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Chapitre 5 - Présentation et discussion des résultats

5.8 Synthèse des résultats

Notre question de recherche cible les effets d’une formation, information ou son absence sur les connaissances, les émotions ressenties, les enjeux perçus et les gestes réalisés ou imaginés par des enseignants confrontés à l’accueil réel ou imaginé d’un élève avec épilepsie. Pour répondre à notre question nous avons récolté des données dans quatre contextes différenciés au niveau de la formation. Des diverses analyses effectuées nous tirons divers constats.

Tous les enseignants, tous contextes confondus ont déclaré avoir besoin de formation. Selon les enseignants interrogés ce mot peut signifier l’accès aux informations concernant l’épilepsie spécifique d’un enfant, une formation aux premiers secours, ou des connaissances plus générales sur l’épilepsie.

Pour les axes 1-Connaissances et 2-Emotions nous constatons des différences entre les quatre contextes, les résultats sont de manière globale hétérogènes.

Connaissances

Pour l’axe des connaissances l’impact d’une formation, d’une information ou de l’absence des deux n’apparaît pas de manière significative dans nos résultats.

Pour cet axe le contexte spécialisé se détache clairement, ce qui montrerait que l’expérience personnelle professionnelle des enseignants du contexte spécialisé ayant dans notre échantillon tous eu en classe un ou des élèves avec épilepsie, a un impact fort.

Les connaissances sur la maladie sont meilleures et les émotions négatives sont pratiquement absentes pour ces enseignants. Nous précisons qu’une seule enseignante du contexte 4-Spécialisé a bénéficié d’un cours sur l’épilepsie pendant sa formation à l’Université de Fribourg (Suisse). Les autres enseignants spécialisés ont dit que leur expérience professionnelle leur avait permis de construire leurs connaissances et de gagner en confiance.

Les connaissances en premiers secours dans le cas d’une crise grand mal sont insuffisantes pour la plupart des enseignants des contextes ordinaires, seuls deux enseignants (2/12) savent comment réagir. Ces deux enseignants du contexte ordinaire 1-Formation ont eu un élève concerné et ont eu la possibilité de poser des questions à l’auteur 1, qui agit comme formatrice dans cet établissement de manière non officialisée.

Dans notre étude 6 enseignants sur les 16 enseignants interrogés (38%) avaient des notions correctes sur les 1ers secours à appliquer en cas de crise de grand mal. Selon l'étude de Dumeier, et al. (2014) seulement 17% des enseignants se sentaient prêts à réagir correctement en cas d'urgence (crise de grand mal). Mais, cette étude allemande n'a pas interrogé d'enseignants spécialisés. En ne tenant compte dans notre étude que des enseignants ordinaires on obtient le même taux que l'étude allemande, soit 17% (2/12).

Selon cette même étude (Dumeier, et al., 2014) 86% des 1'243 enseignants ordinaires interrogés ont souhaité être mieux formés sur l’épilepsie mais surtout en ce qui concerne la gestion des situations d’urgence. Les auteurs constatent que au vu des connaissances insuffisantes des formations sont nécessaires pour changer les conceptions erronées des enseignants, prévenir des accidents, minimiser les peurs et éviter une surprotection inutile.

De notre côté nous avons constaté que tous les enseignants demandent des informations ciblées sur l’élève incluant les premiers gestes à faire en cas de crise, les mesures d’urgence et les 1ers secours.

De plus certains enseignants que nous avons rencontrés précisent qu’aborder l’épilepsie dans le cadre de la formation initiale est utile mais tous disent qu’il est indispensable d’avoir une formation spécifique à l’arrivée d’un élève concerné.

Emotions

L'étude américaine School professionnal's perception about the impact of chronic illness in the classroom (Olson, et al., 2004) relève le fait que les enseignants citent l’épilepsie comme la maladie chronique qui donne à l’enseignant le plus de préoccupations dont le stress dû aux

crises en classe. Dans notre étude 8 enseignants primaires sur 12 évoquent le stress généré par l'accueil d'un enfant avec épilepsie en classe. Seule l’empathie est plus citée par les enseignants. La prévalence dans nos résultats du stress démontre un lien important entre l’épilepsie et le stress généré pour l’enseignant, tout comme cela est démontré dans l’étude de Olson, et al. par comparaison avec d’autres maladies chroniques.

Les enseignants du contexte 4-spécialisé ne rapportent que très peu d’émotions négatives. Ils parlent de stress positif, de confiance. Le fait que les enseignants de ce contexte aient plus de connaissances peut avoir un effet favorable sur la diminution des émotions négatives. A contrario le fait que les enseignants des contextes ordinaires ressentent eux un stress important lié à une situation d’épilepsie en classe pourrait être dû à un manque de connaissances.

Enjeux

Pour l’axe des enjeux les résultats sont plutôt homogènes entre les quatre contextes. La plupart des enjeux ont été repérés par tous les enseignants. Eviter la surprotection est un enjeu qui a été peu cité, pourtant ce sujet ne devrait pas être oublié lors d’une formation car la surprotection peut avoir un effet négatif sur diverses composantes de l’estime de soi de l’élève.

Pour cet axe l’impact d’une formation, d’une information ou l’absence des deux n’apparaît pas dans nos résultats. Le contexte spécialisé ne se démarque pas des trois autres contextes de l’enseignement ordinaire de notre étude.

Pour les 16 enseignants de notre recherche la collaboration avec la famille est indispensable (16/16) et 15 d'entre eux citent la collaboration avec le corps médical et la collaboration avec le corps enseignant élargi comme nécessaire (15/16).

C'est un point sur lequel insistent également les auteurs de l'éditorial du dossier « Quelle scolarité pour les enfants avec épilepsie » (FFRE, 2013) qui concluent l'éditorial en mettant en évidence divers facteurs nécessaires selon eux à une prise en charge scolaire réussie :

« Pour y arriver encore faut-il la conjonction d'éléments qui, à ce jour sont loin d'être la norme : lutte contre l'isolement, information, formation et surtout, échanges et coordination entre parents, neuropédiatres, enseignants et médecine scolaire. »

Dans notre étude parmi les16 enseignants interrogés, tous citent assurer la sécurité de l’élève comme un enjeu (16/16) et 13 enseignants citent également la responsabilité morale et légale de l’enseignant comme un enjeu à prendre en compte (13/16). Dans l'étude de Dumeier, et al. (2015), 49% des 1243 enseignants interrogés s'inquiétaient des conséquences légales en cas de crise mal gérée. Bien que dans notre étude la responsabilité légale est couplée à la notion de responsabilité morale, cet enjeu apparaît de façon relativement élevée (13/16). Ainsi l’enjeu de la responsabilité légale est une préoccupation non négligeable à la fois pour les enseignants allemands de l’étude de Dumeier, et al. (2015) et pour ceux de notre étude.

Dans l'étude américaine School professionnal's perception about the impact of chronic illness in the classroom (Olson, et al., 2004) de nombreux enseignants disent que l'élève avec épilepsie leur prend plus de temps qu'un autre. Dans notre étude 7 enseignants sur 16 ont cité le temps supplémentaire dû à la prise en charge de l’élève avec épilepsie comme un enjeu ce qui rejoint la préoccupation des enseignants américains de l’étude d’Olson, et al. (2004).

Gestes

Pour l’axe des gestes tous les enseignants (16/16) s’accordent sur le fait que se former aux premiers secours pour l’épilepsie est nécessaire. Ils s’accordent aussi sur l’importance capitale de collaborer avec les divers acteurs concernés (16/16) et de transmettre les informations aux divers acteurs concernés (16/16).

Comme pour l’axe 3-Enjeux, l’impact d’une formation, d’une information ou l’absence des deux n’apparaît pas dans nos résultats pour l’axe 4-Gestes. Les réponses des enseignant du contexte 4-Spécialisé ne diffèrent pas non plus des réponses de leurs collègues de l’enseignement ordinaire.

Dans l'étude d'Abulhamail, et al. (2014) la faible estime de soi est décrite comme un des facteurs négatifs pour l'avenir de l'élève. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2 l’estime de soi comprend plusieurs dimensions. Certaines peuvent être atteintes lorsqu’un enfant a une épilepsie. Son sentiment de compétence cognitive peut être atteint s’il rencontre des difficultés d’apprentissage. Etre vu en crise par ses camarades de classe peut avoir des effets négatifs à la fois sur la perception de son apparence physique, son sentiment de compétences sociales et même sa valeur de soi en tant que personne.

« Après y’a beaucoup à travailler sur l’estime de cet enfant qui se retrouve dans une situation… voilà où son estime quand même est un peu touchée quoi il… » (contexte 4-Spécialisé)

« […] c’est possible que son épilepsie joue un rôle au sujet des émotions, au niveau de son ressenti et au niveau de son humeur. Je travaille aussi énormément avec les émotions… je demande que mes élèves verbalisent énormément, avec des jeux, avec des images […] » (contexte 4-Spécialisé)

« […] c’est à nous de faire autrement. De mettre en place des choses pour qu’elle parte quand même dans une situation de réussite. » (contexte 1-Formation)

Dans notre étude des enseignants ont parlé de l’importance de débriefer après une crise avec l’élève et même avec toute la classe pour éviter des rumeurs. Plusieurs enseignants précisent qu’informer peut éviter des moqueries. Deux enseignants parlent d’apprendre à l’élève à vivre avec sa maladie, ils l’aident en dédramatisant. Ne pas exclure un élève, ne pas le surprotéger, lui faire vivre les mêmes expériences que ses camarades tout en veillant à sa sécurité sont des gestes proposés par les enseignants et qui peuvent avoir aussi selon eux des effets positifs sur la qualité de vie de l’élève avec épilepsie.

Révélation ou non de la maladie de leur enfant par les parents

Notre étude a abordé le thème de l’annonce ou pas de la maladie à l’école par le biais de la question Pensez-vous que toutes les familles informent l’école de l’épilepsie de leur enfant ? ce qui a donné des résultats contrastés, relevant l’enjeu que représente l’annonce de la maladie dans le cadre scolaire. Seul 4 enseignants pensent que les parents avertissent toujours l’école de la maladie de leur enfant.

Ce thème et sa complexité sont abordés par de nombreux auteurs dont Leunen (2017) qui, dans son ouvrage 100 idées pour accompagner un enfant avec épilepsie, parle de cet aspect à l’« idée 93 » : « Ai-je l’obligation d’informer l’école de l’épilepsie de mon enfant ? » (p. 151).

A cette question Leunen répond qu’il n’est pas obligatoire d’informer l’école de l’épilepsie d’un enfant tout en précisant que cette décision doit être mûrement réfléchie. Cet ouvrage français destiné aux parents et aux enseignants est paru en 2017 ce qui fait de cette « idée 93 » un thème d’enjeux toujours d’actualité, comme notre étude a pu également le démontrer.

Représentation des enseignants de l’avenir d’un l’élève avec épilepsie

Notre étude a interrogé ce thème par la question Comment concevez-vous l’avenir d’un élève avec épilepsie ? Il ressort de nos résultats que le degré de formation/information des

enseignants de l’enseignement ordinaire ainsi que l’expérience professionnelle des enseignants du contexte de l’enseignement spécialisé semblent montrer un impact sur les réponses des enseignants. Les visions sont différentes selon les contextes scolaires spécifiques de notre étude et sont majoritairement nuancés par divers facteurs tels qu’un handicap associé, l’efficacité de la médication ou le type d’épilepsie.

Dans l’étude finno-canadienne Social Adjustement and Competence 35 Years After Onset of Chilhood Epilepsy. A Prospective Controlled Study (Jalava, Sillanpää, Camfield, & Camfield, 1997) il ressort que de nombreux patients ayant eu une épilepsie débutant dans l'enfance ont des problèmes persistant à l’âge adulte au niveau des ajustements sociaux et des compétences.

Les enseignants que nous avons rencontrés s’imaginent que l’épilepsie peut avoir des conséquences sur l’avenir.

Sous-question b : Dans quelle mesure le vécu personnel, d’ordre professionnel et/ou privé influe-t-il sur leurs conceptions, perceptions et gestes ?

Pour une grande partie des enseignants de notre recherche (12/16) le vécu est source de connaissances. Les réponses données par les enseignants en institution spécialisée de notre étude ont démontré que leur expérience professionnelle acquise a un impact positif sur leurs connaissances et leurs émotions. Leurs connaissances sont meilleures et leurs émotions mieux gérées.

Dans la partie suivante de notre étude (5.9), consacrée à une démarche exploratoire que nous avons menée sur l’influence du vécu personnel professionnel en classe, plus de la moitié des enseignants ayant eu un élève avec épilepsie en classe (5/9) parlent de Renforcer l'estime de soi de l’élève. Seul un enseignant sans vécu en classe en a parlé (1/7). Il est possible que les enseignants ayant vu en classe un élève faire une crise tonico-clonique réalisent plus facilement qu’être vu ainsi par ses camarades de classe peut être difficile à vivre.