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Chapitre 1 Problématique

1.3 Synthèse du questionnement

L’apprentissage de la géométrie euclidienne vise une maîtrise d’allers et retours entre les espaces physique et géométrique. Le développement de la pensée géométrique des élèves s’opère au sein de pratiques pédagogiques orientées en particulier par les prescriptions ministérielles des programmes d’études et par les éventuelles révisions, modifications et validations de manuels scolaires qu’elles engendrent.

Dans la transition des programmes d’études du primaire à celui du premier cycle du secondaire, il est attendu que les élèves approfondissent leurs réseaux conceptuels géométriques et s’expriment davantage à leurs propos notamment par des définitions et des théorèmes géométriques. En cela, les programmes suivent une certaine logique de progression. Une logique où avancer dans les apprentissages de la géométrie implique, entre autres, de pouvoir générer un discours de plus en plus formel, c’est-à-dire adhérer à une position théorique existante, celle de la géométrie euclidienne.

Par ailleurs, il est aussi attendu que les élèves progressent dans la mise en œuvre d’un raisonnement inductif ou déductif. Ce double emploi du raisonnement suggère que des énoncés, tels des définitions ou théorèmes, soient proposés à différentes fins, par exemple pour justifier les étapes de résolution d’un problème ou trouver une mesure manquante. Le programme prévoit que des énoncés soient des conclusions d’activités d’observation et d’exploration et d’autres proviennent d’un processus de déduction, tel que dit précédemment. Ces diverses propositions d’emploi des énoncés ne situent pas clairement le statut de la géométrie à enseigner et à apprendre. Certes, il ne s’agit pas d’une géométrie de l’observation, pour reprendre ici l’expression de Rauscher (1994), puisque selon le programme « […] une constatation ou des mesures à partir d’un dessin

22 Nous avons analysé des problèmes des manuels suivants : À vos maths! manuel B; Perspective volume

ne prouvent pas qu’une conjecture est vraie mais peuvent toutefois servir à en formuler une. » (Gouvernement du Québec, 2003, p. 243). Mais il ne s’agit pas non plus d’une immersion complète dans une géométrie de la déduction. Il existe un double discours puisque le programme suggère que des énoncés géométriques soient utilisés sans avoir été démontrés par les élèves, alors que d’autres pourraient faire l’objet d’une initiation au raisonnement déductif par les élèves.

« Les propriétés étudiées, sans pour autant qu’il les ait démontrées, doivent constituer des conclusions que l’élève est amené à établir à partir d’activités d’exploration « […] Afin de l’initier au raisonnement déductif, on lui montre comment déduire des propriétés à l’aide d’un raisonnement rigoureux et à partir de définitions ou de propriétés déjà établies. » (Gouvernement du Québec, 2003, p. 260).

Néanmoins de quelle géométrie parle-t-on? D’une géométrie de l’entre deux, de transition entre une géométrie de l’observation et celle de la déduction? Rauscher (1994, p. 292) a souligné le caractère transitoire d’une géométrie qui n’est plus une géométrie de l’observation, c’est-à-dire où « […] les observations à faire ne reposent que sur des impressions visuelles et où les figures ne sont pas porteuses d’informations clairement annoncées. », mais qui n’est pas non plus une géométrie de la déduction où « […] à partir d’informations clairement annoncées (les hypothèses) et de propriétés connues (axiomes ou théorèmes), il s’agit de prouver (démontrer) l’existence d’informations (conséquences) qui n’étaient pas annoncées au départ. » (Rauscher, 1994, p. 292). Dans cette géométrie de transition, nommée par Rauscher (1994) géométrie de traitement, les figures géométriques sont porteuses d’informations qui sont nécessaires à la gestion d’une situation géométrique même si cette gestion n’implique pas de règles d’inférence. Cette position d’une géométrie de l’entre deux dans le programme serait-elle due à un problème de transposition didactique où le savoir géométrique à enseigner ne serait peut-être plus en filiation avec le savoir géométrique savant? Quoi qu’il en soit, cette position de la géométrie augmente dans une certaine mesure la responsabilité des choix et des interventions de l’enseignant. Certes, l’enseignant est toujours responsable de sa pédagogie. Mais il nous semble que l’ambivalence des prescriptions géométriques du programme appelle l’enseignant à faire preuve à encore plus de compétences d’ordre mathématique, épistémologique et didactique.

Les éléments relatifs au programme d’études décrivent un certain panorama de l’enseignement québécois de la géométrie au premier cycle du secondaire. En ce qui concerne la position de la géométrie au sein de ce programme, elle peut être déplorée par plusieurs personnes qui ont connu et profité d’un enseignement plus classique de la géométrie. Nous entendons celui s’approchant de la méthode grecque, c’est-à-dire qui permet de découvrir par un raisonnement déductif des propriétés d’objets géométriques et des relations entre eux dans un ordre logique. Or, nous faisons le choix de ne pas discuter dans l’immédiat de ce qui pourrait être, mais bien de ce qui en est actuellement. De plus, des personnes pourraient objecter que cette position sibylline de la géométrie dans le programme n’est pas importante en soi, car les prescriptions gouvernementales, bien qu’obligatoires, ne représentent souvent qu’une indication moyenne dans le milieu de pratique (Boule, 2001). D’autres personnes auraient pour argument celui de reporter l’étude de la géométrie déductive à une étape ultérieure du parcours scolaire des élèves puisque le programme du deuxième cycle du secondaire présente la même compétence de raisonnement que celle du programme de premier cycle et à laquelle est associée une composante de démonstration, de preuve. Par contre, si l’enseignement de la géométrie poursuit l’objectif de permettre aux élèves de distinguer en complémentarité l’espace physique de l’espace géométrique, alors, nonobstant la valse-hésitation du raisonnement déductif du programme (Caron et René de Cotret, 2007), la question des répercussions auprès des élèves demeure. Quelle géométrie propose-t-on effectivement aux élèves de première secondaire? Leur permet-elle d’amorcer ou faire ce passage d’une géométrie de l’observation à une géométrie de la déduction?

Le contexte décrit précédemment nous conduit à la formulation générale d’un objectif et de questions de recherche que nous enrichirons et préciserons au chapitre 2.

Objectif : Nous souhaitons dégager un portrait d’élèves de première secondaire à partir duquel voir un état de leurs connaissances23 en géométrie dans le panorama actuel de son enseignement au Québec.

23 Le mot connaissance réfère à « […] ce qui est connu, ce que l’on sait pour l’avoir appris. » (Robert,

Question 1 : Quel travail géométrique les enseignants proposent-ils à des élèves de la première secondaire?

Question 2 : Quelles connaissances géométriques les élèves développent-ils au regard de ce qui leur est offert?