4.5 Régulation de la démographie médicale des médecins généralistes
4.5.3 Régulation de la démographie des médecins généralistes à l'installation
4.5.3.1 Mesures incitatives pour les médecins généralistes à l'installation
Tous les pays étudiés, excepté les Pays-Bas, ont mis en place des méthodes incitatives
à l'installation de médecins généralistes dans les zones sous-médicalisées.
Les incitations financières sont les plus fréquemment utilisées puisqu'on les retrouve
dans tous les pays ayant mis en place des incitations à l'installation.
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La plupart sont sous forme de bourses ou de primes à l'installation en échange de
plusieurs années d'exercice dans la zone sous médicalisée.
L'Angleterre est très en retrait vis-à-vis des autres pays car même si elles sont mises en
place, ces incitations restent rares et ne concernent que les régions très largement sous
médicalisées.
Le Québec propose, en plus des bourses et des primes à l'installation, une
augmentation de la rémunération du médecin et le remboursement des frais liés à son travail si
ce dernier exerce en zone sous-médicalisée.
La France est le pays offrant le plus d'incitations financières, car elles sont proposées à
différents niveaux : au niveau de l’État, des collectivités territoriales et au niveau de la
sécurité sociale. Elles sont pour la plupart cumulables entre elles.
Cependant, d’une manière générale, en France, les mesures sont trop nombreuses,
complexes et peu lisibles. En effet, la multiplicité et la complexité des différents dispositifs
d’aides financières relevant d’acteurs différents ne facilitent pas la bonne information des
étudiants et des jeunes médecins sur les aides à l’installation existantes et les conditions
d’exercice en libéral. Devant cette complexité et le peu d'information, ces mesures ne peuvent
donc pas avoir un réel impact sur la répartition démographique des médecins sur l'ensemble
du territoire...
L'Allemagne, la France et le Québec proposent également des aides non financières
pour les médecins décidant de s'installer en zones sous-médicalisées.
L’Allemagne et le Québec jouent surtout sur la quantité de travail, avec pour
l'Allemagne, la suppression de gardes et un congé parental plus long avec remplacement du
médecin et pour le Québec un remplacement du médecin durant ses vacances.
La France propose en plus des aides financières, des aides « techniques » à
l'installation, avec des sites internet cartographiant les régions et les zones sous-médicalisées.
Dans certains documents étudiés, j'ai retrouvé d'autres mécanismes incitatifs mis en
place par les autres territoires du Canada. Ils portent plus sur la qualité de vie personnelle du
médecin plutôt que sur sa vie professionnelle. Par exemple : accueil du médecin avec
présentation de la ville, travail pour le conjoint, activités et gardes proposées pour les
enfants... Ces mécanismes viennent juste d'être mis en place et nécessiteraient d'être réévalués
à distance.
Soulignons une fois de plus que les Pays-Bas n'ont recours à aucun mécanisme
incitatif à l’installation.
Pour résumer, l'installation est un moment clé de la vie d'un médecin que les
gouvernements ciblent largement pour les inciter à travailler en zones sous-médicalisées. En
revanche, je tiens à faire remarquer encore une fois que le type et l'organisation du système de
santé ne rentrent finalement pas en compte dans le type de mécanismes incitatifs mis en place
par les pays. Tous les pays utilisent les mêmes types de mécanismes, majoritairement
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4.5.3.2 Mesures désincitatives pour les médecins généralistes à l'installation
Les pays dont le système de santé est uniquement basé sur le système beveridgien,
l'Angleterre et le Québec, ont des mécanismes désincitatifs à l'installation pour les médecins
généralistes mis en place depuis plusieurs années. Ces mécanismes fixent des quotas à
l'installation selon les zones ou les territoires. Les installations sont restreintes dans les zones
suffisamment dotées de médecins.
Pour l'Angleterre, les quotas et les zones désignées sont gérés uniquement par l’État.
Pour le Québec, les mécanismes sont gérés à la fois par l’État et par les territoires.
Le Québec a également mis en place des sanctions financières avec diminution des
remboursements des médecins s'installant dans des zones non prioritaires.
L'Allemagne a récemment mis en place ce même système de quota à l’installation
avec interdiction de s'installer dans la zone si le nombre de médecins dépasse110 % du quota.
Les Pays-Bas ne rencontrent pas de problèmes majeurs vis-à-vis de la répartition des
médecins sur le territoire, cependant depuis le changement de système de santé en 2006, ils
ont vu apparaître deux types de désincitations à l'installation. Pour s'installer un médecin doit
obtenir une autorisation de l'association locale des généralistes. De plus la mise en
concurrence des médecins entre eux par les contrats avec les mutuelles engendre une nécessité
de répartition homogène des médecins si ces derniers souhaitent conserver une rémunération
stable.
La France malgré les problèmes majeurs qu'elle rencontre vis-à-vis de la répartition
des médecins sur son territoire, est le seul pays étudié a ne pas avoir instauré de mesures
désincitatives à l'installation. Avec la loi « HPST » de 2009, un mécanisme de solidarité devait
être introduit, mais devant la vive opposition des médecins, ce mécanisme a finalement été
abandonné.
Les mécanismes désincitatifs sont identiques selon les pays ; un quota est fixé selon la
densité de médecins généralistes par zones et l'installation des médecins est interdite dans les
zones où le quota est dépassé. Les Pays-Bas ont en plus une notion récente de concurrence
entre médecins généralistes les obligeant à une meilleure répartition sur leur territoire.
Le but de ma recherche était la description des différents modes de régulations et non
leur efficacité. Cependant, au vu des commentaires retrouvés dans les documents étudiés, il
semblerait qu'aucune des méthodes de régulations décrites ne soit réellement une méthode
miracle pour permettre une répartition homogène des médecins sur l’ensemble du territoire
d’un pays. Les médecins essaient un maximum de contourner ces limitations de quota par les
quelques exceptions mises en place qui leur permettent tout de même de s'installer
(déconventionnement, départ en retraite, exercice regroupé...). Ou bien ils s'installent dans
une zone où le quota est respecté, mais pas dans la zone la plus nécessiteuse en médecins.
L’homogénéité de la répartition devrait se faire certainement sur plusieurs années. Mais
comme dans le même temps le nombre de départ en retraite va augmenter, les jeunes
médecins pourront s’installer à leur place et finalement les installations continueront de se
faire au même endroit...
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4.5.3.3 Incitation aux exercices regroupés
On ne retrouve pas d’incitation à la pratique de groupe ni en Allemagne, ni aux
Pays-Bas.
L'Angleterre, la France et le Québec ont mis en place certains mécanismes qui
poussent les médecins à se regrouper. Il ne s'agit pas de bourses ou primes comme pour les
mécanismes incitatifs à l'installation. Mais, pour inciter le regroupement, les mécanismes mis
en place jouent quand même sur l'impact financier au moment de la rémunération du médecin.
En Angleterre, le gouvernement a mis en place des contrats plus avantageux
permettant une augmentation de la rémunération du médecin travaillant en groupe.
Au Québec, les modes de rémunérations sont plus avantageux pour les médecins
travaillant en groupe.
En France, les majorations de rémunérations touchent uniquement les médecins se
regroupant en zones sous-médicalisées.
Le document de référence bibliographique n°15 : « Médecine de groupe en soins
primaires dans six pays européens, en Ontario et au Québec : quels enseignements pour la
France ? » mettait en avant le fait que les pays où le médecin généraliste à un rôle de
gate-keeper aurait une tendance à l'exercice de groupe.
Or dans mon étude, je n'ai pas retrouvé de lien de corrélation direct entre les
incitations à l'exercice de groupe et d'autres facteurs étudiés dans mon étude tels que le rôle du
médecin généraliste.
En effet, le Québec n'a pas mis en place ce rôle de gate-kepper pour les médecins
généralistes et pourtant la majorité des médecins de ville travaillent en groupe. A l'inverse, les
médecins généralistes hollandais ont ce rôle de gate-kepper depuis des années et seuls 60%
des médecins généralistes se regroupent ; pourtant, on ne retrouve pas pour autant des
mécanismes d'incitations à la pratique de groupe aux Pays-Bas.
Dans le document
FACULTE DE MEDECINE DE TOURS Année 2016
(Page 124-127)