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2.3 L’ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE ENSEIGNANTE ET SES REPÈRES

2.3.2 L’éthique professionnelle enseignante : une éthique ancrée en situation

2.3.2.2 Les composantes institutionnelles

Les valeurs partagées

Toute profession sous-tend des valeurs spécifiques qui visent à donner un sens à l’agir professionnel. Rappelons, à titre d’exemple, l’intégrité dans le domaine des affaires (Gibbins et Mason, 1989). Plus précisément, les valeurs professionnelles sont acquises lors de la formation et, plus tard, par le biais de collègues expérimentés. En fait, elles sont spécifiques à un groupe de professionnels et déterminent en quelque sorte l’éthique professionnelle de ceux- ci tout en assurant une certaine cohésion dans ce groupe (Desaulniers et Jutras, 2012). Cette cohésion s’exprime au quotidien à l’aide des valeurs communes que portent les professionnels d’un groupe donné.

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Devant l’obligation de justifier ses décisions, l’enseignant doit pouvoir s’appuyer sur des valeurs partagées de la profession. Certaines d’entre elles sont présentées de manière explicite dans divers documents officiels à l’intention des enseignants. Mentionnons la justice, l’égalité, l’équité, la cohérence, la rigueur et la transparence qui sont décrites dans la Politique

d’évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Le référentiel de compétences professionnelles

(MEQ, 2001a) comporte également des valeurs auxquelles doit adhérer l’enseignant. Citons la discrétion à l’égard des renseignements concernant notamment les élèves et les collègues. Citons aussi la collégialité qui fonde la dixième compétence : « Travailler de concert avec les membres de l’équipe pédagogique à la réalisation des tâches » (MEQ, 2001a, p. 155). D’autres sont sous-entendues telles que celles évoquées dans la Loi sur l’instruction publique, notamment en ce qui concerne les obligations de l’enseignant. Par exemple, le libellé : « respecter le projet éducatif de l’école » (p. 11) suggère que l’enseignant privilégie la cohérence et/ou la congruence. La congruence renvoie à l’harmonie entre les valeurs de l’enseignant et ses actions dans la pratique (Gohier, 2009). Aussi, la foi en l’éducation apparaît comme une valeur professionnelle essentielle au sens où l’enseignant croit en l’élève et en sa propre capacité d’aider ce dernier à évoluer (Desaulniers et Jutras, 2012). Une absence d’adhésion à ces valeurs partagées peut donner lieu à des situations pouvant susciter un questionnement éthique. À titre d’exemple, un enseignant qui n’aurait pas foi en l’éducation de l’élève pourrait exprimer à travers ses gestes professionnels une forme de désengagement à l’égard de celui-ci. Dans la même veine, un manque de discrétion à propos de renseignements personnels liés à un collègue peut engendrer un questionnement éthique. Conséquemment, les valeurs partagées peuvent soutenir la compétence éthique des enseignants.

Très proches des valeurs professionnelles, les valeurs institutionnelles renvoient à celles qui sont prônées par l’établissement scolaire (Desaulniers et Jutras, 2012). Par exemple, une direction d’école pourrait insister sur la valeur de l’entraide, laquelle serait privilégiée auprès des enseignants.

En plus des valeurs, les prescriptions peuvent également constituer des repères dans le vif de l’action sur lesquels peut porter le raisonnement professionnel du stagiaire.

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L’encadrement légal et réglementaire

Devant l’absence d’un code déontologique, certains documents ministériels à l’intention des enseignants, tels que la Loi sur l’instruction publique ainsi que les conventions collectives de travail, constituent les fondements de l’éthique professionnelle après la mission première de l’école, soit celle d’instruire, de socialiser et de qualifier. Mentionnons le Programme de

formation de l’école québécoise (MEQ, 2006) qui prescrit notamment les contenus de

formation et les approches pédagogiques, lesquels doivent baliser la conduite de l’enseignant. Il en va de même pour le référentiel de compétences qui présente les compétences attendues des enseignants (MEQ, 2001a). Autrement dit, il s’agit de l’encadrement réglementaire du travail de l’enseignant. D’autres lois et règles concernent tous les citoyens y compris les enseignants. Mentionnons les lois fédérales et provinciales telles que la Charte québécoise des

droits et libertés de la personne ainsi que toutes les lois que comporte le Code criminel. Bref,

comme les valeurs qu’elles sous-tendent, ces règles et lois que constitue l’encadrement légal et réglementaire peuvent s’avérer aidantes, voire incontournables dans l’adoption d’un agir éthique.

Les normes internes

Si les valeurs en agissant à titre « d’horizons régulateurs » (Prairat, 2012) suggèrent des idéaux et des préférences pour l’agir professionnel, les normes comportent un caractère plus contraignant. Plus précisément, les normes visent la promotion de certaines conduites. Elles offrent des balises en vue de permettre au praticien d’échapper « au règne de l’aléa et de l’imprévu » (Prairat, 2012, p. 185). À l’instar des valeurs partagées, les normes comportent une dimension collective. Elles visent la stabilité des conduites d’un groupe d’acteurs en fixant des pratiques qui peuvent être traversées d’actions divergentes. De ce point de vue, les normes se révèlent sécurisantes en établissant des régularités.

La pratique enseignante est traversée de normes qui permettent d’orienter la conduite de l’enseignant. Sans être des lois, ces normes se présentent comme des politiques locales, c’est-à-dire qu’elles sont propres à chaque établissement scolaire (Desaulniers et Jutras, 2006). Elles guident la conduite des enseignants, car il s’agit de normes auxquelles ces derniers sont

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invités à adhérer (St-Vincent, 2013). Plus précisément, ce sont des règles de conduite écrites et non écrites qui concernent les enseignants d’un même établissement ou d’une commission scolaire (CSE, 1990). Par exemple, il est attendu des enseignants qu’ils travaillent de pair avec le projet éducatif de l’école, qu’ils respectent le code de vie des élèves ainsi que le plan de réussite. Certains établissements imposent un code vestimentaire explicite à l’intention des enseignants. Il peut s’agir de normes plus implicites telles que les attentes de la direction en ce qui a trait à l’implication des enseignants dans les activités entourant la vie scolaire de l’établissement. Quand un nouvel enseignant ou un stagiaire se joint à l’équipe-école, il doit s’assurer de respecter ces normes internes (Desbiens, Borges et Spallanzani, 2012).

Les normes externes

En plus des normes propres à un établissement, des attentes de la société sont exprimées à l’endroit des enseignants (Jeffrey, 2015). En fait, la société de manière générale ainsi que les parents attendent des enseignants qu’ils montrent « des conduites professionnelles de haut niveau […] à l’égard des jeunes qui leur sont confiés » (Jutras, 2007, p. 39). Est ainsi attendu de l’enseignant qu’il présente une conduite irréprochable tant à l’intérieur des murs de l’école qu’à l’extérieur (Desaulniers et Jutras, 2006) devant la responsabilité qui lui incombe de former l’adulte de demain. À cet égard, en vue de conserver le respect des membres de la société, l’enseignant a la responsabilité d’afficher une image publique crédible (COFPE, 2004).

Les savoirs théoriques

Les savoirs que comporte la formation de l’enseignant contribuent à soutenir le développement de son éthique professionnelle. Mentionnons d’abord que l’enseignant a une responsabilité vis-à-vis des savoirs issus notamment de sa discipline d’enseignement (Desaulniers et Jutras, 2006; Jutras, 2013b). À cet égard, selon la Loi sur l’instruction

publique, il est tenu « de prendre des mesures appropriées qui lui permettent d’atteindre et de

conserver un haut degré de compétence professionnelle » (p. 11). Ainsi, quatre catégories de savoirs sont exigées des enseignants : savoirs disciplinaires, savoirs didactiques, savoirs psychopédagogiques et savoirs culturels.

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En plus d’avoir une responsabilité à l’égard des savoirs nécessaires à son enseignement, ces savoirs guident l’agir professionnel de l’enseignant. En guise d’exemple, des connaissances liées à la psychopédagogie peuvent agir à titre de repère dans le besoin de distanciation que requiert la relation enseignant/élève. Il en va de même pour les connaissances liées à une discipline contributive telle que la psychologie du développement, lesquelles peuvent outiller l’enseignant dans la manière d’intervenir auprès d’un adolescent dont l’identité est en construction. Dès lors, certaines conduites sont à prescrire; d’autres, à proscrire. Citons, par exemple, l’intervention d’un enseignant, devant le groupe, auprès d’un élève, laquelle intervention pourrait ternir l’estime de soi de l’adolescent. Relevons également le principe de gestion de classe consistant à reprendre le comportement inapproprié d’un élève et non la personne en tant que telle (Archambault et Chouinard, 2009). Somme toute, il appert que des savoirs constituent des repères incontournables dans le développement d’un agir professionnel et peuvent soutenir le raisonnement professionnel en matière d’agir éthique.