3.3 ANGLETERRE
3.3.2 Régulation de la démographie médicale des médecins généralistes en Angleterre
3.3.2.4 Missions assignées aux médecins généralistes par le système de santé en Angleterre
En Angleterre la pratique de groupes est donc devenue très répandue. Le regroupement
s'est organisé dans des cabinets privés gérés par des professionnels qui exercent comme
travailleurs indépendants. [15]
En 2010, 92% des médecins généralistes travaillaient en groupe. [15]
L’évolution la plus marquante de ces dernières années a été l’augmentation de la taille
des groupes. En moyenne, un cabinet de groupe comprenait environ 6.000 patients inscrits
pour 3 médecins et une équipe non médicale d’environ 6 temps plein (dont 4 personnels
administratifs et 2 personnels soignants). Cependant en 2014, plus de 45% des généralistes
exerçaient dans des groupes associant 5 généralistes et plus, contre 17% en 1975. [11]
Le regroupement est pluri-professionnel (association entre médecins généralistes et
autres professionnels paramédicaux). La concentration de l’exercice médical au sein de gros
cabinets médicaux a permis une collaboration active et interdisciplinaire. [15]
En Angleterre, des minor injuries centers (centres de blessures mineures) et des
walk-incenters (centres sans rendez-vous), dont certains disposent de médecins, sont répartis en
complément des cabinets de médecine générale. Ces deux dispositifs se sont avérés efficaces
en complément des cabinets de médecine générale et des urgences, mais ne sont à même de
fournir des soins de longue-durée ou un traitement à des problèmes graves. [11]
Au moment de mes recherches, les médecins généralistes étaient les seuls médecins de
ville, les spécialistes exerçaient uniquement dans les établissements de soins. [11]
3.3.2.4 Missions assignées aux médecins généralistes par le système de
santé en Angleterre
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3.3.2.4.1 Rôle et missions des médecins généralistes
En Angleterre, au moment de mes recherches, le médecin généraliste était le pivot de
l’organisation des soins. [6]
Comme expliqué précédemment, chaque cabinet a une liste de patients inscrits au
cabinet. En effet, chaque citoyen britannique qui souhaite bénéficier des prestations du NHS
doit s’inscrire chez un médecin généraliste. Selon la constitution de la NHS, le patient est
libre de choisir son généraliste. [6]
Les médecins généralistes ont un rôle de gatekeeper, l'accès aux soins spécialisés est
conditionné par une visite préalable obligatoire auprès d'eux. Les patients doivent d’abord le
consulter pour accéder au spécialiste ou à l’hôpital. Le patient ne peut être pris en charge
directement par l’hôpital que dans le cadre de l’urgence. [11]
Par ce rôle de gatekeeper, le généraliste tient un rôle prépondérant dans la gestion du
dossier médical de ses patients, et est donc sensé avoir une vue globale de l’historique
médical du patient. [11]
En plus de ce rôle, les missions du médecin généraliste anglais sont scindées en trois
groupes : les essential clinical services (soins cliniques essentiels) qui constituent le cœur du
métier du généraliste et qui doivent être fournis par l’ensemble des cabinets médicaux ; les
additional clinical services (soins cliniques additionnels) qui concernent les actions de
prévention et de coordination ; et enfin les enhanced clinical services (soins nationalement ou
localement encouragés), qui sont des actions de promotion de la santé dont l’accomplissement
est facultatif et rémunéré de manière spécifique. Le champ de l’activité d’un cabinet médical
peut donc être ainsi à dimension variable. [11]
Les actions de santé publique ont fait l’objet d’une politique incitative nationale en
grande partie accompagnée par des incitations financières. Celles-ci ont concerné quatre
grands types d’actions : promotion de l’éducation de la santé, prise en charge des maladies
chroniques, prévention par la vaccination et le suivi gynécologique. [16]
Les généralistes fournissent donc une palette de soins divers (alliant des composantes
sociales, physiques et mentales), notamment en termes de prévention. Leurs compétences
incluent la pédiatrie, la santé mentale, le diagnostic et la gestion de pathologies de
longue-durée (diabète, asthme), l’ophtalmologie, l’oto-rhino-laryngologie, la gynécologie et la
dermatologie. Certains se spécialisent cependant dans un domaine spécifique (tout en restant
généraliste et recevant des patients y compris pour des affections ne relevant pas de leur
spécialisation), et peuvent pratiquer des interventions chirurgicales mineures. [11]
La réforme de 2001 a laissé aux cabinets médicaux le choix d’assurer les gardes du
soir et du WE ou de ne pas les assurer. Les cabinets effectuant un service continu sont
rémunérés à cet effet. [16]
La pratique des cabinets de groupe mêlant personnels administratifs, paramédicaux et
médicaux a permis des transferts de compétences entre professionnels. Avec la réforme du
NHS de 2001, on a vu apparaître un transfert en chaîne des responsabilités des spécialistes
vers les généralistes, des généralistes vers les infirmières, des infirmières vers les travailleurs
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sociaux. Les médecins généralistes ont pu ainsi se spécialiser afin de mieux prendre en charge
en ambulatoire certains types de soins. [6]
Les cabinets étaient responsables de fournir eux-mêmes des locaux adéquats et
d’employer leur propre personnel. [11]
Un cabinet peut compter plusieurs médecins, mais un même médecin peut aussi
exercer dans plusieurs cabinets. [16]
3.3.2.4.2 Modes de rémunération des médecins généralistes
Contrairement aux idées reçues, au moment de mes recherches, les médecins
généralistes étaient indépendants, ils exerçaient à titre libéral, mais sous contrat. [6]
Le contrat entre le National Health Service et les cabinets de généralistes a régis
principalement les conditions de rémunération du cabinet pour les soins fournis à sa
patientèle. Les soins fournis en cabinet généraliste étaient gratuits pour le patient. [6]
Du fait de ce lien direct entre le médecin et le NHS, la rémunération des médecins
avait un caractère prévisible et normalisé. Tous les médecins étaient rémunérés selon les
mêmes conditions. [6]
En Angleterre, leur rémunération dépendait du résultat du cabinet après déduction des
frais et salaires des autres employés. [15]
La rémunération des médecins généralistes était complexe, car comportait différents
modes de rémunération. [15]
Dans un premier temps, la rémunération à la capitation est versée par l’administration
sanitaire de leur district (les CCG). Il s’agit d’un versement trimestriel calculé pour chaque
patient en fonction de l’âge de la personne, le taux de mortalité du secteur, et des indicateurs
socio-économiques (niveau de pauvreté dans la région, chômage…). Chaque médecin
généraliste est en moyenne en charge de 1878 patients. En 2009 en moyenne, le CCG versait
56,20£/patient. [11]
Depuis 2004, en plus de cette rémunération à la capitation, les médecins généralistes
reçoivent 3 types de revenus supplémentaires. Le Minimum Practice Income Guarantee
(dotation minimale par médecin) sert de plancher à la formule de calcul de la rémunération.
La Quality and Outcomes Framework (QOF) (part variable liée à la performance) est calculée
à partir de standards gouvernementaux : les médecins gagnent des points convertis en
rémunération dans 4 catégories : clinique, organisationnelle, expérience du patient et services
additionnels. Et enfin, les médecins généralistes perçoivent un paiement à l’acte pour tout
autre service que les soins basiques. [11]
Le QOF est un mécanisme de rémunération des médecins à la performance. Celui-ci a
incité les médecins généralistes à assurer le suivi des patients. Le QOF a pris la forme d’un
ensemble d’indicateurs de procédures et de résultats cliniques qui, en 2007, couvraient la
qualité des soins, l’organisation des cabinets, l’attention portée et la satisfaction du patient,
59
ainsi que les services additionnels qui permettaient de mesurer l’efficacité de l’action du
médecin par rapport à ces 4 domaines. Le barème du QOF contient 150 indicateurs,
correspondant à un total de 1 000 points où chaque point correspond environ à 108,10 euros.
Les cabinets peuvent accumuler des «points qualité» en fonction de leurs résultats pour ces
indicateurs. Les points ne commencent à s’accumuler qu’à partir du moment où un certain
seuil est atteint. Par exemple, les cabinets médicaux qui peuvent prouver que 90% des
dossiers de leurs patients souffrant d’hypertension artérielle contiennent au moins une
indication du statut tabagique du patient obtiennent le nombre de points maximum. [11]
L’objectif du QOF était d’évaluer si les recommandations concernant les meilleures
pratiques étaient observées. [11]
Il faut noter que le remboursement d’une partie des frais administratifs et
d’équipement était également perçu par le médecin généraliste. [15]
Les CCG doivent en principe respecter ces budgets. Tout manquement grave pouvant
être lourd de conséquences pour le salaire et la carrière de leurs dirigeants. Même si certaines
organisations ont pu dépasser leur enveloppe, cette discipline budgétaire a toujours permis au
NHS de respecter à la lettre son plafond de dépenses, et a contribué fortement à la bonne
maîtrise des dépenses de santé en Angleterre. [6]
Au moment de mes recherches, deux tiers des médecins généralistes étaient libéraux et
étaient donc rémunérés comme expliqué ci-dessus. Cependant, un tiers des médecins
généralistes travaillant en cabinet de groupe étaient salariés du cabinet. Dans ce cas, ils
recevaient un salaire fixe. Bien que le contenu des conventions varie d’un lieu à l’autre,
nombre de CCG ont également prévu l’application du QOF dans la convention des médecins
salariés. [11]
3.3.2.5 Fin de carrière des médecins généralistes
Avec la pénurie importante de médecins, la charge de travail par médecin s'est
alourdie. Un épuisement des médecins s'est fait sentir depuis plusieurs années. Le taux
important de départ en retraite anticipée en a été un des reflets. [6]
Pour ralentir ce phénomène, des incitations financières sont expérimentées depuis le
1er avril 2005, pour maintenir l’attractivité de l’exercice de la médecine générale :
- les médecins entre 60 et 65 ans susceptibles de partir à la retraite reçoivent une prime
annuelle de 10.000 livres en échange de leur maintien en activité ;
- d'autres primes sont en cours de négociation : elles visent les médecins ayant cessés
leur activité un temps et qui seraient prêts à reprendre leur activité médicale. [11]
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Dans le document
FACULTE DE MEDECINE DE TOURS Année 2016
(Page 56-60)