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Chapitre 1 : Contexte de l’étude et problématique

1.4 La mortalité maternelle

1.4.1 La mortalité maternelle : Un problème majeur pour les pays en

pour sa réduction. Ces éléments permettront de montrer, d’une part, pourquoi il est important de travailler sur le recours à l’accouchement assisté comme une stratégie pertinente pour réduire la mortalité maternelle chez les nomades et d’autre part, de réfléchir pour une meilleure compréhension et prise en compte des déterminants de ce recours.

1.4.1 La mortalité maternelle : Un problème majeur pour les pays en développement

La mortalité maternelle est un problème majeur de santé publique (Lawn, Cousens, & Zupan, 2005; WHO, 2004), mais aussi une atteinte aux droits des femmes et à la personne humaine. Elle est définie comme « le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison, quelle qu’en soit la durée ou la localisation, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu’elle a motivés, mais ni accidentelle, ni fortuite » (WHO, 2008. p. 179). Cette mortalité maternelle est rendue plus tragique par le fait que des femmes meurent, non pas de maladie, mais en donnant la vie. Par ailleurs, elle constitue une mesure essentielle de l’état de santé général des populations et du niveau de développement d’un pays. Elle est aussi considérée comme un cas révélateur important de la condition féminine, de l’accès aux soins et de l’inégalité sociale. Elle a des conséquences majeures sur plusieurs aspects sociaux, économiques et sanitaires des populations. Elle est un grand contributeur au fardeau de la maladie des femmes (Goodburn & Campbell, 2001). De plus, elle est un des indicateurs de santé qui reflète le mieux les disparités entre les pays riches et les pays pauvres.

En effet, en dépit des progrès réalisés, les taux de mortalité maternelle (TMM) demeurent très élevés dans le monde. Le TMM est passé de 385 à 216 décès pour 100 000 naissances vivantes entre 1990 et 2015 soit une baisse de 44 % (UNICEF, 2016). La quasi- totalité de ces décès maternels (99 %) se produit dans les pays en développement (Sarah, Say, & Wilmoth, 2014). Contrairement à d’autres régions du monde, l’Afrique subsaharienne n’a pas vu une amélioration significative des indicateurs liés à la mortalité maternelle. En effet, les TMM y restent encore inacceptables avec des milliers de femmes qui continuent de

mourir chaque année, de causes liées à la maternité (WHO, 2010). En 2013, c’était environ 62 % des décès maternels mondiaux qui sont survenus en ASS (WHO, UNFPA, WB, UNPD, 2014). Elle a le plus haut ratio de mortalité maternelle du monde, avec 546 décès pour 100 000 naissances vivantes, comme le montre le tableau 1 ci-dessous (OMS, 2015). Toujours selon l’OMS, une jeune fille de 15 ans vivant en Afrique subsaharienne est confrontée à un risque de mort de 1 sur 40 pendant la grossesse et l’accouchement au cours de sa vie. Une fille du même âge vivant en Europe a un risque de mourir pour la vie de 1 sur 3 300 (Development, 2014).

Tableau 1 : Estimations du rapport de mortalité maternelle (RMM) et du nombre de décès maternels par région en 2015 (OMS, 2015).

Régions selon les OMD RMM Nombre de décès maternels

Monde 216 303 000

Régions développées 12 1 700

Régions en développement 239 302 000

ASS 546 201 000

Aussi, selon l’OMS, ce sont 8 millions de femmes qui souffriraient chaque année de complications aigües ou chroniques telles que les infections de l’appareil génital ou les fistules vésico-génitales (WHO, 2010). En Asie et en ASS, elle estime à plus de 2 millions le nombre de femmes vivant avec une fistule obstétricale non traitée (WHO, 2010). Ces taux élevés de mortalité et de morbidité maternelles ont des conséquences sociosanitaires lourdes sur la survie des enfants et la santé financière de la famille. Le décès d’une mère accroît la probabilité de décès de ses enfants ainsi que le risque que ces derniers développent des problèmes de croissance. Lorsqu’une mère décède à l’accouchement, il est rare que le nouveau-né survive (UNICEF & WHO, 2010). La mortalité néonatale est donc intimement liée à la mortalité maternelle. Quatre millions de décès néonataux sont enregistrés annuellement dans le monde, dont 98 % dans les PED (Cousens & al., 2011; Lawn & al., 2005). Comme pour les décès maternels, l’ASS est en tête avec des taux de mortinatalité de 28,3 pour 1000 naissances, contre 3,1 pour 1000 naissances dans les pays à revenus élevés

(Cousens & al., 2011). D’autre part, en Afrique, les femmes sont le pilier de la famille et participent activement à l’économie locale et aux revenus des ménages. Elles éduquent les enfants et leur dispensent les soins de santé. La maladie ou le décès d’une mère peut donc plonger la famille dans la précarité et retarder l’éducation des enfants qui désormais doivent travailler pour aider leur famille.

En dépit des efforts déployés, le Mali a l’un des plus hauts taux de mortalité maternelle dans le monde. Selon la dernière enquête démographique de santé EDS V (2012), le TMM est de 368 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. L’OMS estime que les taux des EDS seraient sous-évalués et donne des chiffres plus élevés comme indiqués dans le tableau 2 ci-dessous (OMS, 2015). Elle y estimait le risque de mourir pour des raisons reliées à la grossesse à 1 sur 22.

Tableau 2 : Évolution du ratio de mortalité maternelle (RMM) du Mali selon les estimations de l’OMS (OMS, 2015)

1990 1995 2000 2005 2010 2015

Mali 1010 911 834 714 630 587

Toutefois, ces chiffres masquent d’importantes disparités entre les populations à faible revenu et à revenu élevé et entre les populations rurales et urbaines (Ronsmans & Graham, 2006; Say & Raine, 2007). Pour les populations rurales et en particulier les nomades où l’assistance qualifiée à l’accouchement est limitée, les femmes font plus souvent appel à des tradipraticiens dont les compétences restent limitées en ce qui concerne la prise en charge des complications obstétricales. Le risque de mourir des causes maternelles pour ces femmes nomades est donc très élevé (Schelling, Weibel, & Bonfoh, 2008a). Nous n’avons pas pu trouver de chiffres concernant la mortalité maternelle chez les nomades au Mali, mais au Kenya, le taux de mortalité maternelle chez les nomades Gabbra avait été estimé à 599 décès pour 100 000 naissances vivantes (Mace & Sear, 1996), alors qu’il semble légèrement moins élevé chez les nomades Turkana (Pike, 1996).