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Synthèse par groupe d'organismes des services écologiques des agroécosystèmes

Après la présentation, dans la section précédente (2.2), des effets de la diversité par service, nous présentons ici, sous forme de texte puis de tableau, une synthèse des effets de la diversité par groupes d'organismes. Ces effets sont toutefois présentés par grande catégorie de services (intrants, contribuant au revenu agricole direct, hors revenu agricole direct).

Services intrants Plantes :

Il n’y a pas d’effets de la richesse spécifique végétale sauf pour l’utilisation de l’azote, via son effet sur la production de biomasse et pour le contrôle des invasions biologiques.

Dans tous les cas, le facteur déterminant est la diversité fonctionnelle : fixation de l'azote pour les légumineuses (cultivées ou spontanées), différence de profondeur d'enracinement qui permet de mieux exploiter les ressources du milieu ainsi que les traits des espèces dominantes (prairies semi-naturelles).

Cependant, si l'on ne peut faire l'hypothèse que la richesse fonctionnelle ou la complémentarité fonctionnelle interviennent, notamment en ce qui concerne les traits racinaires et la phénologie, ces effets ne sont pas toujours prouvés de manière irréfutable.

La diversité intraspécifique (mélange de variétés) a surtout été étudiée par rapport au contrôle des bioagresseurs : elle a généralement un effet positif quand celui-ci a été quantifié (manque de connaissances).

Les adventices et leur richesse spécifique peuvent jouer un rôle positif (services de stabilité du sol (protection contre l'érosion), de pollinisation, et de contrôle des bioagresseurs) ou négatif (pertes de rendement par dommages et compétition avec les cultures pour l’eau, la lumière et les éléments minéraux). Les effets de leur richesse ou de leur complémentarité fonctionnelle sont positifs pour la pollinisation, mais en général ils ne sont que peu explorés.

Pédofaune :

La richesse spécifique intervient rarement pour la fourniture de services intrants.

La richesse fonctionnelle, en particulier des ingénieurs du sol (macrofaune), de la mésofaune et de la microfaune, joue un rôle essentiel lorsqu’il a été testé (stabilité, disponibilité en eau, maintien de la fertilité via la décomposition).

Plus que la diversité quantitative, c’est souvent la présence de groupes clés (ingénieurs du sol et mésofaune) ou d'espèces clés qui intervient.

La diversité des histoires de vie est identifiée comme un facteur important du maintien de ces services (décomposition).

Globalement les connaissances restent assez limitées sur le rôle de la diversité quantitative de la pédofaune pour les services intrants.

Microorganismes du sol :

La richesse taxinomique / génétique favorise la stabilité du sol, la fertilité via la minéralisation et la nutrition minérale des plantes, ainsi que le contrôle des phytopathogènes.

La richesse taxinomique / génétique / fonctionnelle n’a pas d’effet en deçà d’un certain seuil pour les processus de décomposition associés au service de maintien de la fertilité.

La richesse fonctionnelle contribue au contrôle des phytopathogènes .

L’identité des bactéries fixatrices d’azote est importante pour maintien de la fertilité.

L'identité des groupes détermine le degré de stabilisation de la matière organique du sol : les champignons ont un rôle mécanique et enzymatique ralentissant son turn-over.

Arthropodes épigés & hypergés :

La composition et la richesse fonctionnelles, et à un degré moindre l'abondance des espèces au sein des communautés, sont les facteurs déterminants de la réalisation de la pollinisation, du contrôle biologique des bioagresseurs, et du contrôle des invasions par des arthropodes exotiques. La composition fonctionnelle intervient aussi positivement pour la fertilité via ses effets sur la décomposition.

En revanche, la richesse fonctionnelle peut faciliter les invasions végétales (dommage).

La composition fonctionnelle présente une dualité d'effets vis-à-vis de la santé animale : elle favorise la régulation de certains parasites par leurs ennemis, mais provoque également le parasitisme des animaux.

Paysage :

L’hétérogénéité spatiale et la structuration des paysages contribuent à la stabilité du sol (lutte contre l'érosion), à la régulation des flux d’eau à l’échelle du bassin versant et au contrôle des bioagresseurs via les effets positifs sur leurs ennemis naturels.

Les éléments boisés et les structures pérennes linéaires (haies…) favorisent le contrôle biologique des bioagresseurs, favorisent la diminution de l'évaporation de l'eau du sol par temps chaud et venté tout en prolongeant la transpiration des plantes cultivées dans les mêmes conditions et en prélevant eux-mêmes de l'eau. Le bilan global est une diminution des réserves d'eau du sol au niveau des parcelles.

Conclusion : La majorité des services intrants sont dépendants de la biodiversité de plusieurs groupes d’organismes (plantes et sol, plantes et insectes). Les effets de la biodiversité sont relativement homogènes entre services intrants pour un groupe d’organismes donné. Ils dépendent de la composition fonctionnelle des différents groupes impliqués, et parfois de leur richesse fonctionnelle ou taxinomique. Les relations entre composition fonctionnelle des différents groupes apparaissent donc comme un élément primordial de compréhension à développer (cf. mécanismes pertinents pour la gestion à mettre en relation avec les boucles de rétroaction).

Services contribuant au revenu agricole direct

Dans le cas des grandes cultures, augmenter le nombre d’espèces ou de variétés cultivées n’entraîne pas de bénéfice systématique immédiat sur le rendement. De plus un accroissement de la richesse spécifique des adventices pose plusieurs problèmes pour le rendement. Cependant, accroître la diversité des espèces cultivées dans le temps (pratique des rotations, insertion de cultures intermédiaires) entraîne plusieurs effets positifs sur les états du milieu cultivé qui sur le moyen et long terme ont un impact favorable sur la production et sur son coût. De même diversifier les espèces ou variétés cultivées en mélange contribue positivement à la stabilité du rendement face aux variations biotiques et climatiques. C’est la composition fonctionnelle qui est déterminante. Elle ne permet toutefois des augmentations de rendement que lorsque les relations interspécifiques entraînent une complémentarité voire une synergie dans l'utilisation des ressources, selon les divers traits fonctionnels des plantes et plus particulièrement dans un contexte de milieu pauvre ou de bas intrants, spécialement azotés.

En prairies, globalement la richesse spécifique végétale contribue positivement à la production liée à l’élevage (herbe et produits animaux). Cet effet résulte des bénéfices, pour la qualité des fourrages, de la composition fonctionnelle (traits fonctionnels des espèces dominantes), voire de la richesse fonctionnelle des prairies via la complémentarité entre espèces. La richesse fonctionnelle est également bénéfique à la stabilité de la production à l’échelle de l’exploitation mais pas forcément à l’échelle de la parcelle.

La diversité spécifique et fonctionnelle des microorganismes a des effets positifs sur l'efficience et la stabilité de la production primaire, parfois via des pollinisateurs.

La composition et l’hétérogénéité spatiale des paysages contribuent à la stabilité de la production primaire.

L’ensemble de ces effets sont encore mal quantifiés pour les systèmes de production sous climat tempéré.

Conclusion : Les services de production dépendent fortement de la biodiversité végétale et de ses effets sur les autres organismes bénéfiques (cf. services intrants) ou nuisibles. La stabilité de la production dépend donc de la biodiversité de ces autres organismes, ou microorganismes, parfois moins que de celle des plantes (sauf effet rotation).

Services hors revenu agricole direct

La richesse spécifique et fonctionnelle végétale, y compris des adventices, a des effets bénéfiques pour la qualité des eaux, la conservation de la biodiversité et la valeur esthétique et culturelle, mais nuit à la disponibilité en eau à l’exutoire des bassins versants agricoles (ou pour le rechargement des nappes).

Mais il n'existe pas de données permettant de conclure sur les effets sur la régulation du climat via la séquestration du carbone ou sur la santé humaine.

En revanche, la composition et la diversité fonctionnelle végétale et en particulier les traits des espèces dominantes, à toutes les strates végétales, contribuent au maintien de la qualité des eaux, à la régulation du climat via les propriétés physiques de surface telles que l’albedo, la rugosité...), et la mitigation des incendies.

La diversité végétale intraspécifique peut favoriser la conservation de la biodiversité et la valeur culturelle et esthétique mais les connaissances sur ses effets sont limitées.

Les espèces (végétales) exotiques peuvent nuire à la disponibilité en eau, à la mitigation des incendies, mais leurs effets sur la conservation de la biodiversité ne sont pas systématiquement négatifs, alors qu’elles peuvent même contribuer à la valeur esthétique et culturelle.

La conservation de la biodiversité et la valeur esthétique et culturelle dépendent des richesses spécifique et fonctionnelle des plantes et des arthropodes : de fortes valeurs de ces richesses sont garantes d'une meilleure résistance des écosystèmes aux espèces exotiques invasives, et d'une plus grande satisfaction de la société (néophytes et spécialistes). Toutefois, la composition fonctionnelle en arthropodes peut parfois faciliter la dissémination de plantes exotiques (via la pollinisation entomophile).

Différentes composantes de la biodiversité des microorganismes du sol interviennent pour la qualité des eaux et la régulation du climat via la séquestration du carbone.

L’hétérogénéité des paysages, leur structuration spatiale et la présence d’éléments boisés et linéaires ont des effets bénéfiques pour la plupart des services obtenus hors revenu agricole direct.

Conclusion : Les effets connus de la biodiversité sur les services non inclus dans le revenu agricole direct concernent principalement les plantes et les paysages, les microorganismes du sol et les arthropodes intervenant pour des services particuliers.

Tableau de synthèse par groupe d'organismes

Service Végétaux cultivés Adventices Végétaux prairies

Arthropodes épigés

& hypergés Pédofaune Microorganismes Paysage

Stabilité du sol 0 R sp

Légende : C = composition ; D = diversité ; R = richesse ; compo = de composition ; fct = fonctionnelle ; génét = génétique ; hétéro = hétérogénéité ; intra = intraspécifique ; mycoR = mycorhizes ; sp = spécifique ; struct = structurelle ; taxi = taxinomique.

Les signes ou caractères +, -, 0, ? indiquent respectivement des effets positifs, négatifs, nuls ou connus avec peu de certitude dans l'état actuel des recherches.

Service Végétaux cultivés Adventices Végétaux prairies

Arthropodes épigés &

hypergés

Pédofaune Microorganismes Paysage Production primaire - efficience ? D fct (+ quand

céréales-légumin. en situat° N

Service Végétaux

cultivés Adventices Végétaux prairies Arthropodes Pédofaune Microorganismes Paysage

Disponibilité en eau - R sp rotation - R sp - R sp

2.4. Mécanismes des services écologiques et implications