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2.2. Effets de la diversité par service

2.2.1. Services intrants de l’agriculture

2.2.1.4. Régulation du climat local

. Effets sur le vent et le rayonnement

Les éléments ligneux sont ceux qui régulent le plus efficacement le climat local et régional, grâce à leur influence sur le vent et le rayonnement. Au sein de la matrice agricole, ce sont les haies et les alignements d'arbres qui jouent ce rôle et qui confèrent alors au paysage son aspect bocager.

L'efficacité brise-vent d'une formation ligneuse dépend non seulement de sa hauteur mais aussi de son caractère semi-perméable homogène, grâce à une bonne répartition des structures végétales de sa base au haut de la canopée. Cette texture homogène sur une grande hauteur est permise par une diversité des essences ligneuses, des buissonnantes aux arbres de haut jet (Soltner, 1995).

A l'échelle parcellaire, une bonne haie brise-vent réduit de 50% environ la vitesse du vent entre 0 et 10 fois sa hauteur dans la parcelle située "sous le vent", et de 25% environ entre 10 et 20 fois sa hauteur.

Elle permet ainsi aux plantes, grâce à la baisse de l'évapo-transpiration potentielle, de maintenir plus longtemps voire constamment ouverts leurs stomates, favorisant ainsi une activité photosynthétique plus importante au profit du rendement des cultures (cf. ci-après).

A l'échelle régionale, la structure bocagère confère une "rugosité" au paysage permettant un ralentissement général des masses d'air de 30 à 50%, ce qui permet à son tour d'obtenir un vent plus faible derrière chaque haie (Soltner, 1995).

Une des conséquences de ce ralentissement général des masses d'air est une augmentation de la pluviométrie par rapport à une zone "d'openfield", jusqu'à 15 à 20% comme cela a été remarqué au Danemark (Soltner, 1995).

Les haies interceptent les rayonnements solaires directs et indirects, créant de l'ombre du côté opposé au soleil, ombre bénéfique au bétail par jour de forte chaleur (cf. ci-après), mais générant un surplus d'énergie du côté au soleil. En effet, interceptant non seulement les rayons directs (par ses faces orientées au sud) mais aussi le rayonnement infra-rouge (par toutes ses faces) émis par le sol sur une bande équivalent à 4 fois environ la hauteur de la haie, elle emmagasine une partie de cette énergie le jour (grandes longueurs d'onde) pour la restituer en permanence mais y compris donc la nuit, sous forme de rayonnement infra-rouge (faibles longueurs d'onde). Ainsi, non seulement les risques de gel sur couvert herbacé (qui perd la nuit de l'énergie par émission vers l'atmosphère de rayonnements infra-rouges) sont-ils diminués grâce aux rayonnements nocturnes émis par la haie, mais la quantité totale d'énergie reçue par le sol d'une zone bocagère est-elle augmentée grâce aux formations ligneuses telles que les haies (Soltner, 1995).

Conclusion - La diversité structurale des formations ligneuses linéaires améliore leur effet brise-vent (baisse de 25 à 50% de la vitesse du vent) sur 10 à 20 fois leur hauteur au sein des parcelles "sous le vent", et, multipliées sur tout un paysage, elles confèrent une "rugosité" permettant un ralentissement général des masses d'air. La conséquence est une augmentation de l'hygrométrie générale (parfois de la pluviométrie au niveau régional) et donc de l'activité photosynthétique des plantes. Ces formations ligneuses interceptent les rayonnements solaires directs et indirects (créant de l'ombre du côté opposé au soleil et restituant la nuit de l'énergie de part et d'autre des deux faces), limitant certains excès thermiques tout en augmentant la quantité totale d'énergie captée par les végétaux cultivés d'un paysage.

. Effets de la diversité paysagère sur les performances des productions végétales et des animaux au pâturage

En paysage bocager, les cultures et les animaux au pré bénéficient tout d'abord de la protection mécanique conférée par une structure bocagère : atténuation de la verse des céréales, des troubles de pollinisation dans les vergers, de la chute des fruits et de la lacération des feuilles, amélioration de la répartition de l'eau d'irrigation par aspersion, réduction de la portée des embruns salés, diminution des dépenses énergétiques chez les animaux et amélioration de leur bien-être… Cette protection mécanique se double de et entraîne, comme vu précédemment, une amélioration des conditions hygrométriques et thermiques (dans certains cas précis et assez rares, il peut s'agir d'une détérioration).

Cette amélioration permet une augmentation quantitative et parfois aussi qualitative des productions, et même s'il y a baisse des rendements le long des haies sur une fois la hauteur de celles-ci, l'augmentation du rendement sur la majeure partie des parcelles (10 à 15 fois la hauteur des haies), est largement compensatrice.

Ainsi, dans les cas les plus modestes, les rendements des cultures sur les surfaces abritées par un brise-vent sont de 6 à 20% supérieurs à ceux obtenus en zone exposée au brise-vent et sont plus nets en période de sécheresse (Smith, 1929; Soegaars, 1954; Bender, 1955 ; in Soltner, 1995) ; dans les cas extrêmes, ils sont de 40 à plus de 100% (Duthil, 1973; Vanhee, 1957; Caluianu et al., 1959 ; in Soltner, 1995).

L'appétibilité des cultures fourragères est elle aussi significativement augmentée, de 20% ou plus selon Soltner (1995). Ces résultats sont à rapprocher de ceux obtenus en agroforesterie où Restrepo-Saenz et al. (2004) ont observé une amélioration de plus de 60% de la digestibilité des fourrages produits sur une parcelle plantée d'arbres bien développés comparativement à des parcelles portant des arbres encore peu développés.

Quant aux rendements des productions animales, divers producteurs de lait du Finistère estiment que le rendement en lait des animaux pâturant sans protection de haies peut chuter, en période froide ou ventée, de 20 à 50% par rapport à celui des animaux pâturant des herbages identiques mais abrités de haies ou talus (Soltner, 1995). Des expérimentations américaines ont montré que le poids moyen de bovins élevés à l'abri de rideaux d'arbres dépassait de 35 livres celui des animaux élevés en plein champ (Soltner, 1995). De la même façon que précédemment, des animaux pâturant en parcelle agroforestière portant des arbres très développés, ont vu leur GMQ (gain moyen quotidien) augmenté de presque 15% par rapport à ceux pâturant en parcelles avec arbres peu développés (Restrepo-Saenz et al., 2004).

Conclusion - Les structures bocagères, en plus de protéger les cultures contre les effets mécaniques du vent, améliorent dans la grande majorité des cas les conditions hygrométriques et thermiques des cultures et prairies. Il s'en suit une amélioration de la pousse des végétaux, une augmentation du rendement des cultures et des performances des animaux au pâturage.

. Effets sur la dispersion du pollen de plantes génétiquement modifiées

L’étude de la dispersion des pollens dans les agroécosystèmes a fait l’objet de nombreux travaux récents dans le cadre de l’étude de l’impact des cultures génétiquement modifiées. S’il est admis que le pollen de colza par exemple, se disperse sur plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres, l’estimation qualitative de cette dispersion (Klein et al., 2006) pourrait encore être améliorée. Les travaux actuels portent sur le type de modélisation (choix de la fonction dispersion en fonction des queues de dispersion) à adopter afin d’estimer le plus précisément possible les distances maximales de dispersion. Le type de fonction choisi semble avoir des impacts extrêmement importants sur la diversité du nuage pollinique prédit au dessus d’un parcellaire agricole et donc sur les échanges de gènes entre populations (Klein et al., 2006). Les interactions de la dispersion du pollen, avec le type d’espèce, avec le paysage sont en cours d’étude.

Conclusion – Bien que cela ne soit pas un problème nouveau, le risque de dispersion de transgènes (Rosi-Marshall et al., 2007) à plus ou moins longue distance par du pollen des cultures génétiquement modifiées a très fortement contribué à l’avis négatif de la commission sur la variété de maïs génétiquement modifiée MON 810 ("impossibilité d’une absence de pollinisation croisée entre champs OGM et champs sans OGM à une échelle locale" http://www.legrenelle-environnement.fr/grenelle-environnement/spip.php?article759&var_recherche=mon810). Les études actuelles de dissémination du pollen reposent en partie sur des travaux de modélisation (Klein et al., 2006) qui ne permettent pas de prévoir la pollinisation croisée effective.

. Effets sur la dissémination des semences d’adventices

La diffusion des mauvaises herbes est très importante à l’échelle de la planète avec un certain nombre d’espèces à aire de répartition quasi cosmopolite comme le chiendent (Elytrigia repens (L.) Nevski) ou le chénopode blanc (Chenopodium album L. ; Radosevich & Holt, 1984). Si l’homme reste le

principal vecteur de dispersion des propagules adventices comme dans le cas de l’ambroisie à feuilles d’armoise (Chauvel et al., 2005), d’autres espèces adventices (famille des Onagracées comme Epilobium angustifolium L., famille des Astéracées comme Cirsium arvense (L.) Scop., espèces du groupe Taraxacum…) ont développé des systèmes d’anémochorie profitant du milieu ouvert que constituent les agrosystèmes pour augmenter leur capacité à occuper le milieu (Cousens & Mortimer, 1995) (Figure 2.2-8.).

a b c

Figure 2.2-8. a et b semences anémochores d’espèces adventices (a : Picris echioides;

b : Taraxacum Sect. Vulgaria ; c : Epilobium angustifolium (Jauzein, 1995)

Toutefois, la distance de dispersion reste limitée à la dizaine de mètres (Burrows, 1974) pour des semences et de l’ordre du kilomètre quand la plante entière est "roulée" par le vent (Salsola kali ; Cousens & Mortimer, 1995).

Les effets du paysage sur la dissémination des adventices sont actuellement en cours de développement dans le cadre de travaux sur la structuration de la biodiversité des populations de mauvaises herbes.

Conclusion – Souvent évoquée comme un facteur important de dispersion des espèces adventices comme le pissenlit (espèces du groupe Taraxacum), la dispersion des adventices par le vent ne semble pas dépasser la centaine de mètres dans les parcelles cultivées. Les effets du paysage sur la dissémination des adventices sont actuellement en cours de développement dans le cadre de travaux sur la structuration de la biodiversité des populations de mauvaises herbes.

. Effets sur les auxiliaires

A l'échelle parcellaire, la diversification végétale offre généralement un microclimat tamponné, avec davantage d'ombre en été, une atténuation des amplitudes thermiques journalières et une réduction du vent (Andow, 1991). De nombreux travaux montrent que les auxiliaires des cultures ont tendance à rechercher de tels milieux protégés (Tonhasca, 1993; Carter & Rypstra, 1995; Bugg & Pickett, 1998;

Gurr et al., 1998; Nentwig et al., 1998; Landis et al., 2000; Dyer & Stireman, 2003; Altieri & Nicholls, 2004a; Altieri & Nicholls, 2004b), alors que nombre de ravageurs des cultures préfèrent les milieux plus exposés et ouverts (Risch, 1981; Andow & Risch, 1985; Andow, 1988).

Les zones refuge bien abritées, à microclimat tamponné, sont également très recherchées par les arthropodes en vue de leur hivernation (Pfiffner & Luka, 2000; Pfiffner & Wyss, 2004), notamment en zones de grandes cultures annuelles qui sont dépourvues de telles structures permanentes au sein même des parcelles (Landis et al., 2000). A l'opposé des conditions hivernales, des températures trop élevées et une hygrométrie trop faible en été, peuvent être néfastes aux auxiliaires. Ainsi, du ray-grass Lolium multiflorum semé dans les inter-rangs de maïs permet de diminuer la température et d'augmenter l'hygrométrie au niveau du sol, ce qui améliore le taux de survie des trichogrammes Trichogramma brassicae introduits par lâchers inondatifs (Landis et al., 2000). Un résultat identique, vis-à-vis d'araignées qui sont des prédateurs généralistes de petits arthropodes, peut être obtenu avec la création de trous de 10-12cm de profondeur dans le sol (Landis et al., 2000).

Conclusion - Les structures végétales vivantes ou mortes permettant d'améliorer le microclimat (atténuation des écarts extrêmes de température et d'humidité) sont favorables aux auxiliaires et augmentent leur présence et leur survie dans les agroécosystèmes.