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1.2 LA COMPÉTENCE ÉTHIQUE EN ENSEIGNEMENT DANS UN CONTEXTE DE

1.2.2 La compétence éthique : une compétence professionnelle?

1.2.2.2 La compétence éthique : une prescription explicite?

Les préoccupations pour l’éthique enseignante, portée par le mouvement de professionnalisation, se font sentir dans le monde de l’éducation. Dès lors, plusieurs pays ont intégré un axe dans certains référentiels de compétences lié de près ou de loin à l’éthique. À

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Un document semblable, intitulé La formation à l’enseignement, les stages (MEQ, 1994), est élaboré à la suite de la réforme des années 1990. Le document de 2008 se présente à titre de révision du contenu de ce guide afin de l’actualiser à partir des compétences professionnelles présentées dans le référentiel ministériel. Pour ce faire, des consultations ont été effectuées, entre 2005 et 2006, auprès des milieux scolaires, des universités, etc.

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titre d’exemples, c’est le cas du référentiel de standards des États-Unis (American Council on the Teaching of Foreign Languages, 2002) qui comprend l’axe « professionalism », du référentiel de la Belgique (Ministère de la Communauté française, 2001) qui présente l’éthique dans un axe intitulé « personne » alors que celui de la Suisse (Haute école pédagogique Lausanne, 2004) s’apparente à celui du Québec.

Afin de mieux cerner les pourtours de la compétence éthique, présentée dans le référentiel québécois (MEQ, 2001a), la notion même de compétence, directement liée à la professionnalisation, mérite d’être précisée comme elle comporte plusieurs définitions. Celle de Le Boterf (2008) fait référence, entre autres, à la pratique professionnelle :

« Être compétent » c’est être capable d’agir et de réussir avec compétence dans une situation de travail (activité à réaliser, événement auquel il faut faire face, problème à résoudre, projet à réaliser…). C’est mettre en œuvre une pratique professionnelle pertinente tout en mobilisant une combinatoire

appropriée de ressources (savoirs, savoir-faire, comportements, modes de

raisonnement…). On se réfère ici au domaine de l’action. (p. 21)

La compétence renvoie donc à un savoir-agir qui se déploie en contexte à l’aide d’un ensemble de ressources. Cette définition de la compétence oriente, à l’heure actuelle, les programmes de formation à l’enseignement du primaire et du secondaire ainsi que le référentiel de compétences professionnelles des enseignants (MEQ, 2001a). C’est en s’inscrivant en cohérence avec cette orientation, et en continuité avec le rapport du CSE (1990), qu’un nouveau souffle est insufflé à la compétence éthique cette fois en tant que compétence professionnelle ou en tant que savoir-agir dans le document ministériel (Jutras, 2009) : « agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions » (MEQ, 2001a, p. 131). Cette compétence comporte huit composantes qui renvoient à l’attitude critique de l’enseignant quant à ses valeurs de même qu’à ses actions, soit :

▫ De discerner les valeurs en jeu dans ses interventions.

▫ De mettre en place dans sa classe un fonctionnement démocratique. ▫ De fournir aux élèves l’attention et l’accompagnement appropriés.

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▫ De justifier, auprès des publics intéressés, ses décisions relativement à l’apprentissage et à l’éducation des élèves.

▫ De respecter les aspects confidentiels de sa profession.

▫ D’éviter toute forme de discrimination à l’égard des élèves, des parents et des collègues.

▫ De situer à travers les grands courants de pensée les problèmes moraux qui se déroulent dans sa classe.

▫ D’utiliser, de manière judicieuse, le cadre légal et réglementaire régissant sa profession. (MEQ, 2001a, p. 132-134)

Le Ministère (MEQ, 2001a) situe la compétence éthique à l’aide d’une éthique de la responsabilité, en ce sens qu’à titre de professionnel « mandaté par la société » (p. 130), l’enseignant devra être apte à répondre de ses actes et à argumenter en faveur de ceux-ci. Il s’agit là du sens général qui est donné dans le référentiel, en guise d’introduction, à la compétence éthique. Les composantes de cette compétence se présentent à titre de balises pour guider l’agir de l’enseignant (MEQ, 2001a).

Dans un besoin de clarification, nous reprenons une à une ces huit composantes. Parce que l’enseignant exerce une influence sur les élèves, la première composante, « discerner les valeurs en jeu dans ses interventions » (p. 132), requiert qu’il soit en mesure de « discerner » ou de reconnaître les valeurs qu’il incarne à travers tous les gestes qu’il pose à l’endroit des élèves. Selon le MEQ (2001a), cette incarnation sera d’autant plus réussie si elle est accompagnée d’une analyse réflexive. L’enseignant pourra réfléchir sur ce qui lui apparaît important en rapport à ses élèves, à savoir, par exemple, favoriser les besoins d’un élève ou ceux du groupe. Bref, telle qu’elle se présente dans le référentiel, cette première composante vise un travail de réflexion de l’enseignant sur ses valeurs en vue de s’assurer qu’elles n’entrent pas en contradiction avec son projet éducatif.

Quant à la deuxième composante, celle qui invite l’enseignant à « mettre en place dans sa classe un fonctionnement démocratique » (p. 132), elle sous-tend spécifiquement le

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développement d’attitudes et de comportements que doit favoriser l’enseignant auprès de ses élèves. Dans cette optique, il s’agit de former les élèves à la résolution de conflits de façon démocratique. Est notamment proposé à l’enseignant de recourir au conseil de classe afin de soutenir le développement d’attitudes démocratiques des élèves.

À propos de la troisième composante, « fournir aux élèves l’attention et l’accompagnement appropriés » (p. 132), il est attendu de l’enseignant qu’il montre un engagement et une diligence vis-à-vis des élèves, qui seront portés par la sollicitude à leur égard. Dès lors, l’enseignant se montre à tout moment soucieux du bien-être des élèves qui lui sont confiés.

La quatrième composante souligne qu’il n’incombe pas à l’enseignant une obligation de réussite de ses élèves. Par contre, il a l’obligation quant aux moyens qu’il déploie afin d’instruire et d’éduquer ses élèves. Par conséquent, l’enseignant peut être invité à « justifier auprès des publics intéressés, ses décisions relativement à l’apprentissage et à l’éducation des élèves » (p. 133).

Par ailleurs, l’enseignant doit « respecter les aspects confidentiels de sa profession » (p. 133), tel est ce que vise la cinquième composante de la compétence éthique. Il est ainsi attendu de l’enseignant qu’il fasse preuve de discrétion en ce qui concerne les renseignements personnels liés aux élèves et à ses collègues.

Non seulement l’enseignant doit « éviter toute forme de discrimination à l’égard des élèves, des parents et des collègues » (p. 133), mais il doit également mettre en place des dispositifs qui favorisent l’équité et le respect devant les différences telles que celles liées à l’origine ethnique et à la classe sociale. C’est ce que comporte la sixième composante.

Quant à la septième composante, soit « situer à travers les grands courants de pensée les problèmes moraux qui se déroulent dans sa classe » (p. 134), elle sollicite la capacité de l’enseignant à analyser les problèmes moraux qui surgissent dans sa classe. Afin d’y parvenir, il doit être en mesure de situer ces problèmes à l’aide des courants philosophiques, psychologiques, politiques, sociaux et historiques.

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Finalement, « utiliser, de manière judicieuse, le cadre légal et réglementaire régissant sa profession » (p. 134) se présente à titre de huitième composante de la compétence éthique. Est ainsi attendu de l’enseignant qu’il exerce son travail en respectant les règles que constitue le cadre légal de sa profession.

Il faut souligner qu’au terme de sa formation, l’étudiant finissant en enseignement doit manifester les compétences professionnelles appartenant au référentiel et, plus précisément, à l’égard de la compétence 12, il doit être en mesure : « d’agir de manière responsable auprès des élèves pour que l’on puisse sans réserve recommander de lui confier un groupe et de répondre de ses actions en fournissant des arguments fondés » (MEQ, 2001a, p. 159). Bien que le développement des compétences soit amorcé lors de la formation initiale et poursuivi durant toute la carrière de l’enseignant, un individu, au terme de sa formation, ne devient pas un « praticien achevé » de l’avis du Ministère (MEQ, 2001a). En effet, l’enseignant ne cesse de réaliser des apprentissages à l’aide de la diversité des contextes qui s’offrent à lui. Pourtant, en ce qui concerne le développement de la compétence éthique, l’accent est mis sur la formation initiale et pratique puisque cette compétence, notamment lors du dernier stage, comporte une obligation de réussite : « Le manquement aux règles de l’éthique en milieu scolaire ou universitaire constitue en lui seul une raison suffisante pour entraîner l’arrêt et l’échec du stage » (Stages d’enseignement IV des arts plastiques au préscolaire/primaire AVM

4901 et au secondaire AVM 4951, UQAM, 2007). Conséquemment, cela donne lieu de croire

que la formation prépare adéquatement les futurs enseignants à agir de manière compétente sur le plan éthique. Or, que signifie agir de manière compétente sur le plan éthique?

Force est d’admettre, à la lumière des huit composantes décrites ci-dessus, que l’éthique que prescrit le Ministère se rapproche d’une éthique professionnelle pouvant encadrer la conduite de l’enseignant. En effet, à titre d’exemple, la huitième composante renvoie aux responsabilités de ce dernier telles que celles que renferme le cadre légal et réglementaire de sa profession. Cette huitième composante vise à encadrer l’agir de l’enseignant. À ce titre, par rapport à la compétence éthique présentée dans le rapport du CSE (1990), la compétence éthique du référentiel apparaît moins orientée sur l’agir de l’élève sans néanmoins l’exclure. Dit autrement, elle se présente moins comme une tâche éducative vis-à-vis de l’élève et tend

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vers une éthique professionnelle qui pourrait permettre de réguler l’agir de l’enseignant à titre de professionnel. Cependant, certaines composantes de la compétence éthique suscitent des questionnements.