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Chapitre 1 Problématique

1.2 La géométrie en milieu scolaire

1.2.3 La géométrie dans les programmes d’études

À l’analyse des programmes du primaire et du premier cycle du secondaire, il appert que l’apprentissage de la géométrie correspond à celui d’un empilement d’objets géométriques18 pour lesquels la question du changement de valeur épistémique soit peu abordée au sujet du passage d’une géométrie pratique vers une géométrie théorique. Ce n’est que par une lecture fine des composantes des compétences des programmes qu’il est possible de trouver des indices de ce changement, sans pour autant en être beaucoup

16 Ce modèle est un élément de notre cadre théorique. Nous l’expliquons plus en détails au chapitre 2. 17 Même si la pensée reste orientée par un regard théorique.

18 Les objets géométriques sont classés sous les rubriques Savoirs essentiels (programme du primaire) et

plus éclairé. En effet, dans la transition du programme du primaire à celui du premier cycle du secondaire, l’étude des angles, des segments, des droites, des triangles et des quadrilatères, amorcée au primaire, s’approfondit en première secondaire notamment par l’ajout ou la structuration d’éléments.19 Mais la liste de ces éléments présente des lacunes qui n’aident pas à entrer dans une géométrie théorique dans la mesure où des objets géométriques sur lesquels s’appuyer pour prouver ou justifier dans des problèmes de première secondaire sont absents du programme du premier cycle et n’apparaissent qu’au programme du second cycle.

Cela est vrai notamment des cas de congruence des triangles qui permettraient de prouver, entre autres théorèmes inscrits au programme du premier cycle, par exemple les suivants : Dans un triangle isocèle, les angles opposés aux côtés congrus sont congrus; Dans un triangle isocèle, la médiane relative à la base est à la fois bissectrice, hauteur et médiatrice de cette base. De ce dernier théorème, il résulte que tout triangle isocèle peut être partagé en deux triangles rectangles congrus (ou tout triangle rectangle soit considéré comme la moitié d’un triangle isocèle). Aussi, les cas de congruence des triangles rectangles (autres éléments relayés au second cycle) sont utiles pour prouver le théorème suivant : Si deux droites parallèles sont coupées par une sécante, alors les angles alternes internes (et par suite correspondants) sont congrus; théorème à partir duquel il est possible de prouver celui de la somme des angles intérieurs d’un triangle. Ajoutons que c’est par les cas de congruence des triangles que se déduit la congruence des côtés opposés du parallélogramme ou que ses diagonales se coupent en leur milieu. Et que de l’étude du parallélogramme découle celle des parallélogrammes particuliers que sont le losange, le rectangle et le carré.

D’autres éléments du programme du second cycle mériteraient d’être introduits au premier cycle. Par exemple, le théorème selon lequel Dans tout triangle rectangle, la médiane relative à l’hypoténuse égale la moitié de l’hypoténuse faciliterait la mise en

19 L’annexe 1 présente les objets géométriques angles, segments (droites), triangles et quadrilatères traités

dans les programmes du primaire et du premier cycle du secondaire. Nous avons considéré les angles et les segments (droites) car l’étude des triangles et des quadrilatères requiert aussi celle des relations entre leurs angles et leurs côtés.

relation du cercle avec le triangle rectangle pour des problèmes de justification et de construction.

Par ailleurs, le programme du premier cycle du secondaire se distingue de celui du primaire entre autres par des exigences différentes relatives au raisonnement et à la communication de ce raisonnement. Les programmes de mathématiques du primaire et du secondaire sont élaborés en termes de compétences. Les compétences concernent la résolution d’une situation-problème, le raisonnement et la communication à l’aide du langage mathématique. Dans les deux programmes, nous trouvons les mêmes libellés pour deux compétences : Résoudre une situation-problème et Communiquer à l’aide du langage mathématique. Par contre, la compétence du primaire Raisonner à l’aide de concepts et de processus mathématiques est traduite par Déployer un raisonnement mathématique au secondaire. La distinction entre ces libellés n’est pas que lexicale dans la mesure où le raisonnement de l’élève est censé évoluer notamment par la possibilité d’émettre des conjectures et élaborer des démonstration ou des preuves. Ces éléments sont spécifiques de la compétence à raisonner dans le programme du secondaire. De plus, l’expression du raisonnement évolue au secondaire par l’emploi d’un langage mathématique comprenant, entre autres, des définitions20 et des énoncés (principalement des théorèmes).

20 Ce qui ne veut pas dire que les définitions ne soient pas abordées dans les manuels du primaire ou par

« Les énoncés que l’on trouve à la fin de cette section sont indiqués à titre d’exemples; […] Les propriétés étudiées, sans pour autant qu’il les ait démontrées, doivent constituer des conclusions que l’élève est amené à établir à partir d’activités d’exploration qui sollicitent, entre autres, son sens spatial ainsi que sa connaissance des propriétés des transformations géométriques. Ces énoncés l’aident à justifier sa démarche lorsqu’il résout une situation-problème ou qu’il déploie un raisonnement mathématique. Afin de l’initier au raisonnement déductif, on lui montre comment déduire des propriétés à l’aide d’un raisonnement rigoureux et à partir de définitions ou de propriétés déjà établies. (Les énoncés 17, 19, 24 et 25 à la page 261 peuvent être utilisés à cette fin.) […] Afin de déterminer une mesure manquante et de justifier les étapes de sa démarche, l’élève s’appuie sur des définitions et des propriétés plutôt que sur le mesurage. » (Gouvernement du Québec, 2003, p. 260).

Cet extrait suggère que des énoncés, qui sont des théorèmes de géométrie plane, sont ici transformés en énoncés admis puisque l’élève n’a pas à les démontrer. Ils sont des conclusions issues d’activités d’exploration. En même temps, il est suggéré de faire (ou faire faire?) à l’élève la démonstration de quatre énoncés.21 Cette proposition révèle une certaine position à l’égard des théorèmes transformés en énoncés admis et soulève quelques questions. Une première question porte sur la perception du caractère général d’un théorème. Combien d’explorations seront nécessaires, par exemple sur les angles opposés du parallélogramme, pour admettre leur congruence? Une deuxième question apparaît en complément de la première; ne renforce-t-on pas l’idée que quelques cas suffisent à prouver ou à se convaincre par l’utilisation stricte d’activités d’exploration? Si des énoncés sont des conclusions d’activités d’exploration et d’autres proviennent d’un processus de déduction, quel est alors leur statut aux yeux des élèves? Seront-ils tantôt des conjectures formulées par eux, des théorèmes donnés par la géométrie, des résultats d’explorations successives? Déployer un raisonnement mathématique est définie notamment par les composantes Réaliser des démonstrations ou des preuves et Établir des conjectures. La démonstration et la preuve étaient dans les programmes de

21

Les angles opposés par le sommet sont isométriques (17). Si une droite coupe deux droites parallèles, alors les angles alternes-internes, alternes-externes et correspondants sont respectivement isométriques (19).La somme des mesures des angles intérieurs d’un triangle est de 180 degrés (24). La mesure d’un angle extérieur d’un triangle est égale à la somme des mesures des angles intérieurs qui ne lui sont pas adjacents (25).

quatrième (Gouvernement du Québec, 1996) et cinquième secondaire (Gouvernement du Québec, 1999) des années 90, comme en fait foi cet extrait de quatrième :

« Le modèle proposé, depuis le début du secondaire, permet à l’élève de développer sa pensée géométrique selon une hiérarchie. De la perception globale des formes à l’analyse des propriétés relatives à ces formes, l’élève est arrivé à faire des déductions simples en établissant des relations entre ces propriétés. Elle ou il doit maintenant établir le lien entre les étapes de la résolution d’un problème et une argumentation juste et rigoureuse pour établir une preuve. Dans le but d’arriver à des démonstrations de mieux en mieux organisées, il faut mettre l’accent sur le raisonnement proprement dit. » (Gouvernement du Québec, 1996, p. 21).

Ces mêmes programmes contenaient des îlots déductifs. Il s’agissait d’énoncés géométriques pour lesquels une démonstration était attendue de l’élève, assurant ainsi un lien entre l’exigence d’un apprentissage de la preuve et les propriétés sujettes à être démontrées. Qu’en est-il du programme actuel au premier cycle du secondaire? Où sont les îlots déductifs? Sont-ce les énoncés 17, 19, 24 et 25? Les emprunts aux programmes de quatrième et cinquième secondaire des années 90 semblent introduire une confusion dans le programme en géométrie par la présence explicite des composantes Réaliser des démonstrations ou des preuves et Établir des conjectures. Dans ce contexte, quelles positions pédagogique et épistémologique faut-il adopter pour enseigner et apprendre la géométrie au premier cycle du secondaire?