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Interactions avec la protection chimique des cultures

2.4. Mécanismes des services écologiques et implications pour la gestion

2.4.3. Modifications des relations biodiversité – fonctions / services des écosystèmes

2.4.3.3. Interactions avec la protection chimique des cultures

. Diversité végétale

L’intensification des pratiques agricoles a eu pour effet de réduire les densités ou d’éliminer les espèces dont des traits de vie se trouvaient fortement contre-sélectionnés par les modifications du milieu (espèces hygrophiles éliminées par le drainage, non nitrophiles par les apports d’azote, peu compétitives par la sélection variétale, …). Au contraire d’autres espèces se sont trouvées favorisés (espèces tolérantes ou résistantes aux herbicides, espèces héliophiles) au point de modifier la structure des communautés (Fried et al., in press). Les pressions de sélection liées à l'intensité des pratiques dont le désherbage chimique, ont contribué par la réduction du nombre d'espèce à augmenter les déséquilibres observés dans les flores adventices. Aussi penser la gestion de la flore en terme d'équilibre global peut contribuer à limiter les effets négatifs des espèces les plus opportunistes (Altieri

& Schmidt, 1986b) par compétition avec les autres espèces adventices. A l’opposé, l’effet de la réduction de l’utilisation des herbicides va permettre une ré-augmentation de la densité des populations de mauvaises herbes comme le montrent les premiers résultats obtenus au Danemark (Andreasen & Stryhn, 2008) avec un effet attendu sur la biodiversité globale. Toutefois, pour certains auteurs (Storkey & Westbury, 2007), le défi sera de favoriser certaines espèces à rôle fonctionnel en évitant le développement des espèces trop agressives. Ainsi la seule élimination des herbicides chimiques peut se révéler insuffisante d’un point de vue de la biodiversité si elle n’est pas accompagnée d’une modification de la structure des paysages (van Elsen, 2000).

Les bénéfices potentiels de la diversité végétale intraspécifique sur les services de l’agriculture sont susceptibles de varier fortement selon le type de conduite agricole. D’abord, si la diversité génétique peut favoriser la productivité primaire et sa stabilité temporelle, principalement grâce à un meilleur contrôle des bio-agresseurs fongiques, cet effet est significatif surtout si l’usage des pesticides est bas (Di Falco & Chavas, 2006). De ce fait, l’amélioration des services agricoles par la gestion de la diversité génétique pourrait n’être bénéfique que dans le cas de cultures plutôt extensives ou à faibles intrants chimiques.

D’autre part, il apparaît que la mise en culture de mélange variétaux plutôt que de cultures monovariétales peut favoriser le maintien d’une plus grande diversité d’arthropodes de divers niveaux

trophiques (herbivores, omnivores ou prédateurs), et donc favoriser la persistance d’organismes auxiliaires à l’échelle d’un paysage agricole. La gestion de la diversité génétique peut donc être une composante intéressante à intégrer aux programmes d’agriculture écologique qui limitent l’utilisation de la protection chimique, c'est-à-dire favorisant la mise en place d’agro-écosystèmes intégrés et durables, à forte résilience écologique.

Conclusion - Les pressions de désherbages conduisent à des déséquilibres de la flore adventices qui augmentent ses dommages. Inversement, la réduction du désherbage chimique et une gestion adéquate y compris du paysage pourront permettre de rétablir les services écologiques tels que la stabilité du sol, la pollinisation, le contrôle des bioagresseurs, la conservation de la biodiversité ou la valeur esthétique. Les bénéfices des mélanges variétaux en termes de contrôle des ravageurs et des bio-agresseurs fongiques sont quant à eux significatifs dans les situations de faible utilisation de pesticides.

. Diversité de la pédofaune

Les analyses du Chapitre 1 ont montré que l’utilisation des pesticides implique une mortalité directe et indirecte le long de la chaîne trophique du sol. La réduction de l’utilisation des pesticides est donc nécessaire afin de bénéficier des services intrants fournis par cette biodiversité.

. Diversité des microorganismes du sol

Dans les cultures en plein champ, la lutte contre les maladies d’origine tellurique repose essentiellement sur des méthodes de désinfection du sol à l’aide de fumigants extrêmement toxiques (par ex. le bromure de méthyle dont l’usage, proscrit par le protocole de Montréal, a été totalement interdit au 31 décembre 2004). Ce type de désinfection présente l’inconvénient majeur de détruire indistinctement les organismes pathogènes et la microflore saprophyte qui comprend des microorganismes antagonistes des agents pathogènes ainsi que des organismes bénéfiques pour différentes fonctions de l’écosystème. L'utilisation de pesticides conduit donc à une altération de la diversité microbienne dans de nombreux cas, mais avec des intensités différentes selon la nature des pesticides ou/et celle des communautés microbiennes. Le processus de nitrification notamment peut être affecté (réduit voire stoppé) par les apports d'insecticides (Ahmed et al., 1998). Même si le phénomène est réversible, les échelles de temps de la résilience sont dépendantes des doses et fréquences d'application (Ahmed et al 1998). L'application de fongicides peut affecter négativement la fertilité des sols et notamment la dégradation de la matière organique et sa minéralisation (Johnsen et al., 2001), en particulier le fenpropimorph qui réduit le développement et l'activité des décomposeurs primaires (champignons). Le phénomène est néanmoins là aussi réversible (Thirup et al., 2001), mais l'utilisation du cuivre expose à des effets répressifs plus durables sur les communautés microbiennes mais sans que le ou les services altérés ne soient encore clairement identifiés aujourd'hui (Bunemann et al., 2006). L'altération peut se traduire sous forme de réduction de la diversité taxinomique, plus rarement de la diversité fonctionnelle sauf dans le cas de l'utilisation de fongicides ou de fumigants dont le caractère biocide justifie l'utilisation. On peut donc en déduire que beaucoup de fonctions essentielles pour les services écologiques seront maintenues à un niveau suffisant.

La destruction de la microflore saprophyte par les pesticides favorise une recolonisation rapide des sols désinfectés par la microflore dont les agents phytopathogènes. Une nouvelle désinfection est donc nécessaire avant chaque culture ce qui contribue à un déséquilibre de plus en plus poussé des communautés microbiennes des sols. L'altération de la biodiversité microbienne peut aussi se traduire par l'apparition de gènes de résistance et de gènes de dégradation des pesticides. L'aptitude au transfert horizontal intra- et interspécifique de gènes aboutit alors à la constitution de consortiums microbiens assurant la biodégradation précoce des pesticides, limitant leur efficacité dans le temps. Le gestionnaire de la culture est alors amené à augmenter les doses ou les fréquences d'application des pesticides, ce qui accélère le phénomène de sélection ou de génération de microorganismes adaptés.

Les alternatives à ces impasses de gestion sont la diversification des pesticides (ne pas toujours utiliser le même), mais aussi l'utilisation de méthodes biologiques, en particulier la gestion de la structure des communautés microbiennes visant à promouvoir les populations auxiliaires indigènes ou/et les