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1.3 LA COMPÉTENCE ÉTHIQUE EN ENSEIGNEMENT : UN OBJET DE

1.3.4 En synthèse : ce que dit la recherche à propos de la compétence éthique des

Devant le caractère équivoque et néanmoins prescriptif de cette compétence professionnelle, nous avons exploré les études empiriques afin de mettre en relief ce que signifie être compétent sur le plan éthique. Cela a renforcé notre premier constat, à savoir que la compétence éthique se révèle un objet d’étude polysémique. Cette compétence donne lieu à plusieurs orientations de recherche, lesquelles apparaissent parfois éloignées l’une de l’autre.

Les recherches qui conçoivent la compétence éthique en s’appuyant sur les travaux de Kohlberg (1981) mettent en lumière la contribution de la maturité des structures cognitives des étudiants en enseignement et des enseignants au regard de la compétence éthique. À l’aide de dilemmes éthiques, Cummings et al. (2001) et Johnson et Reiman (2007) ont mis en évidence que le niveau de raisonnement moral des étudiants en enseignement et des enseignants peut influencer leurs actions, notamment leurs rapports avec les élèves. Retenons que ces recherches ne nous renseignent pas sur ce que met en œuvre l’étudiant ou l’enseignant afin d’être compétent sur le plan éthique; elles mettent plutôt en évidence les conditions cognitives qui favorisent l’actualisation de cette compétence. Cependant, d’autres facteurs peuvent influencer le développement de la compétence éthique de l’enseignant, notamment ses qualités personnelles.

Plusieurs recherches s’intéressent à la compétence éthique à titre de tâche éducative de l’enseignant. Dans cette perspective, il est attendu de l’enseignant qu’il agisse à titre de « modèle moral » et à titre de responsable de l’éducation et de la socialisation des élèves. Pour

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ce faire, il doit incarner des valeurs en cohérence avec celles qu’il doit transmettre aux élèves. Thornberg (2008) et Thornberg et Oguz (2013) ont mis en évidence que les enseignants transmettent des valeurs de manière située, à partir d’incidents survenant en classe, et que ce mode de transmission relève davantage de l’intuition que de la réflexion. Par ailleurs, les chercheurs soulignent la nécessité que les futurs enseignants, lors de leur formation, réfléchissent à cette dimension de leur travail à l’aide d’un langage professionnel commun. Relevons que le langage dont il est question renvoie aux théories liées à la psychologie et à l’éthique, par exemple, et non pas au cadre professionnel des enseignants. Pour sa part, Campbell (2006) soutient que les enseignants sont conscients des valeurs qu’ils transmettent et qu’ils sont aptes à verbaliser la manière dont ils s’y prennent pour y parvenir, ce qui amène la chercheuse à conclure que les enseignants disposent de connaissances liées à l’éthique professionnelle. En somme, ces recherches nous apprennent qu’être compétent sur le plan éthique signifie, d’une part, être à la fois porteur et transmetteur de valeurs éducatives en tant que modèle moral. D’autre part, cela requiert d’être conscient de cette dimension du travail de l’enseignant en vue de l’expliquer à l’aide d’un langage théorique dit « professionnel ». Toutefois, il ne s’agit pas de la compétence liée à l’éthique professionnelle de l’enseignant, mais plus de la compétence de ce dernier à socialiser et à éduquer les élèves.

Cependant, alors que les recherches de Thornberg (2008) et de Thornberg et Oguz (2013) font ressortir que les enseignants ne sont pas conscients des valeurs éducatives qu’ils transmettent aux élèves, cela laisse grande ouverte la question des valeurs attendues des enseignants, à savoir s’ils ont conscience des valeurs professionnelles attendues d’eux et s’ils possèdent un langage professionnel à cet égard.

D’autres études conçoivent la compétence éthique à titre d’acte réflexif qui porte sur les balises internes (propres à la personne de l’enseignant) et externes (les personnes et le cadre professionnel) dans le but de prendre une décision devant une situation comportant une préoccupation éthique. St-Vincent (2011) a mis en évidence que le cadre professionnel se présente comme la dimension la moins examinée devant un problème éthique. Elle souligne la nécessité de discuter autour de cas réels en formation. Les travaux de Belzile (2008) vont dans le même sens en suggérant que le souci de l’institution qui passe par la mission et le cadre

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s’avère peu clair en début de carrière. Relevons que Belzile (2008) tout comme Thornberg (2008) et Thornberg et Oguz (2013) ont mis en évidence que les interventions des enseignants en matière d’éthique relèvent en bonne partie de l’intuition. L’étude de Colnerud (1997) met en relief qu’être compétent sur le plan éthique renvoie notamment à la capacité de négocier ses valeurs en vue d’adhérer à ce qui est attendu de l’enseignant. À cet égard, la réflexion constitue la clé du développement de la compétence éthique de ce dernier. Cette négociation des valeurs de l’enseignant et des attentes à son égard ressort également de l’étude de Desautels et al. (2012). Cette difficulté peut être contournée, d’une part, à l’aide de repères internes (la personne) et externes (les collègues et le cadre professionnel) et, d’autre part, à l’aide des stratégies liées à la discussion et à la réflexion personnelle.

Tout en soutenant une vision professionnelle de la compétence éthique, certaines recherches suggèrent que l’actualisation de cette compétence est tributaire de l’adhésion des étudiants, des stagiaires et des enseignants à un ensemble de comportements prescrits à l’intérieur d’un code de conduite. Devant la difficulté des enseignants à identifier des comportements non éthiques, Barrett et al. (2012) soulignent l’importance de former les futurs enseignants de manière explicite à l’éthique professionnelle à l’aide d’un code de conduite. En revanche, Spedlove et al. (2012) constatent que les stagiaires sont compétents sur le plan éthique puisqu’ils ont identifié des manquements éthiques sérieux, compétence que les chercheurs attribuent au fait que les stagiaires adhéraient d’emblée aux valeurs de la profession avant même que ne débute leur formation.

En d’autres termes, les recherches qui donnent une orientation professionnelle à la compétence éthique font ressortir l’importance de la réflexion permettant d’actualiser cette compétence à l’aide de repères. Dans les autres cas, l’accent est plutôt mis sur la nécessité que les stagiaires et les enseignants se conforment à des règles de conduite réduisant ainsi la portée du jugement professionnel.

La section suivante met en évidence que l’agir de l’étudiant en enseignement et de l’enseignant se présente à titre de préoccupation dans les milieux d’enseignement.

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