3.6 QUEBEC
3.6.2. Régulation de la démographie médicale des médecins généralistes québécois
3.6.2.3 Régulation de la démographie des médecins généralistes à l'installation au Québec
3.6.2.3.1 Mesures incitatives
De nombreuses mesures incitatives ont été développées et testées par les différentes
provinces du Canada et, notamment, le Québec. [6]
Au Québec, au moment de mes recherches, il n’existait pas de mesures de limitation à
l'installation (sauf pour les médecins étrangers). [6]
En 1981-1982, la Loi 27 a instauré des niveaux de tarifs différents pour les nouveaux
médecins au cours des trois premières années de pratique, selon leur lieu de travail. [6]
Dans les régions urbaines, les tarifs sont devenus inférieurs et dans les régions
déshéritées, les tarifs sont devenus plus élevés. [6]
Le territoire a été découpé en quatre types de région auxquels correspond un niveau de
tarif :
- universitaire (70 % de la rémunération pour les médecins débutants),
- périphérique de Montréal et des autres grandes villes (70 % en établissement et
100 % en cabinet privé),
- intermédiaire (100 %),
- éloignées et isolées (115 % pour les médecins généralistes et 120 % pour les
spécialistes). [6]
Mais ces mesures n’ont eu pratiquement aucun effet sur l'installation des jeunes
spécialistes. [6]
Depuis 1990, des primes d’installation ont été versées (entre 10 000 $ canadiens et 25
000 $ canadiens non imposables) à condition que le médecin ne se soit jamais installé en
région isolée et qu’il exerce à plein temps. [46]
Au moment de mes recherches, ces médecins pouvaient également bénéficier chaque
année de prime de maintien s’ils s’engageaient par écrit à exercer leur activité à plein temps
pour un an. Ces primes étaient accordées par les agences de développement des réseaux
locaux des services de santé en fonction de leur budget et des besoins sanitaires figurant dans
le PREM. Le montant de la prime annuelle de maintien ne pouvait être supérieur à celui de la
prime d’installation. [46]
La formation médicale continue était financée, à raison de 20 jours ouvrables par an,
pour les médecins qui résidaient sur un territoire désigné. Lorsqu’ils effectuaient une
formation, les bénéficiaires recevaient une indemnité de 371 dollars par jour (soit environ 240
€) et un complément de 180 dollars (soit environ 115 €) pour compenser les frais de séjour.
[46]
Les médecins en zone éloignée bénéficiaient du remboursement de certains frais.
Selon leur lieu d’installation et leur situation de famille, ces médecins avaient droit au
105
lieu de travail et Montréal. Ils pouvaient également obtenir le remboursement des frais de
transport de nourriture jusqu’à 727 kilos par année et par adulte s’il n’y a pas de possibilité
d’approvisionnement à proximité. Les frais d’emménagement étaient également pris en
charge. [46]
Le « dépannage » est un programme instauré par le gouvernement qui visait à combler
des besoins liés à l’absence temporaire d’un médecin exerçant en zone éloignée (vacances).
[46]
C’est l’arrêté ministériel 96-07 qui a dressé la liste des territoires insuffisamment
pourvus de professionnels de santé et dans lesquels ces mesures incitatives s’appliquent. Ces
territoires sont qualifiés d’« éloignés » quand ils sont situés loin des grands centres urbains et
d’« isolés » quand l’insuffisance des voies de communication les rend difficilement
accessibles. Au moment de mes recherches, onze des dix-huit régions socio-sanitaires
comprenaient de tels territoires, qui étaient en général peuplés de communautés dispersées.
[6]
3.6.2.3.2 Mesures désincitatives
En 2015, les mesures visant à réguler l’installation des médecins au Québec étaient
nombreuses, car le pays était confronté au problème de l'accès aux soins des collectivités
rurales et éloignées depuis de nombreuses années. Toutes les mesures instaurées ne touchaient
que les médecins généralistes conventionnés. Les médecins non conventionnés étaient peu
nombreux et le gouvernement a essayé de limiter leur développement afin de protéger le
régime public d’assurance maladie. [6]
Dans les années 90, la loi 75 a instauré des mécanismes visant à limiter le choix du
lieu de pratique pour les spécialistes. Le gouvernement a demandé à chaque région d’élaborer
un Plan régional d'effectifs médicaux (PREM) et a fixé le nombre de médecins qu’elle
souhaitait voir s’installer sur une période de 3 ans. Les PREM ont eu pour objectif de faire
converger vers la moyenne provinciale le ratio médecin/population dans chacune des dix-huit
régions. [6]
Chaque région s'est vu imposer un quota qu’elle devait répartir entre établissements.
Ces plans ne concernaient pas l'exercice en cabinet privé. Les résultats des PREM ont donc
été limités, car ils ne concernaient que les médecins au sein des hôpitaux. [6]
Depuis le milieu des années 90, les mesures adoptées par le gouvernement se sont
multipliées. [6]
Les médecins en zone urbaine ayant moins de 10 ans de pratique ne sont plus
remboursés qu’à hauteur de 70%. [46]
En Colombie britannique (autre province du Canada), le gouvernement a voulu
introduire un mécanisme de limitation à l’installation. Cependant, la liberté d'installation en
pratique privée est un droit garanti par la charte canadienne des droits et des libertés. Le
mécanisme de limitation à l'installation a donc fait l'objet d'un recours auprès de la cour
suprême et a été invalidé au regard de la charte canadienne des droits et libertés. [46]
106
Cependant, en 2004, le Ministre de la Santé et des Services Sociaux et la FMOQ ont
convenu d’une entente selon laquelle tout nouveau médecin qui voudrait changer de région de
pratique devra obtenir un avis de conformité du DRMG (département de médecine générale)
où il souhaite s’installer ; lequel avis ne pourra être délivré que si la cible du PREM n’est pas
atteinte. [41]
Si le médecin n’a pas obtenu son avis de conformité, une pénalité de 30 % est
appliquée à sa rémunération. [41]
3.6.2.3.3 Incitation aux exercices regroupés
Au Québec, c’est notamment en réaction à l’implantation des Centres locaux de
services communautaires (CLSC) dans les années soixante-dix que les médecins généralistes
ont été conduits à délaisser la pratique solo pour la pratique de groupe. En effet, lors de la
mise en place du système public de santé en 1970, les autorités ont créé des structures
publiques, les CLSC, dans l’objectif d’en faire la porte d’entrée principale du système de
soins. Les CLSC devaient prendre en charge l’ensemble des besoins sociaux et de santé de
leur population locale, par le biais d’équipes multidisciplinaires favorisant la continuité des
soins et la collaboration interprofessionnelle, notamment entre médecins, infirmières et
travailleurs sociaux. [15]
En 2010, 90% des médecins généralistes travaillant en ville travaillaient en exercice
regroupé. [15]
Les soins primaires étaient assurés majoritairement par des cabinets médicaux privés.
Ces cabinets étaient en moyenne composés de 5 médecins généralistes. Une minorité de
cabinets (17 % environ) comptait une ou plusieurs infirmières au sein de leur personnel. Les
cabinets comprenaient, pour près de la moitié d’entre eux, des spécialistes, des psychologues
(40 %), des diététiciens (30 %) et des kinésithérapeutes (12 %). [15]
Les cabinets étaient donc à la fois pluri professionnels et pluri spécialités (association
entre médecins généralistes et autres médecins spécialistes). [15]
Par ailleurs, au Québec, il s'est développé depuis peu de nouveaux contextes
d’exercice, dont l’objectif principal est d’améliorer l’accès aux services de première ligne tout
en valorisant le rôle du médecin de famille. Les Groupes de médecine de famille (GMF) se
sont mis en place progressivement depuis 2000 pour une clientèle inscrite volontairement.
[15]
Les GMF sont constitués d’une dizaine de médecins qui exercent en collaboration
avec des infirmières et offrent une gamme de services médicaux de première ligne. L’objectif
du ministère de la Santé est qu’à terme environ 75 à 80 % de la population assurée soit
inscrite chez un médecin de famille membre d’un GMF. [15]
En 2010, une minorité de médecins exerçait dans les Groupes de médecine de famille
(GMF) au Québec. [15]
107
de groupe. Il s'agit de modifications de la rémunération traditionnelle qui peuvent s’adresser
soit en totalité au médecin qui travaille en groupe, soit en partie au groupe et en partie au
médecin qui y exerce. Il peut s’agir ainsi du remplacement partiel du paiement à l’acte par la
rémunération à la capitation lors de la mise en place de systèmes de listes des patients chez un
GMF, du développement de modes de rémunération forfaitaires (équipement, coordination…)
et de l’introduction du paiement à la performance. [15]
3.6.2.4 Missions assignées aux médecins généralistes par le système de
Dans le document
FACULTE DE MEDECINE DE TOURS Année 2016
(Page 104-107)