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La synthèse des facteurs influençant les systèmes d’échange de proximité 105

CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE 39

2.4 La synthèse des facteurs influençant les systèmes d’échange de proximité 105

Lors de l’établissement de la problématique et de la définition du cadre théorique, nous avons mis une attention particulière à identifier des facteurs susceptibles d’influencer, positivement ou négativement, la pérennité et le développement des systèmes d’échange de proximité. Alors que certains facteurs favorisent la pérennité de l’organisation, d’autres favorisent plus spécifiquement son développement. Ces facteurs influenceront à divers degrés les différents types de systèmes d’échange

de proximité, devenant dans certains cas des conditions de succès ou d’échec. Le rapprochement entre l’économie sociale et solidaire et les systèmes d’échange de proximité nous a permis d’identifier des facteurs génériques alors que la recension des écrits portant spécifiquement sur l’objet d’étude nous a menés à identifier des facteurs plus spécifiques.

Nous avons classé ces facteurs en deux catégories : les facteurs internes et les facteurs externes. Aux facteurs internes correspondent nos réflexions sur l’analyse interne, la mission et les meneurs d’enjeux internes, alors que les facteurs externes sont issus de notre réflexion sur l’analyse externe. C’est à partir de cette liste préliminaire de facteurs que nous préciserons, au chapitre suivant, les objectifs de notre collecte de données primaires.

Lorsque ces facteurs ont une ascendance positive, ils sont qualifiés de forces (internes) ou d’opportunités (externes), alors qu’ils sont considérés comme des faiblesses (internes) ou des menaces (externes) lorsqu’ils ont une ascendance négative. Outre l’absence de facteurs favorisant la pérennité et le développement, certains facteurs constituent spécifiquement des obstacles. Ces facteurs et d’autres que nous identifierons possiblement au cours de notre analyse des données primaires, constitueront les éléments de notre diagnostic stratégique (forces, faiblesses, menaces, opportunités), lequel nous permettra d’identifier des avenues stratégiques à prioriser pour les différents types de systèmes d’échange de proximité. Les facteurs identifiés auront un impact plus ou moins important dépendamment du type d’organisation. Ils peuvent également être des forces ou des opportunités dans certains types d’organisations alors qu’ils seront considérés comme des faiblesses ou des menaces dans d’autres.

Les facteurs internes ont été divisés en cinq catégories : les choix organisationnels, le sociétariat, la gouvernance et le leadership, l’accès et la gestion des ressources, la situation de l’organisation et la relation avec les meneurs d’enjeux. Les facteurs externes portent d’une part sur la situation du mouvement de l’échange de proximité et de l’autre sur les tendances lourdes dans l’environnement macrosocial (environnement économique, social, technologique, politique, écologique) ayant une influence sur la stratégie dans les systèmes d’échange de proximité. Nous approfondirons l’influence probable de ces facteurs au chapitre cinq portant sur l’analyse des résultats et la discussion. Le tableau 2.7 présente une synthèse des facteurs identifiés dans notre problématique et notre cadre théorique.

Tableau 2.7– Les facteurs influençant les systèmes d’échange de proximité

Forces Facteurs pouvant constituer des forces ou

faiblesses selon les types d’organisations

Faiblesses

Sociétariat

- Participation des membres (vie sociale, vie

démocratique, échanges) - Confiance envers la valeur de la monnaie1

- Compréhension et partage des valeurs, la mission et des objectifs par les membres

- Compréhension des règles par les membres

- Développement d’un sentiment d’appartenance et confiance entre les membres - Fort lien d’usage pour les membres

- Capacité à entraîner des changements durables dans les mœurs Gouvernance et leadership - Partage du leadership et apprentissage collectif - Engagement des administrateurs - Bonne entente entre la direction et le conseil d’administration

- Dévouement de la direction - Équilibre entre les quatre pôles internes (membres, administrateurs, gestionnaires, employés) - Caractère solidaire de la gestion - Équilibre entre la perspective de l’association et celle de l’entreprise (aire stratégique : détermination fonctionnelle, génétique ou double)

- Cohérence stratégique - Qualité du jugement stratégique des dirigeants Situation de l’organisation - Diversité des produits et services offerts

- Atteinte d’un nombre de membres efficient3

- Équilibre entre offre et demande4

- Vigueur de la vie associative

- Qualité des outils de communication avec et entre les membres

Choix organisationnels - Statut juridique - Mission de l’organisation

- Nature des échanges (biens et/ou services et savoirs) - Niveau de substituabilité par rapport au marché (fonction du type d’échange et de la présence de professionnels) - Type de monnaie (formes et conditions d’émission) - Mode de comptabilisation des échanges et autonomie accordée aux membres)

- Modalités de gestion de la masse monétaire (incluant crédit initial et taxation)

- Valeur de la monnaie (et rapport à la valeur-temps et négociation

- Position par rapport aux échanges bimonétaires

- Convertibilité de la monnaie (dans les deux sens et réserve en monnaie nationale)

- Types de membres (individus, professionnels et/ou organisations)

- Degré d’ouverture du système (membres versus non membres)

- Accès au crédit individuel et pour projet en monnaie sociale

- Degré de complexité du modèle

- Moyens de contrôle des comportements opportunistes Sociétariat

- Motivations des membres et leur position par rapport au marché et à l’argent

- Degré de diversité des pratiques des membres - Satisfaction des besoins des membres - Risque d’opportunisme (fonction du degré de substituabilité notamment)

- Taille minimale assurant l’équilibre entre l’offre et la demande

Gouvernance et leadership

- Type d’entrepreneurship (social ou collectif) - Modes de gestion et de gouvernance - Niveau d’organisation du noyau fondateur - Antécédents militants des fondateurs

- Formalité du processus de planification stratégique - Étanchéité de la frontière entre gouvernance et gestion - Capacité à identifier les besoins des membres - Capacité à attirer de nouveaux membres

- Capacité à offrir des facteurs de réduction de la perception de risque aux membres et membres potentiels (afin de réduire de coût d’opportunité lié à l’entrée dans le dispositif) - Capacité à identifier et répondre aux besoins des membres Situation de l’organisation

- Age et taille de l’organisation (impliquant les coûts liés à la croissance)

- Nombre d’échanges et vitesse de la circulation de la monnaie2

- Développement d’activités et projets parallèles - Étendue et configuration du territoire géographique d’action

(outre l’absence des facteurs considérés comme forces)

Sociétariat - Présence d’individus perturbant la cohésion du groupe - Présence de tensions, de luttes de pouvoir et de conflits entre les membres - Présence de membres ayant un important solde négatif - Présence de comportements opportunistes chez les membres

Gouvernance et leadership - Vide de talent autour de l’entrepreneur fondateur et concentration des pouvoirs et connaissances

- Absence de structure Accès aux ressources - Dépendance financière et poids des démarches de recherche de financement RISQUES

- Enfermement local et isolement

- Instrumentalisation et contrôle par les pouvoirs publics

- Isomorphisme marchand, reproduction des inégalités sociales

- Alourdissement de la gestion à cause du fonctionnement démocratique

- Empiètement des tâches des bénévoles et salariés - Perte de spécificité (en raison d’un faible contrôle des membres sur les orientations stratégiques ou de la prédominance d’une logique marchande) - Surestimation du rythme d’évolution des mentalités dans la société (presbytie)

- Appropriation locale du concept

- Efficacité et viabilité économique Accès et gestion des ressources

- Capacité à mobiliser des ressources diversifiées - Équilibre entre sources de revenus et dépenses - Partage d’expertise et appui de regroupement ou organismes de soutien

- Coût d’ajout d’un utilisateur Accès et gestion des ressources - Ampleur des ressources mobilisées - Présence de salariés

- Rémunération de l’implication en monnaie sociale - Accès à un local

- Accès à des ressources informatiques et techniques (logiciel de comptabilisation, Internet, ordinateur, photocopieur)

Relation avec les meneurs d’enjeux

- Nature des rapports avec l’État, le marché et la société civile

- Nature des rapports avec les autres systèmes d’échange de proximité et le mouvement qui les soutient

- Attitude des meneurs d’enjeux à l’endroit de l’organisation - Attitude de l’organisation par rapport aux meneurs d’enjeux

- Présence d’autres systèmes d’échange de proximité sur le territoire

- Existence d’ententes d’équivalence pour les échanges inter- organisations

Opportunités Facteurs pouvant constituer des opportunités

ou menaces selon les types d’organisations

Menaces Économique - Structuration et institutionnalisation croissantes du mouvement d’économie sociale au Québec - Instabilité monétaire - Fragilisation des capacités d’acquisition des individus - Crise de l’emploi et du travail

- Intérêt croissant de la population pour l’éthique et les pratiques responsables - Multiplication des opportunités de consommation responsable Social - Vieillissement de la population - Atomisation des communautés et transformation de la structure familiale - Émergence et structuration d’un mouvement altermondialiste Technologique - Révolution de l’information - Démocratisation de l’accès aux NTIC6 - Développement technologique (électronique Politique

- Implication de l’État dans le mouvement d’économie sociale

- Réduction de la taille de l’État et du rôle de l’intervention publique, diminution du financement étatique en économie sociale

- Pouvoir croissant des multinationales Économique

- Globalisation et interdépendance des pays pour l’approvisionnement en biens, services et savoirs - Déréglementation, financiarisation et marchandisation croissantes

- Ouverture des frontières et pratiques de délocalisation - Décalage entre les mondialisations économique, sociale et politique

- Primauté de la conception économiste en gestion - Diffusion du discours de citoyenneté corporative - Spécialisation et mobilité croissantes des salariés - Précarisation des emplois

- Évolution de la représentation de l’argent Social

- Niveau d’urbanisation

- Professionnalisation de l’économie sociale et des groupes de pression

Situation du mouvement

- Niveau de structuration du mouvement (présence d’une fédération, d’une association assurant la concertation et/ou la représentation ou d’une charte commune à adhésion volontaire)

- Absence de législation adaptée impliquant le risque de perte d’allocation gouvernementale pour les membres - Niveau de connaissance du concept dans la société

(outre l’absence des facteurs considérés comme

opportunités)

Politique

- Dénigrement de l’économie sociale par les néolibéraux Économique

- Position instable de l’économie non monétaire par rapport à l’économie marchande et non marchande - Menace d’envahissement de l’économie sociale par le marché5

et miniaturisation) Écologique - Changements climatiques et perte de la biodiversité Situation du mouvement - Multiplication des conférences internationales sur les monnaies sociales - Dynamique d’expansion inédite

- Niveau d’institutionnalisation et de reconnaissance du mouvement par l’État

- Diversité des modèles - Couverture médiatique

1

Sauf dans le cas de systèmes utilisant des monnaies convertibles en monnaie nationale, le fonctionnement repose sur le fait que chaque acteur est captif de l’autre à cause de l’utilisation d’une unité de compte reconnue seulement sur un territoire limité (bien que certaines monnaies soient utilisables dans d’autres organisations du même type, dans d’autres territoires, comme pour les JEU et les SEL, via des ententes inter-organisations). Cette fermeture peu aussi constituer une faiblesse.

2

Selon Blanc (2006), pour exister, une monnaie doit circuler, comme une marchandise périssable. L’accumulation sur une base individuelle n’est alors pas une fin en soi, d’où la justification des expériences de monnaies fondantes, l’oxydation ayant pour objectif d’en accélérer la circulation.

3

Une taille minimale est nécessaire pour atteindre un équilibre entre l’offre et la demande, équilibre lié à la diversité et à la disponibilité des biens et services dans le réseau. La taille efficiente dépendra possiblement de la géographie du territoire et des besoins des citoyens, entre ruralité et urbanité.

4

Les stratégies ayant pour but de stimuler l’adhésion (crédit initial) ou les échanges (bons cadeaux, rémunération de l’implication en monnaie sociale) sont susceptibles de créer un déséquilibre entre l’offre et la demande.

5

Cette menace fait le pont avec les notions de substituts et de concurrence abordés à la section 2.2.3.1. 6

L’évolution de la technologie entraîne notamment une atténuation de la relation entre proximité et commodité et permet aux acheteurs potentiels d’obtenir plus d’information sur les produits qu’ils désirent se procurer.