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Chapitre 3 : Cadre épistémologique – Objectifs et questions de recherche –

3.1 Cadre épistémologique

Le mot « épistémologie » provient de deux mots grecs, « épistémè » qui signifie « connaissance » et « logos », qui signifie « discours ou étude ». Pour le dictionnaire étymologique de la langue française, il s’agirait d’une théorisation des connaissances, d’une étude du sens (Baumgartner & Ménard, 2004). L’épistémologie a été définie par plusieurs auteurs, dont Piaget cité par Le Moigne (1994), comme « l’étude de la constitution des connaissances valables ». Aussi, dans la même veine, Legendre (1993) l’a définie comme : « l’étude critique de la connaissance, de ses fondements, de ses principes, de ses méthodes, de ses conclusions et des conditions d’admissibilité de ses propositions » (p. 549). Elle s’intéresse donc à trois questions : 1) Qu’est-ce que la connaissance? 2) Comment est-elle élaborée? 3) Quelle est sa valeur? (Le Moigne, 1994).

En somme, l’épistémologie essaie de comprendre comment fonctionne la production de connaissances ou de savoirs, qu’ils soient pratiques, techniques, éthiques, religieux, symboliques ou esthétiques (Fourez & Larochelle, 2003).

Dans les prochaines parties, nous préciserons notre positionnement épistémologique, un exercice difficile, mais capital pour tout doctorant. En outre, il n’existe pas de critères précis

pour déterminer la supériorité d’un paradigme de recherche scientifique par rapport à un autre, ce choix doit se fonder sur nos valeurs et croyances (Guba & Lincoln, 2005). Son intérêt est de mieux les expliciter afin de fournir un cadre pour orienter et guider notre recherche en contrôlant son évolution ainsi que la pertinence et la cohérence de sa démarche, mais surtout d’asseoir sa validité et sa légitimité (Perret & Séville, 2003). En d’autres termes, cela revient à situer notre projet de recherche dans un paradigme et à définir son repère ontologique.

Définition du paradigme

Le paradigme est une notion polysémique qui pour Avenier et Gavard-Perret repris par Arfi (2014), est un système de croyances relatives à ce qu’est une science, à ce qu’elle étudie et à la manière dont elle l’étudie. En cela, ces auteurs rejoignent Kuhn (1972), qui lui donne essentiellement deux sens différents. D’une part, le paradigme représente l’ensemble de croyances, de valeurs reconnues et de techniques que partagent les membres d’un groupe ou d’une communauté donnée. D’autre part, il guide le regard du chercheur autant dans le positionnement d’une problématique que dans son traitement méthodologique et sa résolution. En d’autres termes, le paradigme est donc ce qui fonde et maintient le consensus entre des spécialistes quant au choix légitime des problématiques de recherche et des méthodologies à utiliser pour les traiter.

Définition de l’ontologie du chercheur

La posture ontologique du chercheur définit le premier postulat auquel sa démarche scientifique sera éventuellement greffée et permettra d’en justifier le choix. Elle porte son regard sur la nature et la structure du réel (Audi, 1995). Ses postulats fondamentaux quant à la nature du réel orientent donc le positionnement épistémologique et les méthodologies propres à chaque tradition scientifique.

Le paradigme positiviste

Auguste Comte (1798-1857) est considéré comme le père du positivisme. Selon lui, la connaissance doit reposer sur l’observation de la réalité et non sur des connaissances à priori. À ce titre, elle est vue comme une réalité en soi, objective, indépendante des observateurs

qui la décrivent. Le rôle du chercheur serait donc de garder de la distance et de rester neutre vis-à-vis de son objet de recherche et de rendre compte de cette réalité, en adoptant des attitudes d’objectivité et en utilisant des méthodes censées lui permettre de la découvrir et de la décrire telle qu’elle existe (Le Moigne, 1994). L’ontologie postulée par les positivistes relève donc d’une épistémologie réaliste, de nature dualiste et objectiviste. En effet, la tradition positiviste vise plus souvent l’explication et la prédiction des faits. Dans ce cas, la réalité peut être appréhendée par l’expérience scientifique ou la méthode expérimentale. Il s’agirait de trouver les déterminants d’une situation donnée pour en déduire un ou des modèles prédictifs (Pourtois, Desmet, & Lahaye, 2006), en mobilisant des méthodes qui incluent une instrumentation rigoureuse du contexte d’observation de l’objet avec des dispositifs expérimentaux.

Ce paradigme positiviste a largement contribué à l’essor de la science moderne. Toutefois, il est moins adapté à l’étude d’objets de recherche propres aux sciences sociales qui eux portent sur les réalités dites « construites ».

Le paradigme constructiviste

Le constructivisme constitue notre posture épistémologique, car il répond mieux à nos valeurs et croyances. Il est né d’un débat sur les paradigmes philosophiques qui sous-tendent les questions fondamentales entourant la nature de la recherche. À l’origine, cette perspective théorique était appelée « enquête naturaliste » (Guba & Lincoln, 1982) avant d’être reconnue plus tard sous le nom de « paradigme constructiviste » (Appleton, 1997). Ce paradigme privilégie, d’entrée de jeu, une épistémologie subjectiviste. Pour nous, la réalité et la connaissance objective en soi sont impossibles à atteindre et ne peuvent donc être connues. Il ne s’agit donc que de leurs interprétations (Bertacchini, 2009). Nous postulons ainsi qu’il existe plutôt de réalités multiples qui pourraient être décodées et qui participeraient à des constructions mentales locales et contextuelles. De notre point de vue, les connaissances produites sur un objet seraient inévitablement entachées de la manière dont il a été préalablement perçu. C’est donc nous en tant que chercheurs qui construisons l’objet de notre étude dès lors que nous l’approchons. Notre posture constructiviste rejette ainsi l’idée que la réalité puisse posséder une existence autonome en dehors du chercheur, ou de la communauté de chercheurs, qui la décrit. L’ontologie postulée par les constructivistes fait l’hypothèse que

la réalité est en effet plurielle, construite et reconstruite à travers l’expérience vécue (Guba & Lincoln 2005). Pour nous, c’est l’interaction du sujet connaissant avec l’objet observé qui est constitutive de la connaissance. Le chercheur ici est considéré comme jouant un rôle essentiel dans le développement des connaissances qui se construisent à partir de ses interactions et actions (Guba & Lincoln, 2005). C’est pourquoi Patton associe au constructivisme la réflexibilité qui permet de comprendre comment nos propres expériences affectent ce que nous comprenons et comment nous agissons (Patton, 2002).

Le constructivisme repose donc sur trois hypothèses qui en constituent les fondements : une ontologie relativiste, une épistémologie moniste subjectiviste et une méthodologie herméneutique (Guba & Lincoln, 1989). En nous inscrivant dans cette posture épistémologique, nous cherchions à comprendre les raisons pour lesquelles les femmes nomades ont recours ou non à l’accouchement assisté. Pour nous, une certaine subjectivité demeure incontournable pour faire ce travail. En tant qu’observateurs, cette recherche ne peut être indépendante de nous, ce que récusent les positivistes. À travers ce processus, nous avons pu construire le questionnement au cœur de notre travail de recherche. Puis, une méthodologie de recherche qualitative, découlant de notre questionnement et de nos choix théoriques, a ensuite été retenue.