3.2 ALLEMAGNE
3.2.2 Régulation de la démographie médicale des médecins généralistes en Allemagne
3.2.2.2 Formation des médecins et régulation de la démographie médicale en Allemagne
3.2.2.2.1 Mode de sélection pendant les premières années d'étude de médecine
En Allemagne, le nombre d’étudiants en médecine n’est pas établi au niveau fédéral,
mais est fixé par les Länder, qui sont responsables de l’enseignement. [13]
Les Länder ont limité le nombre d’étudiants en médecine en fonction non pas d’une
évaluation des besoins futurs, mais selon les places que leurs universités offrent. [13]
Alors que les Länder se sont opposés à toute diminution du nombre des étudiants, le
Ministère de la Santé et l’Ordre fédéral des médecins quant à eux ont plaidé pour une
régulation fédérale. Ils ont mis en avant le fait que l’abondance des médecins constituait un
facteur d’augmentation des dépenses de santé et ils ont estimé que la réduction du nombre des
étudiants en médecine contribuerait à l’amélioration de la formation. [6]
Cependant, la constitution allemande garantit la liberté du choix de la profession et la
loi n’autorise la restriction de l’accès aux études qu’en cas d’épuisement des possibilités de
formation des universités. Les Länder se sont appuyés sur cette loi pour refuser tout
mécanisme visant à diminuer le nombre de candidats au-delà du nombre de places offertes
dans leur université de médecine. [6]
Les médecins, pour leur part, ont estimé qu’une limitation du nombre d’étudiants en
médecine serait indispensable pour réaliser les réformes annoncées dans la nouvelle loi sur la
formation de base des médecins. Celle-ci visait à améliorer la qualité des études en renforçant
le travail en petits groupes au lit du patient et surtout en mettant davantage l’accent sur la
formation pratique en général. Cette modification pédagogique imposerait d’adapter le
nombre de places offertes en faculté de médecine, ce qui correspondrait à une diminution de
25 % par rapport au nombre de places actuelles. [6]
Cependant les Ministères de la Culture et de l’Éducation des Länder se sont opposés à
cette réduction. [6]
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En pratique, une intervention de l’État à l’entrée des études de médecine pour réguler
le nombre de médecins semble inenvisageable à ce jour. [6]
Au moment de mes recherches, il y avait 36 universités de médecine en Allemagne.
[11]
Chaque université décidait elle-même du nombre de places disponibles en formation
médicale. Ces places étaient attribuées selon deux modes. [11]
Le système centralisé d’affectation des étudiants (Hochschulstart) octroyait 20% des
places de chaque université selon les résultats des élèves à l’examen de fin de secondaire :
l’Abitur (équivalent de notre baccalauréat) et 20% des places selon le nombre de semestres
d’attente du candidat. Les 60% de place restantes étaient sélectionnées par les universités
elles-mêmes. Cette sélection pouvait se fonder sur des critères divers (note à l’Abitur, distance
entre le lieu de résidence du candidat et l’université, qualifications professionnelles
préalables…). [8]
La formation théorique durait 6 ans. Les 2 premières années permettaient la
« formation de base » regroupant différentes matières. Elle était validée par un examen
permettant d’être admis en troisième année. S'en suivait la « formation médicale » proprement
dite qui elle durait 4 ans. En dernière année, l'étudiant avait une formation pratique de 48
semaines dont 16 semaines en chirurgie et 16 semaines en médecine, les 16 dernières étaient
laissées au choix de l'étudiant. [8]
La réussite de ces 6 années menait au diplôme de médecine (diplôme d’État) reconnu
dans tous les pays de l'Union Européenne. [8]
Ce diplôme permettait un mode d'exercice restreint de la médecine sous le titre de
« médecin stagiaire ». C'est seulement après 18 mois de stage que le stagiaire pouvait acquérir
« l'approbation » qui correspondait à l'autorisation d'exercer sa profession de médecin. [8]
Cette approbation permettait de s'inscrire dans une formation spécialisée de généraliste
ou autre. [8]
3.2.2.2.2 Régulation et nombre d'étudiants formés en médecine générale au
cours des études
Contrairement à la formation théorique qui relevait des Länder, les cursus de
spécialisation, y compris celui de la médecine générale, étaient organisés par l’Ordre fédéral
des médecins. [6]
Les étudiants étaient obligés de trouver eux-mêmes les stages nécessaires pour réaliser
le cursus requis. [6]
Mais les lieux de formation disponibles étant largement inférieurs à la demande de
spécialisation des jeunes médecins, la concurrence entre les candidats était forte. C’était donc
l’offre de stages qui, de façon indirecte, régulait l’accès aux spécialités. [6][13]
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Pour obtenir le titre de spécialiste, les étudiants devaient réaliser un nombre minimum
d’actes pendant leur formation. Il s'agit du critère de masse critique d’actes à réaliser. Ce
critère est actuellement très controversé. Pour l’Ordre des médecins, il induirait une inflation
d’actes non justifiés et préjudiciables pour le patient. Pour l’union des médecins
conventionnés, la notion de masse critique d’actes est au contraire une garantie de la qualité
des pratiques. En effet l’union des médecins conventionnés a défini des volumes d'actes que
doit avoir effectué un médecin spécialisé pour être conventionné. Ainsi, pour pouvoir
réclamer la rémunération de certains actes comme des traitements ou examens particuliers, le
médecin doit prouver qu’il a rempli les conditions requises, c’est-à-dire qu’il a déjà effectué
un certain nombre de ces actes. [13]
La formation en médecine générale a évolué au cours des douze dernières années, pour
devenir une spécialité à part entière. [13]
En 2014, le ratio était de 40% d’étudiants choisissant la médecine générale pour 60%
d’étudiants choisissant une autre spécialisation. [11]
Il existe chaque année un fort taux d'abandon au cours des études en Allemagne. En
2010, on estimait que 17,9 % des étudiants entrant en études de médecine abandonnaient
avant la fin. Par ailleurs, parmi les 82,1 % terminant leurs études, 11,6 % partaient s’installer
à l’étranger (notamment en Suisse, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et en
Autriche). [11]
Ce phénomène ne semble pas connaître de raison particulière, et est à replacer dans la
perspective du fort taux d’abandon dans les études supérieures en Allemagne en général (en
2010, 24 % des étudiants de Master ne finissaient jamais leurs études). [11]
3.2.2.2.3 Mesures incitatives avant et durant la formation
Dans ma revue de la littérature, je n'ai retrouvé aucune mesure incitative mise en place
en Allemagne avant l'entrée en faculté de médecine.
Depuis 2006, seuls les médecins généralistes peuvent prétendre au titre de médecins de
famille. Cependant pour le Conseil de l'Ordre des médecins, cette restriction risquait de mettre
fin à cette activité. En effet, l'Ordre des médecins craignait que les candidats soient
découragés par la longueur de la formation (5ans) avec une importante difficulté à trouver des
stages formateurs (dont 2 ans obligatoires en hôpital) alors que leur champ de pratique future
restait restreint et leur rémunération inférieure à une autre spécialité. En comparaison, la
médecine interne permettait une formation en 6 ans mieux rémunérée avec des modes
d'exercice et de formation diverses. [6]
Devant cette crainte grandissante, conscientes du problème d’accès à la formation et
sous la pression du conseil de l'Ordre Fédéral, les caisses ont accordé une aide financière
pendant 2 ans aux étudiants de médecine générale. Une dotation mensuelle de 1020 euros par
mois est accordée aux étudiants de médecine générale durant 2 ans. [6]
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3.2.2.3 Régulation de la démographie des médecins généralistes à
Dans le document
FACULTE DE MEDECINE DE TOURS Année 2016
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