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Chapitre 4 : Méthodologie

4.5 Analyse des données

L’analyse de contenu a été privilégiée comme méthode d’analyse de nos données. Elle « représente l’application systématique d’un ensemble de critères clairement définis à une communication particulière ou à un ensemble de communications » (Kelly, 1984, p. 295). L’analyse de contenu s’intéresse aux représentations sociales et aux conditions dans lesquelles le discours a été produit. Elle permet l’interprétation d’un texte écrit issu d’entrevues, d’observations ou de documents (Huberman & Miles, 2003).

Nous avons utilisé plus spécifiquement l’analyse de contenu thématique qui est l’une des techniques des plus courantes et des plus efficaces. Elle est particulièrement indiquée pour un « apprenti chercheur » et pour les approches exploratoires et descriptives (Paillé & Mucchielli, 2012). Elle « consiste à procéder systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans un corpus, qu’il s’agisse d’une transcription d’entrevues d’un document organisationnel ou de notes

d’observations » (Paillé & Mucchielli, 2012, p. 232). En d’autres termes, elle permet de repérer « des noyaux de sens » qui composent la communication et dont la présence ou la fréquence d’apparition pourraient signifier quelque chose pour l’objectif analytique choisi (Bardin, 1986, p. 105). Aussi, cette technique permet de décrire le matériel collecté et en étudier la signification pour rendre compte de ce qu’ont dit les participantes, de la façon la plus objective et la plus fiable possible. Elle est le propre des entrevues non directives ou semi-directives.

Par ailleurs, il est admis qu’il n’existe pas un schéma unique pour effectuer une analyse de contenu; celle-ci se faisant en fonction des objectifs de la recherche. Dans notre cas, elle a été structurée en quatre étapes inter-reliées, qui selon Mayer et Deslauriers (2000), sont celles utilisées par la majorité des auteurs et entre lesquelles s’est fait un mouvement continu et itératif de va-et-vient (Baribeau, 2009; Miles & Huberman, 2003).

4.5.1 La préparation du matériel

En recherche qualitative, l’analyse est une entreprise dynamique qui commence dès le début de la collecte des données en alternant une réflexion sur celles déjà collectées et la mise au point de nouvelles stratégies pour en collecter d’autres (Paille et Muchielli, 2003. p. 101). Cette étape de préparation du matériel a donc commencé pendant la collecte des données par leur traduction et transcription intégrale à partir des différents enregistrements audio réalisés. Puis, les verbatims obtenus de cette transcription ont été relus à l’aide des enregistrements audio pour les valider et s’assurer ainsi de la fidélité des propos. Une fois transcrites, des noms fictifs ont été attribués aux participantes pour s’assurer de la confidentialité de leur identité. Pour mieux cerner le contexte, les silences, les hésitations ou encore des passages inaudibles étaient notifiés.

4.5.2 La pré-analyse

Une fois la transcription terminée, les enregistrements ont été à nouveau écoutés attentivement et de manière approfondie, en lisant simultanément les verbatims afin de mieux s’imprégner de leur contenu et prendre des notes détaillées sur nos premières impressions quant à ce qui y est dit. Une grande valeur a été accordée à cette phase qui peut être qualifiée

d’immersion dans le corpus de données (Deslauriers, 1991) pour son appropriation. Selon Pope et Mays (2006), elle est cruciale dans le sens où elle permet de séparer l’information substantielle des éléments anecdotiques. Elle a ainsi permis d’identifier les premiers thèmes pour commencer une ébauche de grille d’analyse. Le thème est ici défini comme un ensemble de mots ou de courtes expressions permettant de cerner l’essentiel d’un propos ou d’un document (Paillé & Mucchielli, 2012).

4.5.3 L’exploitation (ou codage du matériel)

Cette étape a consisté en la codification et thématisation (ou catégorisation) des données dans le but de les décrire et de les présenter de manière claire et pertinente. Elle a permis de repartir et de contenir l’importante masse d’informations collectées. Plusieurs chercheurs s’entendent pour reconnaître qu’elle constitue une opération difficile, délicate, mais essentielle (Miles & Huberman, 2003).

C’est ainsi que dans un premier temps, les verbatims ont été examinés ligne par ligne et paragraphe par paragraphe pour générer des codes sous forme d’étiquettes attachées à des unités d’analyse de taille variable. En effet, ces unités d’analyse sont constituées par une phrase ou un bloc de plusieurs phrases. Les codes retenus étaient de types inferentiels (Miles & Huberman, 2003. p. 113), c’est-à-dire que les noms qui leur sont attribués étaient les plus proches du concept qu’ils représentent. Ils ont ainsi permis de déchiffrer les différents déterminants du recours ou non-recours à l’accouchement assisté par les nomades ou encore les stratégies potentielles, objet de cette étude. Cette étape de codification a pour but de faciliter la manipulation des données. Les codes ainsi obtenus ont bien entendu évolué tout au long de notre recherche, certains ayant été retirés et d’autres fusionnés. Aussi, il a été pertinent de créer de nouveaux codes au cours de cet exercice. Ce processus a été fait en accord inter-juges sur quatre entretiens avec notre directrice de recherche pour s’assurer de la validité de notre analyse. Cela a permis de valider la démarche, mais aussi les thèmes sur les verbatims des quatre entrevues.

Une fois cette étape de codification terminée, a été entamée la phase de thématisation (ou catégorisation) qui a consisté à regrouper plusieurs codes proches sous un même sous- thème, puis thème. Miles et Huberman (2003) l’appellent la codification thématique. Les

sous-thèmes ont permis de regrouper les réponses identiques sous un même titre générique. En d’autres termes, il s’agissait de mettre ensemble les éléments semblables sous un même sous-thème selon certains principes tels que l’homogénéité, la pertinence et l’objectivité (Picard, 1992). L’homogénéité signifie que seuls des verbatims allant dans le même sens doivent se retrouver regroupés au sein du même sous-thème pour éviter toute ambiguïté (Zihisire, 2011). Les sous-thèmes sont dits pertinents lorsqu’ils sont adaptés au corpus de réponse, aux objectifs de la recherche et au cadre théorique dans lequel s’inscrit la recherche (Zihisire, 2011). Quant à l’objectivité, elle implique une définition rigoureuse permettant d’effectuer le classement en minimisant toute interprétation des données (Intissar & Rabeb, 2015). Une fois tous les sous-thèmes obtenus, ils ont à leur tour été regroupés en thèmes.

Par ailleurs, le logiciel d’analyse QDA Miner a été utilisé pour faciliter la gestion de nos données. Tous les verbatims des entrevues ainsi que les sections les plus pertinentes du journal de bord et des observations y ont été exportés. Puis, les données y ont été thématisées en privilégiant une démarche de type mixte ayant ainsi recours à des thèmes induits, mais aussi à ceux préexistants. C’est dire que dans un premier temps, selon une démarche inductive, une lecture des verbatims a permis d’aboutir à des sous-thèmes et thèmes. Puis dans un deuxième temps, ces derniers ont été mis en perspective avec ceux prédéfinis à travers notre cadre conceptuel pour construire une grille d’analyse qui rende suffisamment compte des éléments importants contenus dans les discours et le vécu des participantes. Par ailleurs, pour veiller à ce que nos thèmes et sous-thèmes émergent véritablement à partir des données, nous avons essayé de garder l’esprit ouvert dépourvu de toutes notions préconçues. Nous avons ainsi cherché à rester le plus rigoureux et le plus objectif ou impartial possible, tout en étant conscients que nos expériences et sentiments sont susceptibles d’influer sur tout ce processus. La grille d’analyse s’est donc construite au fur et à mesure que nous découvrions de nouveaux sous-thèmes, mais nous nous sommes aussi inspirés de ceux prédéterminés dans notre cadre conceptuel et dans notre recension des écrits. L’avantage d’une telle démarche est que :

« Le chercheur ne part pas de rien face au matériel d’analyse. Il possède déjà un modèle qui lui sert de guide, mais qui reste souple, ouvert à toutes les nouvelles particularités susceptibles d’entrainer des modifications substantielles dans l’organisation des catégories

préexistantes, et surtout d’en ajouter plusieurs autres. Ces catégories préexistantes ne constituent donc qu’un point de départ et laissent une ouverture plus grande sur le matériel » (L’Écuyer, 1990, p. 76).

Pendant tout ce processus, notre matériel était en constante évolution, ce qui a fait que cette thématisation s’est modifiée tout au long de l’analyse pour être raffinée au fur et à mesure. Ce processus a permis donc de classer nos verbatims au sein de différents thèmes et donc dans la grille d’analyse qui en émane. Aussi, nous avons tenu à ce que chaque unité de signification se retrouve dans un seul thème. Lorsqu’il nous est arrivé d’avoir des unités de signification susceptibles d’être classées dans deux ou plusieurs thèmes, nous avons révisé et adapté notre thématisation.

Au final, ce processus a permis de classer nos données en six thèmes distincts qui ont permis de structurer nos résultats. Un premier thème porte sur les caractéristiques sociodémographiques des participants. Puis, quatre thèmes abordent les principaux déterminants du recours à l’accouchement assisté par les nomades. Enfin, un dernier thème traite des stratégies potentielles facilitant ce recours.

4.5.4 L’analyse et l’interprétation des résultats

L’analyse et l’interprétation des résultats ont commencé sur le terrain avec des prises de notes qui ont permis de repérer certains déterminants du recours ou du non-recours à l’accouchement assisté par les nomades et les relations qui s’établissent entre eux. C’est une phase assez délicate qui nécessite une grande rigueur méthodologique. Elle en appelle à la créativité du chercheur, à sa connaissance du sujet et à ses capacités de synthèse. L’implication de notre direction de recherche à cette étape a été d’une grande utilité. En effet, elle nous a aidé à faire des choix méthodologiques, mais aussi pour l’interprétation des données. Plusieurs auteurs postulent « qu’il n’existe pas une façon correcte de faire une analyse thématique, mais des façons de faire efficaces » (Paillé & Mucchielli, 2012, p.268). L’arbre thématique obtenu par une hiérarchisation des thèmes et sous-thèmes selon leur rôle principal ou périphérique pour répondre à nos questions et leur récurrence a permis d’avoir une représentation synthétique du contenu analysé avec les différents cas de figure par rapport à notre objet d’étude. Cette étape assez concrète de l’analyse des données et préalable

à leur interprétation proprement dite, est jugée très importante par Miles et Huberman (1994), pour qui elle permet de gérer « une tâche écrasante et démesurée, qui à la fois démotive le chercheur et amoindrit la qualité de son travail » (p. 101). Ainsi, ont émergé des ensembles thématiques (pouvant être convergents, divergents ou complémentaires) constituant des genres de matrices de signification qui coexistent les unes avec les autres. Ces dernières ont fait l’objet de commentaires pour « rejoindre finalement le sens profond du phénomène analysé » (L’Écuyer, 1990, p.109). Elles ont permis de nommer les différentes dimensions de notre objet d’étude. Puis ont été établies des relations pour trouver des liens qui en réalité s’imposent déjà entre ces dimensions. Elles ont été mises en contraste pour constituer un univers de signification permettant ainsi de décrire et de comprendre les différents déterminants du recours ou non-recours à l’accouchement assisté par les nomades, mais aussi d’identifier des stratégies potentielles pour faciliter ce recours.