3.3 ANGLETERRE
3.3.1 Système de santé anglais
3.3.1.1 Mode de fonctionnement actuel du système de santé anglais
Actuellement, le système de santé anglais est fondé sur un système de santé de type
beveridgien. [5]
En 1942, à la demande du gouvernement britannique, l’économiste William Beveridge
(1879-1963) a rédigé un rapport sur l’ensemble des systèmes de couverture médicale et
sociale existant à l’époque dans le pays. Partant du constat que ces systèmes de sécurité
sociale se sont développés sans réelle cohérence, il proposa d'en fonder un unique. [5]
Le système de santé beveridgien est basé sur une logique assistancielle. Les
prestations sont versées aux individus qui en ont besoin. [5]
Les grands principes de la sécurité sociale beveridgienne sont basés sur:
- l’universalité : protection sociale pour tous les habitants accordée sur la base d’un
critère de résidence et non d’un critère professionnel
- la généralité : protection pour tous les risques sociaux (maladie, retraite, précarité,
invalidité)
- l’unicité : le système de couverture médicale et sociale est entièrement géré par l’État
- l’uniformité des prestations en espèces : fondées sur les besoins des individus et non
sur leurs pertes de revenus en cas de survenue d’un risque
- le financement par l’impôt.
Les grands principes du système beveridgien sont toujours respectés à l’heure actuelle
dans le système de santé anglais. [5]
Le National Health Service, NHS (service national de la santé) a été créé en 1946. Il
n’existe pas de caisses d’assurance maladie ni de systèmes de remboursement des soins
puisque la couverture maladie est assurée par l’accès à des services (aussi bien les soins
délivrés par les généralistes que les hôpitaux) et non par des remboursements. [17]
Au moment de mes recherches, l'ensemble du système de protection sociale est géré
uniquement par l’État. C'est le Ministère de la Santé qui assurait la direction du NHS. Le
Ministère disposait d’une enveloppe annuelle, allouée par le Parlement. Le NHS était donc en
concurrence avec d’autres services publics en ce qui concerne la part de l’impôt qui lui est
attribuée. En Angleterre, tous les services publics sont tenus de respecter strictement leurs
plafonds de dépenses annuels, tout dépassement sensible par un Ministère met en péril la
place du Ministre concerné. [17]
Ce contexte de limitation des ressources allouées au système de soins, a donné une
place importante aux mécanismes de régulation du système de soins. Les mécanismes de
régulation peuvent avoir un impact aussi bien dans le domaine de l'organisation du système de
soins, que dans celui de l'offre de soins et celui de la régulation démographique des
professions de santé. [17]
Régulièrement dénoncés et sources d’insatisfactions dans l’opinion publique, les
dysfonctionnements du NHS ont conduit le gouvernement Thatcher à mettre en œuvre, en
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1991, une importante réforme de l’organisation du NHS. Cette réforme a permis d’organiser
une séparation entre les acheteurs et les producteurs de soins. Elle a modifié en profondeur
l’organisation administrative et financière du système sans modifier les grands principes du
système beveridgien. [17]
Avant 1991, le système fonctionnait sur une absence de libre choix aussi bien pour
l’hôpital que pour le médecin généraliste. Il était financé par des mécanismes d’enveloppes
budgétaires attribuées à chacune des structures de soins. [17]
L’un des changements essentiels de la réforme était d'introduire des relations
contractuelles entre les Health Authorities (autorités sanitaires) et les hôpitaux. Dans le cadre
de cette réforme, les GP Fundholders (médecins généralistes gestionnaires), sont devenus à la
fois fournisseurs de soins primaires et acheteurs de soins secondaires. [17]
Chaque Health Authority recevait annuellement du Ministère de la Santé une
enveloppe budgétaire globale. Elle disposait ensuite librement de son enveloppe budgétaire
pour « acheter » des soins hospitaliers, c’est-à-dire pour passer des contrats avec les NHS
Trusts (les hôpitaux) pour la fourniture d’un certain panier de soins. [17]
Avec la réforme de 1991, les hôpitaux publics se sont donc vus attribuer un statut
indépendant de NHS Trusts. [17]
Les seconds acheteurs du système étaient les GP Fundholders (médecins généralistes
«gestionnaires de fonds»).Ces généralistes se sont vus attribuer une enveloppe budgétaire
pour acheter des soins secondaires pour leurs patients auprès des NHS Trusts. [17]
Le système du fundholding a permis une redistribution importante du pouvoir entre les
spécialistes et les généralistes. En effet, les fundholders pouvaient facilement transférer leurs
patients d’un spécialiste à l’autre s’ils n'étaient pas satisfaits et ils ont pu utiliser ce pouvoir
pour faire baisser les durées d’attente pour leurs patients. De plus, la réforme de 1990 a
réintroduit une liberté de choix du médecin généraliste, en effet, les patients ont obtenu la
possibilité de changer de médecin généraliste au bout d’un an. [17]
Cependant cette réforme a rencontré une certaine limite. Fonctionnant toujours avec
une enveloppe budgétaire prédéfinie, la marge de manœuvre des Health Authorities a été
considérablement limitée. La nouvelle organisation mise en place en 1991 n’a donc pas
permis de résorber les phénomènes de listes d’attente, mais a révélé l’importance des coûts
des systèmes nécessaires à la gestion d’une telle organisation. [17]
En 2000, malgré ces précédentes réformes, les résultats sanitaires restaient médiocres
par rapport aux autres pays de l'Union Européenne. Le premier Ministre Tony Blair a alors
prévu d'autres réformes du NHS destinées à améliorer ses performances en termes de qualité
des soins et de réactivité. Le Ministère de la Santé a élaboré le NHS Plan, un plan de réforme
qui a assigné au NHS plus de 400 objectifs à atteindre. [17][18]
Cette réforme du NHS a surtout mis en place une augmentation des moyens financiers
accordés au NHS et une refonte de l’organisation interne du service national de santé. [17]
Le rôle des Health Authorities a été remplacé par des Strategic Health Authorities
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fonctions de pilotage du système et non plus des acheteurs directs de soins. [17]
Les GP fundholders ont été supprimés. L’achat de soins secondaires a été confié à des
Primary Care Groups (PCG) transformés au 1er avril 2002 en Primary Care Trusts (PCT)
(fonds de soins primaires). Ces trusts étaient des structures gestionnaires dépendantes du NHS
avec lesquelles l’ensemble des médecins généralistes étaient contractuellement liés. [17]
Ces Primary Care Trusts constituaient les échelons locaux du NHS. Ils géraient 75%
du budget du NHS. On en dénombrait 304, réparties sur l'ensemble du territoire. [17]
Depuis 2013, les PCT ont été remplacés par les clinical commissioning boards (CCG)
(commissions de mise en service clinique). Elles sont devenues le principal relais local. [11]
Le conseil d’administration de ces instances locales est nommé au niveau national, par
le Ministre de la Santé. Trois grandes missions leurs sont assignées. Elles fournissent des
soins primaires, essentiellement sous forme de consultations de médecine générale. Elles
achètent des soins secondaires auprès de prestataires locaux. Enfin, elles sont chargées de la
santé publique à l’échelon local. [17]
Pour que les CCG mènent à bien leurs missions, le Ministère leur a attribué une
enveloppe budgétaire, avec laquelle elles sont censées acheter des soins pour la population
qu’elles desservent. Les soins regroupent les soins primaires, les soins prodigués en
dispensaires, les soins hospitaliers, les médicaments et les actions de santé publique. [17]
Ces enveloppes sont essentiellement calculées à la capitation, en fonction d’une
formule nationale qui tient compte des caractéristiques démographiques et socio-économiques
de la région ainsi que des variations locales du coût du travail et du capital. Les CCG doivent
veiller à ce que leurs dépenses annuelles ne dépassent pas l’enveloppe qui leur a été allouée.
[6]
Les CCG achètent les soins primaires auprès de cabinets de médecine générale, qui
occupent une place importante au sein du NHS. (Détails dans le paragraphe 1-2) [11]
Les CCG achètent les soins secondaires auprès d’offreurs de soins publics, privés ou à
but non lucratif. Dans le secteur hospitalier, les offreurs sont restés les NHS Trusts. Le conseil
d’administration des NHS Trusts est désigné à l’échelon national, par le Ministre de la Santé.
Les NHS Trusts sont restés indépendants du CCG local et sont en concurrence avec d’autres
offreurs pour remporter les marchés proposés par les CCG locaux. Ils sont censés équilibrer
leur budget sur une période de 3 ans. [17][18]
Les contrats négociés avec les instances locales constituent la principale source de
revenu des NHS trust. Jusqu’en 2006, les contrats étaient des block contracts (contrats
globaux) annuels. [18] Ces budgets globaux sont actuellement remplacés par un nouveau
système de rémunération : le Payment by Results (la rémunération aux résultats). Dans ce
système, les prestataires sont rémunérés selon un barème national de tarification à la
pathologie. [11]
La mise en place du Payment by Results va de pair avec l’importance accordée au
choix des patients. Alors que les contrats globaux les obligeaient à recourir aux hôpitaux avec
lesquels les instances locales avaient négocié un contrat, le nouveau mode de rémunération est
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censé leur permettre d’avoir le choix entre un plus grand nombre de prestataires. En janvier
2006, le système Choose and book («Choisissez et réservez») a été mis en place : une fois que
le médecin généraliste a décidé qu’une orientation vers l’hôpital ou vers un spécialiste était
nécessaire, les patients qui ont besoin de soins non urgents se voient offrir le choix entre
quatre ou cinq prestataires. Ces prestataires peuvent être des NHS Trusts, des centres de
traitement indépendants, des hôpitaux privés ou des praticiens qui ont une compétence
spécialisée et exercent dans le secteur des soins primaires. Un système électronique national
de réservation permet aux patients de choisir la date et l’heure de leur rendez-vous. [11]
Récemment, afin d’accroître la concurrence localement et donner davantage de choix
aux patients, la politique de santé s’est résolument orientée vers un renforcement du rôle du
secteur privé dans la fourniture de soins de santé. Des centres de traitement indépendants
(independent treatment centres), qui effectuent des actes diagnostiques de routine et des actes
de chirurgie dans le cadre d’hospitalisations de jour ou de courte durée ont vu le jour ces
dernières années. [11]
Même si la majeure partie des soins est dispensée par le NHS. Il existe toutefois un
secteur dit « privé » de taille modeste, mais qui occupe une place non négligeable dans le
domaine de la chirurgie non urgente. Près de 12% de la population anglaise est couverte par
une assurance maladie privée. La souscription d’une assurance privée, par l’intermédiaire de
l’employeur ou individuellement, est la plupart du temps motivée par la volonté d’éviter les
longs délais d’attente imposés par le NHS. [6]
3.2.1.2 Place des soins primaires dans le système de santé anglais
Au moment de mes recherches, la place du General Practitionner (médecin
généraliste) dans le NHS était centrale. Le General Practitionner constituait la pierre
angulaire du système de santé anglais. Les patients anglais devaient obligatoirement passer
par le médecin généraliste pour accéder aux soins spécialisés. Le médecin généraliste
prodiguait les soins de premier niveau et servait donc de filtre au système hospitalier et à
l’accès aux spécialistes. Ils avaient le rôle de gatekeeper et les restrictions qu’ils imposaient
pour l’accès aux spécialistes étaient pour beaucoup dans le fait que les dépenses de santé ont
toujours été faibles en Angleterre. [11] [17]
Avec ce système structuré du système de soins, le développement des soins primaires
notamment en matière de prévention et d’approche conjointe socio-sanitaire était très
important. [6]
Le médecin généraliste était le réfèrent des patients qui sont inscrits auprès de lui.
Depuis les années 2000, il n’existait plus aucune restriction réglementaire au changement de
médecin dans une zone géographique donnée, le patient ayant seulement besoin du
consentement du nouveau médecin. Cette liberté de changement est peu utilisée dans les faits.
[6]
On a observé en Angleterre une plus forte reconnaissance des professions de santé
intervenant dans les soins primaires notamment les médecins généralistes et les infirmières.
Elle s'est traduite par l’existence d’un secteur de recherche et universitaire associé à des
organismes de représentation professionnelle bien organisés. [6] La reconnaissance de la place
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et de l’importance de ces professions dans la prise en charge des soins primaires s'est traduite
par une valorisation financière de ces professionnels. En effet par rapport aux autres pays, la
différence de rémunération entre les médecins généralistes et spécialistes est moins
importante en Angleterre. Elle est la plus basse d'Europe, soit un revenu de (seulement) 18%
inférieur aux spécialités. [11]
3.2.1.3 Place des organisations médicales dans le système de santé,
co-gestion du système de santé anglais
Le NHS est soumis à un ensemble complexe de mécanismes de régulation et de
contrôle. [17]
Les National Service Frameworks (NSF) (recommandations pour le service national)
sont des publications contenant des recommandations sur la manière dont les soins devraient
être dispensés. Malgré l’accueil globalement positif réservé à la majorité des référentiels
publiés, des réserves ont été émises. En effet, les critères de coût et d’efficacité n’auraient pas
toujours été suffisamment pris en compte pour établir les recommandations, les praticiens
seraient parfois mal informés du contenu des référentiels, qui ne seraient pas toujours
actualisés en fonction des nouvelles données disponibles. [17]
Le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) (Institut national pour
la santé et l'excellence clinique) est un institut qui a pour vocation de promouvoir l’efficacité
et un bon rapport coût-efficacité dans l’utilisation des technologies sanitaires, y compris dans
les interventions de santé publique. Cet institut est une autre source importante de référentiels.
[17]
La Healthcare Commission (commission pour la santé) est un organe national de
contrôle. Elle est chargée de veiller au respect des normes nationales de qualité et de sécurité.
Cette commission inspecte toutes les organisations du NHS et tous les prestataires de soins
indépendants. Elle a de multiples fonctions, et est notamment chargée d’évaluer : la gestion et
la qualité des services de soins et de santé publique du NHS, d’évaluer les performances de
tous les NHS Trusts et de leur attribuer une note annuelle, de contrôler le secteur privé, de
publier des informations sur la situation sanitaire et enfin d’examiner les plaintes formées
contre les organisations du NHS. [17]
La Healthcare Commission contrôle également la conformité aux normes en matière
de santé. Jusqu’en juillet 2005, l’évaluation annuelle des organisations du NHS était
sanctionnée par l’attribution d’étoiles, de 0 étoile pour les organisations affichant la plus
mauvaise performance à 3 étoiles pour celles qui affichaient les meilleurs résultats. Le
principal critère entrant en ligne de compte était la capacité de l’organisation à atteindre
l’objectif fixé par le gouvernement en termes de délais d’attente. De ce point de vue, ce
système de notation a indiscutablement contribué à réduire de manière spectaculaire les délais
d’attente interminables auxquels les patients du NHS étaient habitués. Toutefois, il a été
accusé de fausser la pratique clinique, du fait que la qualité clinique ne jouait qu’un rôle
mineur dans l’attribution des étoiles. [11]
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Une Audit Commission (commission d’audit indépendante) est chargée de contrôler la
gestion financière du NHS. Elle nomme des contrôleurs, qui examinent la situation financière
des organisations du NHS et leurs méthodes de gestion. La commission publie des rapports
locaux et nationaux sur les résultats financiers du NHS. [17]
De plus, une Commission de Qualité des Soins est en charge de la vérification du
niveau de qualité des soins prodigués (y compris par les médecins généralistes), au travers
d’inspections et de documents provenant des patients. Les établissements de soins doivent
s’enregistrer auprès de cette commission afin d’être habilités à procéder à des activités
régulées (y compris les soins de base). [6]
Les collectivités locales ne jouent qu’un rôle mineur dans la régulation du système.
[17]
3.3.2 Régulation de la démographie médicale des médecins généralistes en
Dans le document
FACULTE DE MEDECINE DE TOURS Année 2016
(Page 45-50)