendues (Coffey & Atkinson, 1996) en faisant parfois émerger des éléments dont la personne interviewée n’est pas toujours consciente.

Toutes nos entrevues ont été individuelles, ce qui a permis d’aborder le sujet plus en profondeur avec les participantes en garantissant la confidentialité de leurs propos, notamment puisqu’il s’agit de questions sensibles comme celles portant sur la grossesse et l’accouchement. En effet, ce type de travail, questionnant l’intimité des femmes en particulier, qui nécessite de s’immiscer dans leur vie, dans leurs relations de famille, et notamment avec leur époux, suscite de la méfiance, voire des réticences dans certains milieux africains. En outre, il est admis que la présence d’une tierce personne peut nuire à la pertinence et l’authenticité des propos recueillis auprès des participants. Il a fallu donc rassurer ces femmes, ce qui a été facilité par notre connaissance du milieu et de la langue locale (le tamachek). De même, les entretiens se sont déroulés au moment voulu (très souvent en milieu de matinée ou d’après midi après avoir évacué certaines tâches quotidiennes) selon les disponibilités des participantes en vue de permettre leur libre expression.

La durée des entrevues variait de 42 à 76 minutes. Elles ont été toutes enregistrées à l’aide d’un enregistreur numérique, ce qui est connu pour faciliter et favoriser utilement le contact visuel entre l’enquêteur et l’enquêté (Kelly, 2010), mais aussi à des fins d’analyse.

Un processus de validation interne a été entrepris par la compilation après chaque entrevue, des renseignements qui ne sont pas clairs, dans une liste des thèmes. Ils ont été ensuite approfondis dans les entrevues suivantes. Cette technique a été suggérée comme une méthode pour améliorer la qualité et la rigueur du guide d’entrevue (Ouellet & Mayer, 1991).

Nos entrevues ont été réalisées à l’aide d’un schéma d’entrevue (annexe no 1) à

questions ouvertes. L’élaboration des questions a été guidée par notre revue de littérature, les objectifs de la thèse et le cadre conceptuel de Gabrysch et Campbell (2009). Ces entrevues portent sur les facteurs qui limitent ou facilitent le recours à l’accouchement assisté par les nomades. En d’autres termes, il s’agit d’identifier et de comprendre les différents déterminants de ce recours ou non-recours qu’ils soient socioculturels, économiques, géographiques ou organisationnels.

Le schéma d’entrevue était souple, ce qui est recommandé pour améliorer la qualité de l’entretien (Paillé, 2006). Au cours de notre premier séjour sur le terrain, une assistante d’âge moyen (35 ans) semi-nomade, connue dans le milieu, parlant le tamachek et le français a été recrutée et formée localement pour administrer les entrevues dans le but de minimiser le biais

lié au genre du chercheur. Cette assistante avait abandonné ses études au Lycée (11e année)

et a servi comme animatrice pendant une dizaine d’années pour plusieurs projets dans la région. Le guide utilisé a été traduit en tamachek et a fait l’objet d’un pré-test à l’aide de six entrevues, afin de s’assurer de sa clarté, de sa précision et de la pertinence des questions. À l’issue de ce test, des ajustements mineurs ont été faits dans la formulation des questions en Tamachek. Par exemple, certains mots non appropriés ont été remplacés par d’autres, plus conformes, selon la culture des femmes, après le pré-test qui a été réalisé.

4.4.2 L’observation non participante

Pour des raisons pragmatiques, nous avons pendant trois mois (janvier à mars 2016) réalisé des observations non participantes qui consistent en une forme passive d’observation où le degré d’implication du chercheur se résume à une position d’observateur complet (Gold, 1958, cité par Martineau, 2005), c’est-à-dire observer sans prendre part à l’action. Ce type d’observation a été très utile, car il nous a permis de nous imprégner du contexte tout en gardant une certaine distance et donc de conserver un point de vue externe. Bien que les

observations soient non dissimulées, nous avons essayé de rester le plus discrets possible. Elles nous ont permis d’apprécier l’interaction des nomades entre eux (femmes et accompagnants), mais aussi avec les professionnels de la santé pour mieux comprendre les déterminants du recours ou non-recours à l’accouchement assisté. Ces observations se sont déroulées pendant tout notre séjour.

Les sites d’observation sont, d’une part, le centre de santé de Kaigourou et, d’autre part, les campements nomades. Par ailleurs, ce type d’observation pouvait être libre ou méthodique. Elle est dite libre lorsque le chercheur ne s’accompagne pas des grilles d’observations préétablies et méthodique lorsqu’elle suppose la fabrication d’une grille d’observation formalisée et l’enregistrement systématique des éléments prévus dans la grille (Mayer & Ouellet, 1991 b). En ce qui nous concerne, nous avons conçu une grille pour

réaliser ces observations (annexe no 2). L’avantage d’une grille est d’éviter de se sentir envahi

par trop de faits à observer ce qui en même temps représente son désavantage puisqu’elle peut ainsi restreindre notre regard (Martineau, 2005).

Cette observation non participante a donc permis de prendre des notes au fur et à mesure pour compléter et authentifier les données collectées via les autres techniques de collecte. Ces notes étaient très diversifiées et portaient sur les différentes étapes du terrain (dates, personnes rencontrées, etc.), mais aussi descriptives sur les situations rencontrées (ce que font les nomades ou les professionnels de santé, la nature de leurs interactions, les conditions dans lesquelles arrivent les femmes au centre de santé et les moyens utilisés, etc.) ou encore une esquisse d’interprétation des phénomènes observés pour amorcer l’analyse des données.

4.4.3 Le journal de bord

Cette technique a pour but de minimiser l’influence du chercheur sur la collecte et l’analyse des données en stimulant sa réflexivité et l’aider ainsi à prendre conscience de ses sentiments et de ses biais (Gauthier, 2003). Le journal de bord a contribué ainsi à clarifier nos positions et à assurer plus de transparence dans le processus en consignant la manière dont les décisions ont été prises tout au long de cette recherche. Par ailleurs, il a également permis de mieux comprendre le sujet à l’étude.

La structure de ce journal de bord a compris les quatre parties recommandées par Schatzman et Strauss (1973) cités par (Dupéré, 2011) : 1) le volet méthodologique où a été rapportée l’histoire méthodologique du projet; 2) le volet théorique où sont réunis les questions, les intuitions, les hypothèses, les liens établis entre les phénomènes observés; 3) le volet descriptif où sont détaillés les évènements, les observations, les conversations de façon chronologique; et enfin 4) le volet personnel où l’on explore ses craintes, ses interrogations, ses erreurs, ses périodes de confusion, ses réactions, etc.

C’est ainsi que ce journal a permis de se rappeler de la dynamique du terrain et de reconstituer le contexte et les interactions qui ont prévalu pendant la recherche. De plus, il nous a aussi servi pour consigner des informations collectées lors de plusieurs entrevues informelles avec les hommes qui se sont montrés très intéressés par notre objet de recherche. En effet, pendant que l’assistante était avec les femmes, nous étions entre hommes à l’écart et ouvrions des discussions informelles autour des déterminants du recours ou non-recours à l’accouchement assisté par les nomades. Cela a permis de recueillir plusieurs informations complémentaires, mais aussi corroborant celles obtenues lors des entrevues formelles avec les parturientes. Elles ont toutes été notées dans le journal de bord.