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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE 6

1.1 Qu’est-ce que l’échange de proximité? 7

1.1.4 La structuration du mouvement 17

À travers le monde, de plus en plus de structures chapeautant le mouvement émergent. Cette structuration passe par le développement d’outils communs de vulgarisation, de diffusion, de développement (guides de démarrage), de gestion des échanges et de communication entre les organisations. La volonté de regrouper toute l’information disponible sur le sujet, ou à tous le moins de proposer la liste de liens la plus complète possible, semble également présente. Certains de ces réseaux impliquent des chercheurs alors que d’autres sont à l’initiative de membres de types spécifiques de systèmes d’échange de proximité.

Nous avons vu plus tôt que les SEL et les JEU, principalement en France, s’organisent à travers un réseau dont l’association Sel’idaire est le point central. Sel’idaire a pour but de faire connaître les SEL, de stimuler et faciliter leur mise sur pied, favoriser le développement de solidarités et la circulation de l’information entre les SEL et avec les acteurs externes. Sel’idaire est également à l’origine de projets fédérateurs s’adressant à l’ensemble des membres des SEL français (voire même à l’étranger). Les SEL sont invités à adopter une charte commune proposée par l’association, qui définit notamment les modalités d’échanges entre les membres de SEL différents. À travers cette association, un bulletin

d’information est publié, de même qu’une lettre d’information électronique. La filière française a également mené au développement du portail Transversel (lui aussi constitué en association, depuis 2004) dont le collectif du même nom a récemment mis sur pied le Forum des SEL de France et d’ailleurs : un espace web de discussion pour les membres de tous les SEL. On retrouve une carte des SEL à la fois sur le site de Sel’idaire et sur le site de Transversel, mais elles ne contiennent pas exactement les mêmes données, la mise à jour ne semblant pas être syndiquée. Les deux sites donnent l’accès à de nombreux documents : articles, textes d’opinion, modes d’emploi pour le développement d’un SEL, documents à utiliser dans la gestion quotidienne des organisations (modèles d’affiches, de carnets de comptabilisation, etc.). Le collectif Sel Terre propose lui aussi une bibliothèque de références, une liste de vidéos et divers guides en plus d’un catalogue d’offres et de demandes valable dans le monde. Le site de Sel Terre (parfois aussi appelé LETS Planet) remplace actuellement l’ancien site des JEU. On retrouve donc sur ces quelques sites une grande quantité d’information où il peut être difficile de se retrouver.

Au Royaume-Uni, c’est le modèle Time Banks qui est le plus répandu et structuré. Time Bank UK est une association caritative dite parapluie qui vise à mettre en relation et supporter les organisations de type Time Bank à travers le pays. On retrouve sur ce site des informations sur comment démarrer une banque de temps, des articles, des vidéos et un répertoire des organisations sur le territoire. Time Bank UK agit également à titre d’organisme de soutien et conseil, de représentation et de diffusion.

Plusieurs sites différents semblent également revendiquer la structuration du mouvement des LETS au Royaume-Uni, avec plus ou moins de succès. L’organisation la plus développée est LETSlink UK, aussi nommée la UK Local Exchange Trading and Complementary Currencies Development Agency. Il s’agit d’une organisation sans but lucratif travaillant à la représentation du mouvement auprès de l’État et des médias et à la diffusion de l’information sur le sujet par l’organisation de conférences, de sessions de formation et d’activités de réseautage.

Aux États-Unis, le site Time Banks USA propose un répertoire des organisations, une sélection de vidéos et d’articles et propose aux individus intéressés un ensemble d’outils de démarrage incluant l’accès au logiciel de gestion des échanges développé par l’organisme Community Weaver. La mission de l’organisation repose sur le réseautage des banques de temps sur le territoire et la diffusion d’un modèle jugé porteur de changement social et de justice sociale.

Quelques sites tentent de recenser l’ensemble des systèmes d’échange de proximité dans le monde, mais ces listes sont très incomplètes, notamment en raison de l’extrême diversité d’appellations et de

critères d’inclusion possiblement différents. Elles ne contiennent que très peu des organisations que nous avons recensées au Québec par exemple.

John Turmel, un militant impliqué dans le mouvement des LETS, tente de mettre sur pied un réseau nommé UNILETS, qui serait en lien avec les Nations Unies. Ce projet reste imprécis, tout comme l’intérêt et l’implication des Nations Unies. Turmel propose néanmoins un répertoire des LETS dans le monde (incluant aussi d’autres types de systèmes d’échange de proximité).

Le site LETS Linkup, développé par le militant et auteur James Taris, affiche une grande quantité d’information plus ou moins structurée sur les systèmes d’échange de proximité et propose lui aussi un répertoire mondial.

On retrouve également un répertoire partiel des systèmes d’échange de proximité sur le site de la Business Alliance for Local Living Economies, une association américaine dédiée au réseautage d’organisations militant pour le développement de l’économie locale.

Le site CCSyndicator (où CC est l’abréviation de community currencies, soit monnaies communautaires), est un site développé sous l’égide de l’économiste et militant Thomas Greco qui propose un forum de discussions sur les défis auxquels fait face le mouvement afin de développer un savoir collectif et réfère à différentes ressources liées aux monnaies communautaires sur le web.

Le Complementary Currency Ressources Center est l’un des seuls organismes participant à la structuration du mouvement qui ne soit pas associé à un modèle précis de systèmes d’échange de proximité. L’étude de la liste des individus impliqués nous révèle la participation de nombreux chercheurs dans le monde, associés à la fois aux filières de recherche francophones et anglophones, notamment Gill Seyfang, Stephen DeMeuleneare, Jérôme Blanc, Ruth Pearson et Manon Boulianne. L’information qu’on y trouve y est variée : bibliothèque virtuelle, vidéothèque, présentation d’un groupe de recherche et d’un périodique annuel sur les monnaies communautaires. On retrouve également sur ce site une cartographie des différents modèles de systèmes d’échange de proximité dans le monde (Hours, SEL, LETS, Time Bank, etc.). En collaboration avec la Fondation Strolham et une firme de consultation, le centre propose également un soutien au développement de nouveaux dispositifs de monnaie communautaire.

Nous avons assisté, dans les dernières années, à la multiplication de conférences et de colloques internationaux sur le sujet : la conférence Local Currencies in the 21st century organisée par la E.F Schumacher Society en juin 2004, une conférence sur la régionalisation monétaire à Weimar en Allemagne en septembre 2006 suivie d’un Sommet sur les monnaies locales et les 4e et 5e conférences

de la Business Alliance for Local Living Economies (BALLE) accordant une place importante aux monnaies sociales et locales.

Plusieurs centres de recherche, réseaux de chercheurs et/ou d’acteurs et fondations ont également intégré ou soutenu des projets de recherche portant sur les monnaies sociales et communautaires, notamment la New Economics Foundation et le Pôle de socio-Économie Solidaire, la Fondation Charles Léopold Mayer et la E.F. Schumaker Society (qui propose aussi un répertoire de quelques expériences en Amérique du Nord).

Un centre de recherche sur les monnaies communautaires, le Wales Institute for Community Currencies a même été mis sur pied à 2003 avec la collaboration de la University de Wales et Time Bank UK. Ce centre a pour objectifs de développer et d’expérimenter des modèles de monnaies communautaires au Pays de Galles, de faire de la recherche sur l’efficacité des différents modèles et de diffuser l’information concernant les meilleures pratiques aux instances chargées du développement des politiques publiques et du financement. Il s’agit donc d’une première organisation dédiée à faire le pont entre le milieu de la recherche et le terrain.

Il faut surtout retenir que le mouvement est en phase de structuration, avec une grande accélération du phénomène dans les cinq dernières années. La structuration s’effectue actuellement spontanément sur la base des modèles (LETS, SEL, Time Bank), sur une base géographique (mouvement français, anglais, allemand, américain, etc.) avec quelques projets rassembleurs impliquant à la fois des chercheurs et des militants : le chantier monnaies sociales du Pôle de Socio-Économie Solidaire et le Complementary Currencies Ressources Center. Ces deux réseaux permettent la collaboration de nombreux chercheurs d’expression francophone et anglophone, certains étant simultanément impliqués dans les deux.